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Par Walid Ben Amor,

Une prompte analyse de la circulaire n°29/2011 datant du 11 juin 2011 nous laisse penser que l’ère du régime “Ben Ali” n’a pas disparu. Cette affirmation est loin d’être arbitraire, elle est au contraire bien fondée.

A cet effet, concernant les élections des directeurs de départements, les seuls candidatures recevables sont celles des prof universitaires, des maîtres de conférences et des maîtres assistants titulaires. Faute de candidature de ceux-ci (le problème existe essentiellement dans tous les instituts qui ont très peu de maîtres assistants car la majorité écrasante de leurs enseignants sont des assistants contractuels et permanents), le Président de l’Université propose au ministre la nomination d’un enseignant exerçant dans l’institution concernée à ce poste après consultation du directeur ou du Doyen de l’institution ou de la faculté. Cette vilaine échappatoire ouvre de nouveau la porte largement aux nominations, pratique que l’on croyait révolue. La nomination est souvent déterminée selon l’allégeance personnelle au pouvoir.

Par ailleurs, les élections des directeurs (nouveauté de la loi) et des Doyens ne déroge pas aux anciennes pratiques de ségrégation entre les enseignants universitaires quelque soient leurs grades. Ainsi, les candidatures éligibles sont celles des membres élus dans le cadre du conseil scientifique, mais appartenant uniquement au corps A. Cette exigence a plusieurs inconvénients, dont je cite à titre indicatif : 1-Ré-inculquer la discrimination entre enseignants universitaires et enraciner cette confrontation toujours voulue par l’ancien régime entre corps A et B pour déchirer la cohésion des universitaires, fragmenter ce corps et créer un climat de méfiance entre les deux corps. Alors qu’une des revendications primordiales des universitaires après la révolution est de rompre avec le passé en créant un corps universitaire uni et solidaire.

2-Réduire la portée de cette volonté de démocratisation de l’université imposée par la révolution. Les détenteurs actuels de la décision ont été contraints de suivre le chemin des élections qui est une revendication populaire dans tous les secteurs. Mais, il fallait réduire les coûts et minimiser les pertes. La plupart du corps A (avec tout mon respect aux gens honnêtes et intègres exempts de cette déduction) demeure sous contrôle de l’ancien régime et continuerait donc à appliquer et exécuter docilement et sagement les ordres et les directives imposés par les décideurs d’hier et hélas d’aujourd’hui.

Nous notons enfin que le même cheminement fut poursuivi concernant les élections des Présidents des Universités (une autre nouveauté de la loi), les seules candidatures recevables sont celles des prof universitaires déjà élus dans les conseils de l’Université.

Ce texte de la loi ne fait que confirmer les craintes du retour de la dictature car nous ne voyons pas une véritable volonté politique de changement et d’aller vers l’avant. Une circulaire qui est en harmonie avec la révolution devrait exiger des élections directes des directeurs, des doyens et des présidents des universités (non par l’intermédiaire des conseils scientifique et de l’université). Ceci réduit notablement le souffle de la démocratie et donne à l’exécutif la possibilité de contrôler étroitement cette opération. Une élection directe est la seule alternative possible permettant de rectifier les lacunes de ce texte qui ne satisfait aucunement la revendication légitime des universitaires de choisir dignement et librement leurs directeurs et Présidents des Universités, sans l’immixtion de l’exécutif. Exclure 90% (le pourcentage approximatif du corps B) des enseignants universitaires signifie que le message du législateur actuel est clair : je n’adhère pas au projet de la démocratisation de l’Université ; j’adhère plutôt à la marginalisation des universitaires et à une tutelle accentuée de cette enceinte.

Nous ne pouvons qu’exprimer notre grand étonnement et regret profond face à cette volonté irrésistible et force invaincue de nager contre la volonté de la révolution et du peuple qui, malgré sa grande veille risque d’être trahi chaque minute dans tous les domaines par les décideurs actuels qui ne veulent pas changer le statue quo d’avant 14 janvier 2011: leurs intérêts sont en jeu et sont menacés par cette put…..ne révolution (excusez-moi d’être grossier). Mais, on est là, on est vigilant et surtout on a les yeux bien ouverts pour critiquer leurs abus et leur volonté interminable d’humilier ce Grand peuple, le Peuple tunisien.

Walid Ben Amor Docteur en Droit Public Enseignant à l’IHEC de Sousse