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Par Oussama Ketatni

Une minorité scande, des suiveurs inconscients les supportent. Un gouvernement affaibli se retrouve à jouer aux chaises musicales dans un climat où les bonnes initiatives ne trouvent plus que des éternels insatisfaits et des bâtons dans les roues et les bonnes intentions ne trouvent plus d’écho mais seulement du doute et de la méfiance. La majorité, soucieuse des tracas de la vie quotidienne, a déjà son lot de problèmes aggravés par l’insécurité, les multiples tentatives de manipulation et le climat instable qui règne sur le pays, ne sait plus où se donner la tête et se retrouve dans un mutisme qui rappelle la sombre période ZABA. Cet article n’est qu’une tentative de donner une perspective explicative avec un zeste d’accusations hypothétiques plus que plausibles qui n’engagent que celui qui les lance.

Tout d’abord je tiens à préciser que cet avis est déchu de toute influence politique et que je voudrais que mon point de vue soit le plus objectif possible, faute de l’être en totalité car l’objectivité n’est qu’un idéal utopique auquel on aspire sans l’atteindre, vu qu’on est tous porteur d’une histoire personnelle particulière qui influence de prés ou de loin notre jugement.

Il a fallu 23 ans de tyrannie, des enrichissements plus que douteux, un président aux mains meurtrières et une énergie et un brave et regretté Bouazizi qui paye de sa vie par la plus cruelle des sentences, pour faire bouger un peuple que le système a anesthésié. Aujourd’hui, on a voulu nous faire croire que ce même peuple qui s’est levé contre la misère, l’injustice, le chômage et pour la démocratie et les libertés (que de nobles causes), se lève contre un gouvernement de 35 jours, contre un homme qu’ils ont pourtant accepté le 15 janvier, pour un conseil constitutif à qui on va donner carte blanche et lui accorder des pouvoirs qu’aucun régime totalitaire n’a eu, et pour un régime parlementaire dont on ignore les fondements. Sans oublier qu’il n’y a même pas eu un déclic significatif pour que le peuple se lève en une seule voix, il est aisé de constater que ces revendications sont strictement politiques et qu’elles n’émanent du peuple, que personne ne peut prétendre représenter.

Pourtant c’est exactement ce que prétend le Front du 14 janvier qui ne s’arrête pas là mais se porte garant de la chère révolution, ce Front est composés de groupuscules d’extrême gauche, des nationalistes, des Baa’thistes (des deux courants Irakien et syrien), de l’Association Tunisienne de Lutte contre la Torture (dont le chef est Mme Radhia Nasraoui, épouse de M. Hamma Hammami) du POCT (dont le chef est M. Hamma Hammami époux de Mme Radhia Nasraoui) et de l’UGTT. Comme dans chaque régime communiste les chefs, parce qu’ils sont nombreux, croient savoir ce qui est bon pour le peuple et n’arrivent à leur fin que par la révolte et les agissements trompeurs des masses. Le chef le plus connu et le plus influent est certainement M. Hamma Hammami, cet homme jouit d’une sympathie contestable auprès des gens parce qu’il fut un opposant hargneux au régime de Ben Ali et il jouit également d’une grande notoriété auprès des militants d’extrême gauche et plus exactement des militants de l’UGET. Ces derniers, qui ont constitué pendant plus de 40 ans la forme majeure de la résistance estudiantine, n’ont pas donné de voix officielle depuis le 14 janvier, semblent être les premiers manifestants de la Kasbah.

