Bouche pâteuse, peu d’heures de sommeil et une envie de Perrier que je ne peux satisfaire, je prends ma plume.

S’il est une question que l’on m’a beaucoup posé ces derniers temps, c’est qui se cache derrière Louis Yezzi ? Après tout, c’est peut-être un agent envoyé en mission spéciale par le RCD afin de détruire Naoufel, Biju, Sonia, Faouzi et Slim, sans compter les autres traîtres de la Tunisie en puissance, qui sait ?

Louis Yezzi est né le jour où j’attendais M. pour entamer les présentations avec mes parents. Ma bonne mémoire me dit que c’était un 5 juin 2010 ensoleillé où j’étais plus à l’euphorie qu’aux révisions de Maths (pour un DS où j’ai eu 7,5 au final, comme quoi Louis Yezzi c‘était plus rentable). Le mois de Juin étant beaucoup moins prenant que les autres, j’en avais profité pour m’informer plus en détails sur les méfaits, les rapports et les témoignages des principaux acteurs de cette dictature sans foi ni loi – “une dictature mafieuse qui ne repose sur aucune idéologie” en somme, pour reprendre les termes du Dr. Marzouki. Mon séjour en Tunisie durant la saison estivale m’avait permis de vérifier ce que les méchants opposants, traîtres à la Tunisie disaient. J’ai pu constaté, à mon plus grand effarement, que lorsque l’on ne vit que pour manger, toucher un salaire, faire vivre sa famille et rouler des mécaniques, Taoufik Ben Brik, on ne connaît pas ! Les différentes relations que j’ai tissé ont bien entendu fait que je suis arrivé en Tunisie avec plus de blinkers que d’habitude et je constate que j’étais vraiment ravi d’en foutre le camp et ce pour plusieurs raisons. L’imbécilité ambiante, les informations tronquées et Youtube censuré, franchement, ça devenait usant à la longue, puis M me manquait. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. C’est donc dans le ferry qui me ramenait à Marseille que j’ai écris “Tunisie : 1 – Moi : K.O'”, alors que la tension était monté d’un cran entre certains membres de ma famille qui m’ont conseillé de me détacher de cet intérêt pour la politique tunisienne au profit d’une passivité sécuritaire et moi. Moi, le méchant, le passionné, l’utopique, l’anticonformiste, profitant de la folie de mes 20 ans pour essayer de faire bouger marginalement les choses. Moi, ne rêvant que de passer un mois en Tunisie sans voir mes parents de plus en plus déçu de voir que ce pays court à sa perte à cause de l’imbécilité et du manque de civisme croissant des « citoyens ». Moi, enfin, qui rêve de m’imaginer investir là-bas sans coopérer avec des mafieux.

Dans le Roi Lion I (back to classics), Skar disait à Simba : “Pars … pars trés loin ! Et ne reviens jamais !”

Chez Disney, ils ont le mérite d’être un peu plus visionnaire qu’à Carthage. Retour en Août 2007 où je voulais prendre une photo pour la publier sur mon blog à l’époque, au port de la Goulette. Un flic est arrivé en me demandant mon appareil photo. Je le lui tend et me demande de visionner les photos que j’ai pris à l’instant. Je les lui montre et il commence à laisser libre court à sa testostérone en me menaçant de confisquer l’appareil si je ne les effaçais pas sur le champ. un collègue à lui me rejoint et me demande ce que je fais ici. “J‘habite en France, je prends le ferry” – “Aya béhi, saïbou”. Avais-je réellement l’air d’un terroriste sanguinaire ? D’un passeur de clandestin ? D’un communiste rêvant de faire de la Tunisie un pays où l’égalité entre tous serait le crédo ? Si ces deux policiers n’étaient pas là, la Tunisie était à deux doigts de désastre, à n’en point douter…

On est en novembre 2010, je suis en cours d’éco, un mercredi de 12 à 13h. L’heure terrible durant laquelle dans un état de quasi-léthargie, il faut réussir à ne pas se concentrer sur la faim qui gagne nos petits estomacs, la fatigue qui commence à gagner et le portable qui vibre dans la poche . Ce mercredi-là, on s’intéressait ici à la Théorie du Public Choice, qui a montré grosso modo qu’une partie du personnel politique n’a pour seul but que de maximiser son intérêt personnel au détriment de l’intérêt collectif. Je suis sur que, comme moi, vous pensez à un Président au poste depuis 23 ans maintenant et dont nous rêvons d’assister au départ… inutile de le nommer hein ?

En attendant, on avance dans l’étude de cette théorie qui se divise en 4 axes d’études. Le dernier axe me semble ici le plus intéressant. Il s’intitule « la théorie de la recherche de rente » dont l’analyse se présente comme suit : « L’Etat dispose du privilège d’accorder à des agents une situation de monopole sur une activité économique en imposant plusieurs restrictions à la concurrence […] Tullock assimile la recherche de rente à un vol dans la mesure où les dépenses que celle-ci engendre sont improductives.

