Il parait que le Tunisien est une espèce en voie de disparition. Sujet à des troubles sexuels, celui-ci se reproduit de moins en moins. Son infertilité indispose le régime, car s’il y a moins de tunisiens, il y aura moins de consommateurs pour faire tourner Carrefour, Bracorama et toutes les boutiques maraboutiques. On peut même se demander qui votera pour notre gentil président en 2019 si la race tunisienne venait à disparaître. Si nos mauves commencent à peine à se pencher sur cette question ô combien vitale, nos journalistes du groupe Dar Assabah ont déjà planché dessus et nous proposent même un remède contre notre prochaine extinction:

LE VIAGRA

Un journaliste du quotidien le Temps (groupe Dar Assabah) nous évoque ainsi le "conclave" de sexologues qui s’est tenu à Sousse en plein week end de la Saint-Valentin (ici). Ces scientifiques auraient abordé le problème de la procréation depuis Adam et Eve jusqu’à l’Homo Tunisianus. Selon eux, cette espèce évoluée qu’est le tunisien, en plus d’être monogame, souffre de stress, de gavage de protéines, de tabous religieux et de toutes sortes de fantasmes qui troublent sa sexualité. Mais pas de panique la solution existe: le VIAGRA!. “La légalisation du Viagra en Tunisie, sauverait 40% des foyers tunisiens, de la séparation” disent-ils.

En réalité ces sexologues n’ont fait que corroborer les “recherches” de nos brillants journalistes du groupe Assabah qui ont déjà compris depuis belle lurette que le VIAGRA était la solution. En effet, dans un édito de la rédaction du quotidien Assabah daté du 05/02, ces derniers s’insurgent carrément contre le président de le pharmacie centrale qui s’est rétracté après avoir annoncé la légalisation du produit. Ce même président s’est d’ailleurs exprimé sur les colonnes de la Presse pour couper court à toute rumeur.

En guise de riposte, ces journalistes pro-Viagra expliquent à cet ignorant qu’il s’agit là d’une question de salubrité publique et qu’il est normal d’autoriser la circulation de ce médicament pour aider les couples, contrer le marché noir de VIAGRA et sauver la Tunisie. La prudence d’un professionnel de la santé publique tel ce directeur de pharmacie centrale ne convainc guère nos journalistes et l’on peut s’interroger sur les raisons de leur acharnement.

Derrière chaque tabou se cache un marabout

Il n’est pas interdit de penser, connaissant la bonne foi de nos journalistes, que leur soudain emballement pour le VIAGRA est loin d’être objectif. En effet il est connu de tous que leur saint patron Sidi El Materi est aussi un des patrons des laboratoires Adwya et que cette société n’a jamais caché sa volonté de s’imposer dans le marché ô combien lucratif des “inducteurs d’érection”. Sachant en plus que le brevet d’exclusivité du VIAGRA tombe vers juin 2011, il est tout à fait plausible de penser que notre jeune marabout, aidé de ses médias, œuvre en ce moment activement pour le lancement de son nouveau produit VIATEK (déclinaison tunisienne du VIAGRA) et ce malgré l’entêtement de ce Tartempion de la pharmacie centrale qui finira bien par céder. En plus de nous assommer par leur propagande mauve, voilà que nos journalistes se mettent à nous spammer pour du VIAGRA de marabout.

Nessma TV s’intéresse à notre sexualité

Heureusement que la nouvelle chaîne privée Nessma (dont 25% est financée par Berlusconi), brise enfin les tabous et aborde la sexualité avec une aisance déconcertante à se demander si ce n’est pas grâce à Berlu que nous allons enfin vivre en Tunisie notre révolution sexuelle voire démocratique!

Pas étonnant que certains esprits coincés voient dans ce type de programme une offense contre la religion et appellent au boycotte de Nessma. D’autres vont jusqu’à déceler la main du Mossad et des franc-maçons complotant contre l’Islam. Sur facebook leur groupe anti-Nessma arbore le logo de la chaîne surmonté d’une étoile de David. Face à ces puritains effrayés par la prétendue menace judéo-chrétienne qu’incarnerait Nessma, s’est levé un front de soutien pour Nessma contre les prétendus islamistes. Un de nos éminents cybermauves (salut Hmida!) profite de cette occasion en or pour défendre la chaîne contre le péril intégriste et ce au nom de… la liberté d’expression!

Comme je l’ai souvent répété sur ce blog, lorsque le débat public est confisqué par la propagande du régime, prolifère la théorie du complot d’un côté comme de l’autre et les mauves s’en sortent toujours vainqueurs!

Conclusion

La question du sexe est délicate dans les pays musulmans car elle se heurte à la doctrine et aux fondements de ces sociétés. En Tunisie malgré certaines ouvertures, domine en filigrane la tradition. Ce qui pose problème n’est pas tant que cette tradition puritaine perdure, mais que celle-ci prenne à chaque fois le dessus sur l’organisation de notre vie collective. Certaines lois héritées de la religion qui punissent la pratique du sexe avant le mariage nous reposent la question du statut de la religion dans notre pays. D’autant plus pertinente cette question que nous constatons que même les plus croyants transgressent cet interdit. J’entends déjà certains me citer les versets du Coran concernant cette question. Mais contre cet argument catégorique qu’est ce texte sacré, force est de constater que nos exigences contemporaines ont amendé une bonne partie de ses préceptes traditionnels et qu’il n’y plus lieu de se bloquer sur des détails. Ou alors soyons cohérents et appliquons à la lettre la charia dans son ensemble.

La vraie question est de savoir au nom de quoi doit-on absolument se référer à ce texte et pourquoi ce dogme qui nous interdirait de remettre en question sa légitimité dans l’organisation de notre vie collective? Remarquez mes amis, que ce dogme est très proche de celui qui nous interdit de remettre en question la légitimité politique de notre président…A croire que l’un est lié à l’autre et qu’il est dans l’intérêt de l’actuel régime d’entretenir de tels dogmes. C’est pourquoi je reste convaincu que pour libérer les esprits des interdits de tout genre, il faut d’abord faire tomber le dogme politique de l’autorité absolue du chef suprême et créer un cadre de débat sans lequel nous nous pourrons jamais discuter objectivement avec toutes les composantes de la société tunisienne.

Bien sûr, vous vous doutez bien que ce n’est pas Nessma, ni les chaines débilitantes à venir, qui nous ouvriront un tel débat. Vous vous doutez bien aussi que ce n’est pas le VIAGRA, ni ses dérivés maraboutiques, qui nous guériront de notre impuissance politique!

Débat Tunisie