Plusieurs arguments approuvent cette hypothèse dont le fait qu’ils ont déserté les universités (leurs principaux champs d’action), que la tranche d’âge dominante les 1ers jours du Sit-in variait de 21 à 28 ans (l’âge de la majorité écrasante des militants de l’UGET) et qu’ils sont sous la tutelle des partis d’extrême gauche et de l’UGTT et que leurs revendications coïncident exactement avec celles du Front du 14. Etrange coïncidence qui n’en est pas une justement, il faut savoir qu’un régime parlementaire repose sur les coalitions qui deviennent alors les plus dominantes sur la scène politique, alors que le régime présidentiel dessine systématiquement des partis politiques multiples, indépendantes et de toutes les orientations sur le paysage politique, c’est une adaptation parfaitement compréhensible. Or c’est justement la seule coalition existante, le Front du 14 janvier, qui réclame un régime parlementaire, car ces composantes à la base très minoritaires ne trouveraient pas leur compte dans des élections présidentielles libres d’où le recourt à d’autres méthodes d’accapparation du pouvoir. C’est justement cette coalition qui était la 1ère à approuver le Sit-in de la Kasbah (voir le site http://front14janvier.net) et qui ont exactement les mêmes revendications, et qui demande à l’Union Européenne (notre premier partenaire commercial et supporter de notre révolution) de ne pas reconnaître le gouvernement tunisien (http://front14janvier.net/Communique-de-presse-03-02-11.html) et ils s’en prennent au ministre très compétant Lies Jouini ( Légion d’honneur française) rien que pour ses orientation politiques (droite Française). Ils vont encore plus loin, en s’en prenant aux médias car ils refusent de les suivre après le refus du syndicat des journalistes de signer leur pétition, et pour faire d’une pierre deux coups, ils éliminent d’ores et déjà les partis politiques les plus crédibles et les plus influents, en l’occurrence le PDP et Ettajdid qu’ils pensent faire tomber avec le gouvernement en scandant des slogans du type : « Le PDP et Ettajdid ont vendu le sang des martyrs » (alors que c’est seulement en étant au gouvernement qu’on peut être utiles aux familles de nos chers martyrs) pour faire le vide autour d’eux lors du vote du conseil constitutif qu’ils réclament. Ce conseil constitutif voté par un peuple dégoûté et trop méfiant et vont se retrouver seuls à voter et mobiliser les troupes pour s’accapparer la majorité et décider ainsi de l’avenir du pays.

Mais ce qui interpelle le plus, c’est leur mode d’action malsain : Manipulations anti-gouvernementales sur la toile et en dehors, attirer la sympathie des honnêtes gens par l’empathie et en exploitant l’esprit révolutionnaire qu’ils viennent d’acquérir, attirer les foules et montrer leurs soi-disant bonnes intentions par le biais de petits shows nocturnes et slogans amusants, utiliser les gens venant de Sidi Bouzid, Gafsa, Kasserine… etc. et faire croire que c’est leur demandes, mettre les bâtons dans les roues au gouvernement pour l’empêcher de travailler pour lui reprocher de ne rien faire, attaquer par la même occasion leurs futurs concurrents du PDP et Ettajdid par des mensonges sans scrupules et j’en passe.

Ces petits poucets de l’ère ZABA semblent former une main-mise coriace et habile qui s’abat sur notre révolution. M. Ghannouchi a préféré se sacrifier pour ne pas faire tomber un gouvernement et céder aux plans diaboliques de l’enfant terrible de la révolution qui est ce Front diabolique. Or ce front n’aurait jamais réussit son coup sans le mutisme complice dont a fait preuve la majorité des gens, un mutisme qui ressemble à celui de la sombre période ZABA. Ce reproche est aussi dirigé vers moi-même qui n’aurait pas pu écrire cet article avant, car critiquer les manifestants de la Kasbah ou émettre un avis favorable au gouvernement, c’est s’exposer aux insultes et au mépris des gens. Cette forme de dictature latente qui a empêché la liberté d’expression et nous a poussé à ne penser que dans un sens, celui du contre-courant du gouvernement, car les manifestants dormaient au froid, ne mangeaient pas, étaient sympathiques, curieusement mûrs politiquement et n’avaient soi-disant pas de profit personnel si ce n’était le bien du pays, leurs revendications sont alors justes et si tu n’es pas d’accord tu es immoral, pro-RCD ou opportuniste. Aujourd’hui la liberté d’expression n’est plus un luxe, c’est un devoir. Dites ce que vous pensez pour ne pas laisser utiliser votre voix car le silence est un signe de satisfaction. Méditez, informez-vous, faites-vous une culture politique c’est votre devoir de citoyen, car après la révolution sociale il faut aspirer à une révolution intellectuelle et culturelle.