Après la chute des plus grands symboles du régime de Ben Ali, d’autres symboles de l’ère Ben Ali doivent aussi suivre pour que la Tunisie libre trouve enfin son chemin sur un nouveau terrain vierge et pour que la nouvelle Tunisie se construise avec les forces vives qui ont fait sa révolution. Apres les grandes têtes du Gouvernement et du RCD, c’est de l’autre versant qu’il faut maintenant commencer le ménage.

Abdessalem Jrad, vous êtes membre du bureau exécutif de l’UGTT en tant que secrétaire général adjoint depuis 1983, une longévité plus longue que le règne de Ben Ali ! Sans renier tous les sacrifices que vous avez offerts au militantisme au cours de votre vie, vous devriez maintenant vous retirer. Et ce n’est pas parce que vous avez normalisé avec le régime Ben Ali pendant les dernières années que vous êtes invité à « tettakka » mais parce qu’il est temps de passer au chapitre suivant. Les arguments du type « je devrais gérer la phase actuelle délicate » ou « il n’y aurait point d’autre pour me remplacer » ne devraient pas avoir l’insolence de pointer du nez. Mohammed Ghannouchi, pour qui beaucoup de personnes étaient favorables mais souhaitaient néanmoins voir son départ pour la symbolique de la rupture, a eu le courage politique de se plier à la volonté du peuple, fusse-t-elle bonne ou mauvaise.

La Tunisie a besoin d’un nouveau leadership, d’une nouvelle jeunesse pour écrire son nouveau chapitre. L’UGTT devrait faire sa révolution, se recentrer sur son rôle de syndicat et non pas de maître-chanteur politique et Abdessalem Jrad devrait DEGAGER !

Rached Ghannouchi, vous êtes président (émir) du mouvement Ennahda, ex-MTI, depuis 1981 ! Sacrément plus long que le terme de Ben Ali. Vous avez été invité par le martyr de la jeunesse militante tunisienne feu Zouhair Yahyoui à rentrer de votre exil de Londres et défier les dangers de Ben Ali en contrepartie de la libération de prisonniers que Zouhair avait eu l’occasion de côtoyer dans les geôles de Ben Ali et qui purgeaient une peine au nom de votre mouvement [1]. Vous n’aviez trouvé de réponse à ce défi qu’une excuse pathétique. Ce n’est pas parce que vous êtes rentré en Tunisie uniquement après que les jeunes Tunisiens aient défié avec leurs torses les snipers de Ben Ali et accueilli à Tunis par milliers comme un héros triomphant que vous devriez vous occuper de savourer votre retraite, et ce n’est pas non plus contre votre personne ou vos idées ou le parti que vous représentez et que je respecte, mais parce que vous êtes président d’une institution depuis bien plus longtemps que Ban Ali.

Hamma Hammami, vous êtes porte-parole du Parti Communiste des Ouvriers de Tunisie (PCOT) fondé depuis 1986, parti de nature communiste marxiste léniniste. Déjà tout cela sonne tellement anachronique, mais passons. Je m’excuse de ne pas avoir connu d’autre porte-parole du PCOT que Hamma Hammami et je n’ai pas l’impression que j’en connaitrai un autre bientôt. Nul ne peut contester ou renier tous les efforts et sacrifices que vous avez enduré sous le régime Ben Ali et même avant. Votre rôle a aussi été sans doute important pendant le soulèvement du 14 janvier. Mais il est peut-être temps de prendre un peu de repos et de laisser les rênes à la nouvelle Tunisie forger son destin. Nous vous serons éternellement reconnaissants de tous vos efforts et sacrifices et nous apprécierons mieux une nouvelle vague de jeunes leaders de votre mouvement pour participer à la scène politique Tunisienne. S’il n’y a point d’autre pour représenter le PCOT je me poserai beaucoup de questions. En tout cas, si vous prenez la parole sur les ondes hertziennes et satellitaires, de grâce parlez en votre nom propre ou au nom de votre parti, mais ne parlez pas en mon nom ni au nom du peuple.

Pour pousser la même logique plus loin, l’appel à la retraite n’est pas limité à l’échantillon de noms cités plus haut mais concerne tous les symboles liés à l’ère Ben Ali au sens large, fussent-ils du coté noble. Ils devraient s’évincer avec l’éviction du symbole de leur ère et laisser la nouvelle génération forger son destin avec du sang neuf. La nouvelle Tunisie n’a pas besoin du recyclage de ses dinosaures politiques pour écrire la nouvelle page de son Histoire. La sagesse des anciens est un trésor, mais les anciens devraient se mettre au service de la jeunesse, se porter conseillers d’une nouvelle vague de leaders – qui n’oubliera pas d’honorer leur mémoire-, et non pas occuper les devants de la scène avec une prétention d’irremplaçabilité.

Dans le monde privé libre et productif, une durée de vie moyenne à un poste est de 5 ans. On peut donner un sursis au monde politique et civil et porter cette durée moyenne à 10 ans. Au-delà, ce ne serait le signe que d’une anomalie. Le combat contre la dictature se prolonge par le combat contre le culte le la personnalité.

Ben Ali, 23 ans au pouvoir. Abdessalem Jrad 28 ans au bureau exécutif de l’UGTT, Rached Ghannouchi 30 ans à la présidence d’Ennahda, Hamma Hammami leader du PCOT depuis qu’un jeune déjà vieux comme moi n’en ait pas connu d’autre, etc. , de grâce suivez votre prédécesseur et DEGAGEZ !

[1] La lettre de Zouhair Yahyaoui, ettounsi de TUNeZINE, en arabe. Et sa traduction en français.