Le président Ben Ali appelle les deux parties en conflit au sein de la Ligue de défense des droits de l’homme à trouver un accord permettant de sortir de l’impasse.

Chedly Ben Younès (g.), un des leader des “rebelles”, et l’actuel président Mokhtar Trifi. © Hichem et Fethi Belaid/AFP

Cela fait dix ans que les activités de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH) sont gelées à la suite d’une crise opposant sa direction à des militants « rebelles ». Une lueur d’espoir est apparue le 7 novembre dernier lors d’une intervention du président Zine el-Abidine Ben Ali, qui a appelé les parties en présence « à œuvrer avec sérieux en vue d’un accord qui rétablirait la Ligue dans son activité ». Il a réaffirmé que la LTDH « est un acquis national » et s’est placé au-dessus de la mêlée, exprimant son « estime et [sa] considération pour tous ceux qui œuvrent dans le domaine des droits de l’homme, qu’il s’agisse d’individus, d’organisations, d’associations ou de structures ».

Des propos inhabituels destinés de toute évidence à rassurer le bureau directeur de la Ligue, qui accusait le pouvoir d’avoir pris le parti des « rebelles ». En dix ans, ces derniers ont obtenu une trentaine de décisions de justice favorables qui ont eu pour conséquence d’obliger la LTDH à cesser toute activité jusqu’à la tenue d’un congrès, lui-même finalement ajourné. Les tentatives de médiation de l’ex-bâtonnier Abdelwahab Béhi et de Moncer Rouissi, ancien ministre et actuel président du Haut Comité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avaient abouti à une impasse à la fin de mai 2010. Depuis, les contacts sont rompus entre les parties en litige. Les irréductibles de chaque camp ne veulent pas entendre parler d’un congrès consensuel, qui aurait pour conséquence de réduire leur influence. Cette fois, Ben Ali a donné six mois aux protagonistes pour « surmonter la crise » et s’est pratiquement porté garant de l’application de tout accord en promettant son « aide ».

Autonomie

L’heure est donc au dialogue. À la suite de l’appel lancé par le président, Moncer Rouissi s’est dit prêt à reprendre sa médiation. « Je suis disponible et mobilisable à tout moment pour aider à trouver une solution dès que les parties le souhaiteront, a-t-il déclaré. La situation qui dure depuis dix ans n’est pas normale. On peut même aller jusqu’à imaginer un conclave d’où l’on ne sortira qu’avec une solution. » Mokhtar Trifi, le président de la LTDH, qui se trouvait à Rome, a déclaré sur la chaîne qatarie Al-Jazira qu’il ferait tout, lors des prochaines discussions, pour que l’autonomie de l’organisation soit sauvegardée. Partenaire le plus en vue parmi les « rebelles », l’avocat ­Chedly Ben Younès (modéré) nous a indiqué qu’il était prêt à un « compromis historique ». « Nous voulons une Ligue autonome, ajoute-t-il, avec un consensus sur la représentation de toutes les tendances au sein de la direction, comme cela a été historiquement le cas, sans qu’aucune n’ait la majorité. »

Si un accord n’est pas conclu dans les six mois, ce serait le saut dans l’inconnu. Ben Ali a précisé qu’il espérait que les parties parviendraient à un accord dans ce délai, « afin d’éviter les solutions judiciaires ». Certains parmi les « rebelles », avec à leur tête Ridha Mellouli, ont toujours défendu l’idée qu’il fallait recourir à la justice pour écarter l’actuelle direction de la LTDH et désigner à sa place un « administrateur judiciaire ». Nombreux sont ceux, y compris parmi les proches du pouvoir, qui jugent une telle mesure inefficace et inapplicable, tout en estimant qu’elle ne ferait qu’aggraver et prolonger la crise. Mais on n’en est pas encore là.

Jeune Afrique