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Par Oumeima Krichen,

Sept mois après le début du soulèvement populaire, le pouvoir en place est resté le même, ses pratiques sont là pour le prouver : après avoir donné le change sous la pression de la Révolution, le voila revenu au seul langage qu’il connaisse : répression sauvage du mouvement révolutionnaire, arrestations arbitraires, enrôlement de force dans l’armée de jeunes manifestants, enlèvements de citoyens, etc.
Ses hommes de main montent des opérations violentes visant à discréditer les partis politiques rebelles, dans le but de semer le doute dans l’esprit des Tunisiens et la peur dans leur cœur.

En face de ce pouvoir corrompu, les partis politiques et les organisations, censés représenter le peuple, se sont scindés en deux: d’un côté les partis déjà “reconnus” par l’ancien régime (Ettajdid, PDP…), auxquels se sont joints d’autres partis opportunistes (Ettakatol, le pôle démocratique et moderniste, Afek…) et d’autres, taxés de rééditions du RCD. Ces partis soutiennent le régime et alimentent ses campagnes de dénigrement du mouvement révolutionnaire et de ses représentants !

De l’autre côté, les partis qui soutiennent le mouvement révolutionnaire et continuent le combat pour la réalisation des objectifs de la révolution, dont le CPR, le PCOT, Ennahdha. Ces partis sont continuellement en butte à d’insidieuses manœuvres, qui visent à salir leur réputation, démobiliser leurs militants et empêcher leur voix d’arriver jusqu’au peuple.

Cette situation peut être résumée en deux mots : contre-révolution !

La Kasbah, 22-02-2011

L’Islam, bien plus qu’une religion : une arme de résistance

A peine Ben Ali chassé et une fois passée l’euphorie de la victoire, certains courants sortirent la rengaine préférée des dictateurs à la solde de l’impérialisme occidental: laïcs contre islamistes. Le système Ben Ali toujours en place fut relégué au second plan par les courants “laïcs”, qui se concentrèrent sur les problèmes idéologiques, et multiplièrent les actions unilatérales.

Pour les besoins de la cause, Bourguiba fut sorti du placard du RCD et agité au nez des « ennemis » de toujours, les défenseurs de l’identité arabo-musulmane et de la résistance au nouvel ordre mondial. Ennahdha, mais également des partis laïcs comme le CPR, sont en ligne de mire et les partis « officiels » sont désormais mis à contribution dans cette stratégie dont le but est de saper le mouvement révolutionnaire.

La contre-révolution bat son plein et de nombreux Tunisiens sont emportés par le courant.

« Ils » ne seraient bons qu’à mourir pour nous ?

Mais revenons encore plus en arrière. Certains ont l’air d’avoir oublié pourquoi les Tunisiens se sont soulevés, pourquoi plus de 300 parmi eux sont morts ! Il n’y a pas si longtemps, sept mois, ils ne se sont pas demandés si ceux qui avaient bravé les tireurs de Ben Ali, avec tout le courage, toute la détermination du monde, étaient des laïcs ou des islamistes, si leurs mères et leurs femmes portaient le voile ou la mini-jupe, si leurs pères et leurs frères fréquentaient la mosquée, étaient berbères ou faisaient partie d’une quelconque “minorité”– comme on en voit proliférer en ce moment sur Facebook et ailleurs !

Sept mois après le début de ce soulèvement POPULAIRE, qui a libéré les Tunisiens de vingt trois années de dictature féroce, qui leur a rendu leur dignité bafouée, leur estime de soi et la considération de tous les autres peuples, il ne reste plus rien de l’esprit de la Révolution chez certains !

On a sorti tous les arguments utilisés par Ben Ali, arguments d’ailleurs devenus de véritables programmes politiques pour certains partis qui ont décidé de ne pas travailler pour la Tunisie mais contre les Tunisiens ne partageant pas leurs opinions !

On ne parle plus des objectifs de la Révolution et la parole confisquée par la dictature et qui nous été rendue par le sacrifice de nos martyrs sert désormais à vilipender la jeunesse révolutionnaire, sous prétexte qu’elle est manipulée par les islamistes. Le PDP, Ettajdid, Ettakatol, le pôle, Afek… se déclarent ouvertement contre les forces qui continuent la lutte, cautionnant de ce fait la répression.

Le rôle des elites « occidentalisées »

Qui peut prétendre aujourd’hui que la Tunisie est a l’abri de l’enchainement désormais tristement connu : d’abord, la laïcité est imposée par un régime autoritaire voire dictatorial, ensuite, une transition démocratique favorise la liberté d’expression (du moins en apparence) mais aussi l’ascension de partis à tendance islamiste dans la place politique, enfin, cette évolution est dénoncée par les élites occidentalisées. Quelques attentats sous fausse bannière et le tour est joué. Il ne reste alors plus qu’à appeler à une intervention militaire pour soi-disant restaurer l’ordre laïque. L’expérience algérienne est l’exemple le plus récent et le plus dramatique de cet enchaînement catastrophique.

Voulons-nous réellement reproduire le même schéma en Tunisie ? Sommes-nous incapables d’apprendre des erreurs des autres peuples, de nos voisins ? Il est temps que ces élites comprennent que la laïcité n’est pas envisageable sans la démocratie et qu’elle ne peut en aucun cas primer sur la souveraineté du peuple !

Il faudrait aussi que ces élites admettent que c’est à elles qu’il incombe de se remettre en question. Si elles n’y arrivent pas, tant pis pour elles. L’Histoire ne s’arrêtera pas pour autant et la Tunisie enfantera une élite digne d’elle et du sacrifice de ses enfants !

le risque que les élections soient truquées

La révolution tunisienne censée être une révolution démocratique transformée en une querelle ridicule entre extrémistes de tous bords. De politique, le combat s’est transforme en affrontement idéologique et ce, pour le plus grand bonheur de tous les ennemis de la Révolution, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Toutes ces divisions au sein de la société et ces diversions délibérées et auxquelles ont pris part des gens de bonne foi ou pas, ont permis aux forces contre-révolutionnaires de mieux s’organiser. De nombreuses sources indiquent que l’on commence d’ores et déjà à trafiquer les dispositifs électoraux dans les régions, afin d’assurer la victoire de répliques du RCD. La contrerévolution va bon train et tout le monde regarde ailleurs.

L’enjeu est capital et la responsabilité est historique

La Palestine, l’Afghanistan, l’Irak, le Bahreïn, la Libye, le Yémen, le Liban, la Syrie, la Tunisie, l’Egypte… Combien de pays arabes et/ou musulmans sont sous le joug de l’impérialisme ? Combien de peuples arabes sont asservis et massacrés par des dictateurs mis en place par les USA/Israël ou carrément par leurs armées, leurs chars, leurs bombes… ? Soyons clairs là-dessus, nous sommes en train de nous battre contre les plus grandes plaies de l’histoire récente de l’humanité: l’impérialisme et le sionisme ! Notre avenir se joue en Tunisie et dans les autres pays arabes ! Nous avons le choix entre refaire partie de l’Histoire ou rester à la traîne pour encore plusieurs siècles en nous déchirant et en nous divisant pour des chimères made in France/USA, faites justement pour servir leurs intérêts et pour nous broyer à jamais !