Du sur-mesure …

En avançant encore un peu dans le cours, la prof commence nous remettre dans le bain glacé de l’an dernier qu’était la microéconomie en nous demandant : « Pourquoi les phénomènes de rente sont-elles un frein au développement des pays en voie de développement ? ». Et moi de prendre la parole pour parler de corruption.

Alors que l’on débute ce « jeu » de questions-réponses, elle finit par dire qu’elle veut mener au bout de mon raisonnement et je lance enfin le mot tant attendu : DIC.TA.TURE.

Du sur-mesure vous disais-je.

Le président tunisien ne cesse de mettre en avant sa croissance saine et durable, fruit des décisions économiques éclairées émanant de sa modeste personne – pauvres conseillers, pauvres ministres, on dirait qu’ils ne servent à rien ! Faut-il remplacer les conseillers économiques par un bon livre d’économie pour comprendre que le rent seeking n’est en aucun cas un élement moteur de la croissance ? Si oui, messieurs mesdames les censeurs, merci de transmettre le message à notre Président grabataire – et seulement CE message, pas ma plus haute considération ou une quelconque pitrerie de votre part … ou si ! Mon majeur tendu, avec en haut de mon doigt un petit smiley comme on s’amuse à en faire dans notre classe en Allemand quand on trouve le temps long, ça détendra l’atmosphère.

J’aimerais maintenant laisser de côté l’économie et mes péripéties en Tunisie pour me re-concentrer sur L. Yezzi, le fauteur de trouble, celui qui ne fait que parler, gémir, se plaindre … et qui ne propose rien.

Bref, le méchant qui n’a pas le courage de dire qui il est et qui n’a que de la gueule.

En créant ce compte Facebook, je me suis dis que de toute façon, tôt ou tard, je devrais me dévoiler pour de vrai. Je ne sais pas si vous serez surpris par celui qui se cache derrière ce pseudo pas très recherché, mais je pense de plus en plus à en finir avec cette schizophrénie Facebookienne. Deux éminents opposants tunisien me le déconseillent ; je respecte leur avis, je vais essayer de tenir mais pour quelqu’un comme moi qui a toujours tout assumé, j’ai l’impression de jouer la mauviette un peu malgré moi. Si je n’avais pas peur que ma famille en Tunisie soit harcelée, surveillée où victime de manipulations, L. Yezzi n’aurait certainement jamais existé. Je suis le pur produit de nawaat.org (j’y ai mis les pieds pour la 1ère fois alors que j’étais en seconde suite à un article sur le crash de l‘ATR42 de Tuninter), je n’ai plus jamais quitté le milieu de la dénonciation des abus de la dictature (ou de la dictature itself). Je n’ai pourtant aucun opposant dans ma famille mais agir c’est mon dada, surtout quand c’est utile et porteur de quelque chose de concret.

Étant revenu à ce statut tant chéri de célibataire un peu malgré moi, j’ai profité des vacances de la Toussaint pour faire un peu le point sur ma misérable condition humaine et, une fois n’est pas coutume, je me suis offert deux jours de pur vertige carte bancairéen à Paris pour compenser le vide (enfin, l’excuse de la lectrice de ELLE de base quoi). C’est en tout cas par un bel aprés-midi d’Octobre que j’arrive à la station Franklin D. Roosevelt un peu chargé de sacs, dont un d’une célebre maison de couture française. Un homme d’une cinquantaine d’années, en bleu de travail et béret (assez cliché en somme) me lança : « alors, on a dévalisé **** ? ». Ce à quoi je répondis : « moui, mais je rentre bientôt chez moi, alors tant que je suis à Paris j’en profite ». « Vous venez d’où ? » – « De Tunisie ». Ne me demandez pas pourquoi j’ai répondu ça, mais je me suis dis que métro bondé aidant, casser le mythe d’une Tunisie où il fait bon vivre et méditer, c’était vraiment jouissif. Le monsieur ainsi que les autres usagers, étonnés de ma réponse sur la situation de la jeunesse en Tunisie, me répondit texto : « ici, on a trop de libertés, c’est ça le problème en France ! Quand y’a des manifs, on casse les vitrines, les enseignes, on crame des voitures … y’a trop de liberté j’vous dis ! Ils doivent rire de nous dans votre pays ! ».

Cette réplique datant de l’époque des manifestations au sujet des retraites, j’ai eu le temps de méditer longuement sa réponse en me demandant ce qui était le mieux : priver une jeunesse de s’exprimer pour tendre vers un soi-disant ordre tout en sachant qu’on tend vers un cocotte-minutisme dangereux OU la laisser s’exprimer envers et contre tout, se portant ainsi garant d’une liberté d’expression, socle de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme ».

Méditons méditions … à moins que vous ne préfériez laisser cette basse tâche à notre papi préféré – qui n’a pas le droit à une retraite bien méritée aprés 23 ans de bons et loyaux services …

Louis Yezzi