Tunisie : le procès très attendu des leaders du mouvement social du bassin minier s’ouvre le jeudi 4 decembre 2008 devant le tribunal de premiere instance de Gafsa (sud-ouest tunisien)

Compte rendu de la première journée du procès : 8 détenus libérés et renvoi du procès pour le 11 décembre 2008.

La première journée du “procès des 38” concernant les leaders du mouvement du bassin minier s’est clôturée ce soir au Tribunal de Première instance de Gafsa comme prévu sur un report, qui était demandé par la défense. Les nouvelles dates fixées en fin de journée par le tribunal pour la suite du procès sont les 11 et 12 décembre prochains. Par ailleurs, le juge a décidé ce soir également de la mise en liberté provisoire de huit détenus, à la demande de la défense qui l’avait réclamé pour l’ensemble des inculpés. Les huit détenus concernés sont : Othman ben Othman, Moad Ahmadi, Mohsen Amaydi, Mohamed Baldi, Makram Majdi, Mohamed Helali, Radhouane Bouzaiane, Abdallah Elfajraoui. Demain matin doit se dérouler en outre à partir de 9H l’interrogatoire de deux des 38 inculpés qui était en fuite mais se sont présentés à l’audience de ce matin. Aucune réponse n’a été apportée en revanche à deux autres demandes de la défense, qui concernait une expertise médicale sur les prisonniers suite aux faits de torture qu’ils ont rapporté, ainsi qu’une convocation des deux maires successifs de Redeyef pour qu’ils soient entendus par le tribunal sur les négociations qu’ils avaient mené notamment avec l’inculpé Adnane Hajji, figure emblématique du mouvement, et d’autres inculpés du même procès.

Le procès des leaders syndicaux avait commencé par l’énumération des noms des inculpés, qui affichaient aux dires des observateurs un bon moral. Les inculpés ont alors chanté l’hymne national, rejoints par leurs avocats, malgré des bousculades policières. Un premier report d’audience de 15mn a été demandé aussitôt par les avocats de la partie civile afin que d’autres collègues d’autres villes tunisiennes en train seulement d’arriver puissent également se constituer dans la défense. Ce sont près d’une centaine d’avocats présents à l’audience pour défendre les inculpés, venus de toutes les villes du pays. “Le tribunal est rempli de robes noires”, témoignait ce matin avec beaucoup émotion par téléphone un avocat venu de Tunis au CRLDHT. Le chiffre officiel annoncé est de 92 avocats constitués dans la partie civile. D’après cette même source, “presque tous les leaders politiques et syndicaux étaient présents”. “Les prisonniers auraient été privés de la visite de leurs avocats ces trois derniers jours.” Les avocats ont demandé le témoignage du ministre de la santé publique et des hauts fonctionnaires de l’Etat. Mokhtar Trifi, président de la LTDH, a plaidé sur le cas de Mouhieddine Cherbib, résidant à Paris et coaccusé pour délit de solidarité et divulgation d’informations sur le bassin minier vers l’étranger, demandant un report car M. Cherbib n’a reçu aucune convocation. Les avocats ont surtout plaidé aujourd’hui sur la forme, demandant la libération provisoire des détenus, et le report du procès.

Des délégations syndicales marocaine, française, algérienne étaient arrivées hier en Tunisie afin d’assister au procès. Seul l’un des deux représentants de la CGT, Vincent Krier responsable des questions internationales de la FERC-CGT, a été contraint de faire demi tour à l”aéroport (officiellement parce que sa carte d’identité française ne pouvait suffire pour entrer sur le territoire tunisien, ce qui est généralement toléré). Divers cas par ailleurs d’empêchement d’accéder à Gafsa ont été signalés, par exemple trois membres de l’Association Tunisienne des Femmes démocrates (ATFD) qui ont été contraintes de faire demi tour à l’entrée de l’autoroute en sortant de Tunis par six voitures de police vers 4H30 du matin. Elles avaient l’intention notamment de rendre visite à Redeyef aux épouses des inculpés. Pour mémoire, l’ATFD s’est vu récemment attribuer le prix des droits de l’homme 2008 de la République française et la cérémonie de remise du prix aura lieu ce 10 décembre à Paris, en présence de Mme la ministre Rama Yade. Egalement, Messaoud Romdhani, porte-parole du Comité national de soutien aux populations du bassin minier, et responsable de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, et constamment empêché de quitter Kerouan (hormis la semaine dernière dans le cadre de la visite d’une délégation française à Tunis) a été une fois de plus contraint de rester dans sa ville. Plusieurs familles de Redeyef d’où sont issus la majorité des inculpés de ce jour n’ont pas été autorisées non plus à quitter leur ville. D’autres cas d’interdiction d’accéder à Gafsa par les forces de police sont encore avérés.

Nouvelle importante pour ceux qui l’ont pas eue encore : le bureau exécutif de l’UGTT (la centrale syndicale) a décidé hier de lever la mesure de suspension qu’il avait prise à l’encontre de Adnane Hajji, le leader syndical. Adnane Hajji avait été l’objet en effet, en mai 2008, d’une mesure disciplinaire de « suspension de toute activité syndicale ” Cette décision de l’UGTT suggère que la centrale syndicale réhabilite officiellement l’action de son adhérent et soutient la défense de Adnane Hajji et de ses camarades à la veille du procès.

Paris, le 4 décembre 2008.

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