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Université Tunis Carthage

Encore une circulaire ministérielle qui restera dans les annales de l’enseignement supérieur. Il est vrai qu’à travers un seul coup, le ministre règle deux grandes failles de tout notre système éducatif : la mémoire et l’environnement. Effectivement, une de nos tares nationales est le rapport à la mémoire. Nous avons cette fâcheuse tendance à oublier très rapidement tout ceux qui ont fait notre patrimoine, notre grandeur et notre essence. Comme gêné par la réussite de l’autre, le tunisien s’attache plus aux rituels religieux, non impliquant et ne revenant qu’à une divinité supérieure à tous les humains.

Il oublie donc tous les « héros » et les « Vaillants » qui ont réfléchi la cité, combattu les ennemis, pris des risques, sacrifier leurs vies, résister à l’obscurantisme, produit des connaissances, défendu des causes, bataillé pour des acquis, mené de front des vraies luttes pour que la Tunisie soit à sa position actuelle. Le tunisien croit que c’est grâce aux forces du moment, du hasard ou encore de cette même divinité que son pays se situe relativement bien sur l’échiquier des pays du Sud. Effacer les hommes n’est qu’une sinécure devant l’oubli des évènements, des dates, des faits, des icônes et bien d’autres balises qui fondent l’Histoire d’un pays de 3000 ans d’existence.

La deuxième tare sur laquelle a pointé et bien visé la circulaire est le rapport à la nature et à l’environnement d’une façon générale. Constatant que le Labib national est complètement dépassé par les comportements non civiques et individualiste de ces concitoyens, le ministre a tenté de porter une main forte pour relancer l’action verte et de portée publique.

La dernière grande innovation 2008 est donc de créer une placette au sein de chaque institution universitaire, portant une plaque remémorant le 50e anniversaire de la création de l’université tunisienne. Cette placette doit, bien sûr, contenir un point d’eau, un élément vert et être bien entretenue. Afin de parfaire le décor, un groupe d’étudiants dévoués devrait se réunir tous les mercredis après midi autour de l’entretien de la placette. Et la cerise sur le gâteau : un prix de la meilleure placette sera décerné chaque printemps de l’année universitaire.

Comme si le ridicule de la production ne suffisait pas, l’observation du zèle de certains responsables quant à l’application de la circulaire est à porter aux palmarès de l’inventivité burlesque. Il a fallu pour certains trouver un espace central et visible quitte à condamner…. des arbres ou un espace commun. Il a encore fallu trouver les matériaux nobles, les créateurs et les entrepreneurs pour réaliser l’œuvre tant attendue. Tous ceci en moins d’une semaine. Imaginez que chaque institution, à l’instar de nos boulevards de l’environnement, va avoir sa placette de marbre. Je reste sans voix devant une université sans voie. Une réelle efficacité doublée d’une efficience sans faille… quand je pense que pour acheter une cartouche d’encre pour l’imprimante du labo, ils nous imposent des mois d’attente… je dis bravos aux responsables !

Que dire ? quand on sait que les placettes en marbre et les surfaces gazonnées sont de loin les mieux loties dans la liste des priorités des institutions, deux hypothèses viennent à un esprit sain : soit que l’université offre déjà toutes les conditions matérielles décentes pour une production universitaire de « qualité » et donc s’occupe dorénavant des accessoires intelligents. Soit qu’elle est complètement dépassée par la liste des besoins élémentaires, donc se rabat sur les fins budgétaires faciles et à effet visible et immédiat.

Comme le dit si bien un proverbe de chez nous : « manger des bonbons, c’est tout ce qui manque à l’étranglé !! » Merci encore Monsieur le Ministre.

K.O