Le peuple tunisien a fait sa révolution en se soulevant dans un acte courageux contre Ben Ali qui l’a bâillonné et tenu en laisse en s’appuyant sur un appareil sécuritaire massif et redoutable, en rajoutant au corps de la police couches et surcouches de contrôle et de terreur. L’ensemble du peuple est aujourd’hui libéré du joug de la police, et grâce à ce peuple l’ensemble de la police et des policiers sont libérés du joug de Ben Ali. Mais la partie n’est pas achevée.

La réconciliation citoyen-policier a été délicate et reste délicate. Les choses ont repris progressivement mais ne sont pas au bout du tunnel. Aujourd’hui le peuple tunisien a besoin de sa police pour l’épauler dans la suite de son combat dans lequel il fait face à beaucoup d’ennemis intérieurs et extérieurs. Une police forte –forte de valeurs et non pas forte de matraques- et citoyenne.

Le peuple tunisien est aujourd’hui dans le collimateur de tous ceux qui veulent semer le trouble et le chaos à tout prix, même à coup de milliards: restes de réseaux de népotisme qui veulent protéger et maintenir leurs privilèges et leur influence, agents zélés à la solde de la mafia fuyarde qui veut défendre des intérêts ou signer une simple vengeance, missionnaires des dictateurs voisins qui veulent à tout prix faire capoter l’exemple tunisien, ou de simples partis politiques qui veulent sortir leur épingle du jeu de la confusion. Les dangers sont multiples.

Après avoir présenté son mea culpa au peuple lors de manifestations, après avoir embrassé la vague de revendications sociales (dissolution de l’organe de surveillance, demande de syndicat, etc.), après une vague de désertions en masse, après un nettoyage timide par le nouveau Ministre de l’Intérieur, et après quelques opérations et signes de patte blanche de façade pendant que les vielles têtes rouillées continuent à comploter en coulisse, la police et les policiers doivent faire leur révolution.

Dans un monde où les petits enfants rêvent de devenir policiers lorsqu’ils seront grands pour ce que ce métier porte de symbolique, de valeurs et d’honneur, Ben Ali et son régime ont travesti ce métier noble et en ont fait un corps de malfrats et l’ont transformé en idéal des sans foi ni loi et de ceux qui veulent manger la « cha7ma »

Cette révolution de la police nationale pour chasser l’ombre de Ben Ali et sa poussière doit porter un signe fort d’engagement vers le citoyen. Les policiers honnêtes doivent repenser leur code de valeurs et redéfinir leur devise, à eux de trouver leurs slogans, mais que cela porte les socles fondamentaux de « Protéger » et « Servir », et généraliser cette révolution à l’intérieur de la police.

Cette révolution doit venir de la base, car c’est le seul moyen de garantir une transformation réelle et assurer une adhésion de ce corps de l’Etat à la nouvelle donne. D’autant plus que le sommet de la hiérarchie est en ce moment confus et débordé par la situation, sans mentionner que c’est plus probablement au sommet de la hiérarchie qu’il y a la plus forte concentration de la gangrène de Ben Ali.

Pour matérialiser cette révolution et sceller un nouveau pacte fort avec le citoyen la police nationale pourrait :

  1. Redéfinir et annoncer sa nouvelle charte et sa nouvelle devise
  2. Instaurer une cérémonie ouverte au public d’intronisation de tout nouveau policier, pour qu’un tel accomplissement devienne à nouveau un moment solennel d’émotion, d’honneur, et de fierté, durant lequel le nouveau policier, devant parents, famille, voisins et amis, scelle son pacte avec sa devise et ses citoyens
  3. Etablir un haut conseil d’éthique, non pas une nouvelle forme d’organe de surveillance par lequel ils étaient soumis à Ben Ali pour la répression du peuple, mais une vraie institution indépendante qui veille sur la déontologie des policiers et qui peut être saisie par les citoyens en cas d’abus, de maltraitance ou d’intimidation
  4. Organiser une conférence de presse pour annoncer la nouvelle ligne de conduite et l’adhésion à l’esprit de la révolution, et pour porter allégeance au Citoyen
  5. Manifester et porter dans la rue des signes clairs de la nouvelle devise et de l’engagement de protéger et servir, et non pas d’humilier, racketter , et asservir. Pour qu’une vraie confiance et coopération s’installe.

Est-ce un vœu pieux que de vouloir voir la Police tunisienne devenir à nouveau un Corps d’Honneur ? Le peuple a été l’exemple, la police doit être la suite de l’exemple.