Par Salah Kedidi

Depuis quelques jours, des gens découvrent le besoin de s’exprimer sur les ondes, sur les écrans, sur la toile ainsi que sur les pancartes que l’on brandit pendant les manifestations, grèves et sit in. Les articles foisonnent sur les colonnes des quotidiens, des hebdomadaires, des magazines et autres publications électroniques. En plus des journalistes qui jusque-là étaient bâillonnés, on rencontre des juristes, des médecins, des littéraires ainsi que d’autres «commun des mortels». On exprime ses idées, ses convictions, ses opinions sur la situation dans le pays et ce que « doit » être son avenir. Les recommandations pleuvent de partout : il faut, il faudrait, on doit, on devrait… C’est le forum de la Rome antique alors que nous ne sommes pas loin des suffètes et du sénat de Carthage avec ses Hannon, Magon, Hamilcar et Hannibal. Et c’est appréciable.

Avec toute cette profusion d’appels et d’avis lancés à la population on se retrouve au milieu d’un tumulte remarquable dans lequel une oreille un peu avertie peut distinguer :

– Une classe populaire avec des revendications, qu’on qualifie de légitimes, et qu’on a du mal à satisfaire, parce qu’ils font effet de menaces sur l’économie du pays, étant donnée la situation critique provoquée par une paralysie des principaux secteurs vitaux comme le tourisme et les mines de phosphates pour ne citer que ces deux branches.

– Une grande partie de l’opposition qui a du mal à trouver ses repères et dont certains composants adhèrent à toutes les critiques adressées au gouvernement provisoire, dont la légitimité est contestée par une bonne proportion de citoyens, étudiants, juristes, penseurs… et de ce fait refusent toute sorte de démarches entreprises par cette autorité.

– Un gouvernement provisoire soutenu par une frange du peuple qui ne demande que le retour de la sécurité, la reprise normale du travail et le redressement d’une situation économique fragilisée par la révolte. Il est aussi appuyé par ceux qui ont peur, en cas de sa dissolution, d’un vide politique qui risque d’amener une nouvelle dictature ou bien un chaos que personne ne souhaite.

La classe populaire est encouragée par une centrale syndicale sournoise et manipulatrice qui agit pour se racheter et faire oublier un soutien inconditionnel qu’elle a manifesté au régime déchu de Ben Ali pendant des années. Elle est sourde à tous les appels lancés pour la reprise du travail, l’arrêt des grèves et le report des revendications insistantes qui ne font qu’aggraver la fragilité de la situation économique. Elle affiche une ignorance totale de tous les risques et dangers auxquels elle s’expose et auxquels elle expose toute la nation.

L’opposition, en plus des différents reproches et désapprobations faits au gouvernement, à ses décisions et à ses membres, multiplie haut et fort les contestations et détourne les yeux de tout ce qui peut causer du tort à l’économie du pays et la plonger dans la précarité. Seuls comptent pour elle le choix et la résolution politiques.

Le gouvernement provisoire, peine à avancer dans un terrain rocailleux, plein d’épines et miné. Des contestations interminables d’ordre social, arrivées au mauvais moment, qu’il s’est vu obligé de satisfaire pour éviter des blocDialogue de sourds et Prêche dans le désertages. Une administration incrustée d’éléments de l’ancien régime dont le comportement reste toujours douteux et dont l’autorité est refusée par les administrés. Une sécurité qu’il n’arrive pas à instaurer à cause d’éléments mal intentionnés, dangereux et difficiles à identifier, qui se baladent dans la nature. Une frange assez consistante de la population qui réfute sa légitimité et sa crédibilité. Un manque de fermeté et de rigueur dans les décisions à prendre qui encourage les parties en face à exercer des pressions de plus en plus fortes pour obtenir de plus en plus de concessions. Sa voix faible porte peu jusqu’aux tympans de la masse et par conséquent n’arrive pas à convaincre.

Dialogue de sourds

La masse revendique, l’opposition conteste alors que d’autres clament la dissolution de toute les instances actuelles de l’état et que la centrale syndicale lance ses signaux perturbateurs. Le gouvernement provisoire, sans porte-voix, répond dans une langue qui semble étrangère aux autres parties qui refusent de l’écouter. Chacun parle et personne n’écoute.

Le prêche dans le désert.

Les journaux publient des articles fleuves qui ne semblent convaincre que ceux qui les ont écrits et n’atteignent qu’une partie infime de la population. Il en est de même pour les programmes de certaines stations radio ou télé. Les appels au patriotisme et au sens des responsabilités rappellent chez certaines gens les discours RCD qu’ils ont toujours réfutés et auxquels ils répondent « Dégage ! ».

Cette situation me rappelle un vieil adage qui dit : L’aveugle parle à la sourde pendant que la tambourine est dans la main de la trembleuse « El Aamya tkallem fi Eltarcha ou Eltar fi Yed El morââcha »

Qui et qu’est-ce qui empêchera l’anarchie et le chaos de s’installer ?

« Un miracle » dira le pessimiste.

Il se nommera comment ?

« DIKTAT » peut être ?

S.K., Ancien Expert FAO