Par Houcine Ghali.

” Lorsqu’ une partie d’ un groupe en insurresction réussit à prendre le pouvoir et que des changements profonds, politiques, économiques et sociaux se produisent dans la société “, on parle à ce moment précis de révolution. C’ est ainsi que la révolution française de 1789 a balayé l’ Ancien Régime, en instaurant la liberté, l’ égalité et la fraternité; la révolution russe de 1917 a terrassé l’ absolutisme des tsars pour instituer un système socialo-communiste et que la révolution iranienne de Khomeyni de 1978 a imposé une idélogie islamiste radicale sans la moindre concession.

En Tunisie donc, il n’ y a eu qu’ une révolte spontannée, une insubordination régionale qui a pris des dimensions nationales suite à un évènement dramatique qui est celui de l’ immolation par le feu de Mohamed Bouazizi. Il est certain que les émeutes du Sud du pays n’ auraient jamais amené à la situation actuelle si les habitants de la capitale n’ avaient pas suivi le mouvement de protestation en envahissant les rues de Tunis et en siblant la tête du serpent, le ministère de l’ Intérieur.

Après le 14 janvier, et suite à la fuite du président Ben Ali, il n’ y avait personne de l’ opposition pour donner le sens qui s’ imposait à la révolution naissante, c’ est à dire à proposer un gouvernement provisoire qui coupe totalement avec les anciens caciques du pouvoir destourien. Au contraire, ce sont les fidèles à Ben Ali et à l’ ancien président Bourguiba qui se sont imposés comme dépositaires des étapes de la révolution et artisans de sa concrétisation!

Et c’ est ainsi que Fouad Lembazzaa, ancien Président du Parlement, et Béji Kayed Essebsi, qui cumule 60 ans de pouvoir destourien avec l’ autoritarisme et l’ absolutisme que le peuple a subi, ont pris les reines du pouvoir, en tant que Présient de la République et Premier ministre du gouvernement provisoire. Et tout celà en application de la Constitution, comme si, suite à la révolution, cette Constitution a encore un sens pour appliquer ses principes.

D’ ailleurs, juste quelques jours après le 14 janvier 2011, la Constitution est devenue cadupe, le Parlement a été dissous, mais on a gardé deux vieux destouriens qui cumulent 150 ans d’ âge et fidèles aux deux pouvoirs qui ont réprimé le peuple tunisien depuis 1956, pour mener à bien la révolution!

Le résultat est clair: règne de la violence, absence de poursuite des membres des deux clans Ben Ali/Trabelsi et de leurs suppôts;interférance des anciens RCDistes dans les décisions et les orientations du gouvernement provisoire;imposition du ministère de l’ Intérieur en tant que force de répression et de non respect de la liberté de manifester;absence de politique claire dans tous les domaines et laisser trainer les choses pour retarder le délai des votations prévu en juillet prochain afin que les forces antirévolutionnaires aient le temps de se mobiliser pour atteindre leur but.

La révolution tunisienne, spontannée et à laquelle personne ne s’ attendait, n’ avait pas d’ organisation et de leaders cappables de bien l’ orienter. Elle a été donc désorientéé et les jeunes qui l’ ont portée sur leurs épaules ont tout fait pour qu’ elle réussisse ( sit in dans la Kasbah, manifestations, création des comités de la sauvegarde la révolution à travers la République, etc..), mais celà n’ a pas été suffisant parce que les partis politiques qui se targuent d’ être dans l’ opposition, ainsi que toutes les autres organisations de la société civile qui se veulent radicales et se gargarisent de révolutionnaires, n’ ont pas été à la hauteur de cet évènement historique que la Tunisie a traversé. Tous ont accepté la main mise sur la révolution par l’ intermédaire de Fouad Lembazzaa et de Béji Kayed Essebsi.

La révolution a fait irruption donc en Tunisie mais, hélas, sans trouver de révolutionnaires pour l’ accompagner. Comme d’ habitude, dans l’ histoire contemporaine du pays, et après 50 ans de répression, de misère intellectuelle et d’ absence totale de liberté et de dignité, les Tunisiens se laissent berner et râtent le coche. Ils n’ ont malheureusement pas retenu la leçon du coup d’ Etat du 7 novembre 1987, durant lequel ils ont fait une totale allégeance à Ben Ali, contre lequel ils se sont soulevés 23 ans après!

Houcine Ghali, Genève