Par Tarek Amri,

Ce qui me frappe chez beaucoup de tunisiens tunisois, c’est leur haut degré de confusion. Dans quel pays au monde, même le plus démocratique, a-t-on laissé à une minorité qui a perdu des élections libres et transparentes, de l’avis unanime de TOUS, tunisiens et étrangers, le soin de choisir son leadership exécutif (Président et Gouvernement). Comble de la manipulation, certains leaders de l’opposition induisant l’opinion publique en erreur, oublient qu’une constituante est souveraine par essence. Aussi, a-t-elle les pleins pouvoirs pour décider sur tous les aspects lui revenant, y compris la désignation d’un président et d’un gouvernement. Ceci tout le monde le savait puisque débattu à la longueur de la journée avant les élections du 23 octobre. Et par ailleurs, pourquoi s’obstiner à juger cette majorité avant même d’avoir exercé encore le pouvoir et vouloir réfuter en permanence les bonnes intentions et les engagements fermes exprimés à la longueur de la journée par les gagnants quant à l’irrévocabilité du processus démocratique en Tunisie. Le peuple qui a fait la révolution est là, c’est lui qui veille sur la demeure. Il n’a pas besoin d’une poignée de mauvais perdants surexcités pour le mettre en garde. Laissons la Tunisie suivre son chemin et tracer sa voie dans le calme, le respect et la sérénité. Jugeons cette majorité sur ses actes, ses engagements sur le terrain et non sur les intentions fausses qu’on lui prête. Le peuple qui s’est soulevé pour déloger une dictature que nous tous croyons inamovible, est seul garant de cette nouvelle démocratie, certes naissante mais qui sera par la force de l’histoire et de la géostratégie pérenne et irrévocable. C’est bien pour tous, gagnants et perdants. Le monde a changé. On n’a qu’à voir autour de nous. Plus de place pour de dictature, qu’elle soit religieuse ou autre. Hormis le monde arabe qui commence enfin à faire sa révolution, combien de dictature subsistera d’ici peu. Le monde se globalise. La démocratie avec son complément d’éveil et de conscience collectifs se globalise et se propage elle aussi. Alors pourquoi toutes ces peurs injustifiées, car inopportunes et improbables.

Au lieu de semer la zizanie parmi le peuple et amplifier son désarroi, essayons d’être de bons perdants. Apres tout, le peuple tunisien a bien choisi une majorité. Laissons la gouverner et jugeons la sur les faits. C’est ca l’essence même de la démocratie. Ceux qui ont perdu n’ont qu’à faire leur rôle d’opposition, en évitant surtout en ces temps difficiles d’en rajouter et de mettre l’huile sur le feu. Soyons constructifs et responsables envers notre chère et unique Tunisie. N’inversons pas les rôles et soyons conséquents avec nous-mêmes. En démocratie, seules les urnes ont la capacité et la vocation de départager. La rue se soulève pour déloger une dictature (chose que le peuple tunisien a faite avec brio et grandeur). La société manifeste pour exprimer, par intermittence sa désapprobation envers une politique déjà mise en œuvre ou du moins en voie de l’être. Nous n’en sommes maintenant devant aucune de ces options.

Je n’ai pas voté pour Marzouki, mais je le trouve honnête et inspirant confiance. Un Marzouki, de surcroit es-docteur (cultivé) et opposant affirmé depuis belle lurette, alors que la plupart des apprentis opposants nés au crépuscule de ben ali, se la coulait douce avant 14 janvier, vaut mieux qu’un million de ZABA inculte et qu’on a laissé faire avec bien la bénédiction direct ou tacite de bon nombre de nous. Et puis on ne s’invente pas du jour au lendemain opposant engagé. Il faut avoir une histoire derrière qui plaide pour un présent et justifie un futur. Marzouki et peu d’autres l’ont. Le reste un mirage miraculé qui s’est frayé un chemin dans une réalité encore trouble et effervescente. Le minimum de courage est de se voir devant une glace et dire que durant toutes les années de zaba, j’étais « lâche ». Au mieux, je ne contestais que dans les salons feutrés loin des regards et des écoutes. Alors que d’autres ont payé de leurs vies, de leurs libertés, de leurs conforts et des années de prisons et d’exils leurs engagements et leur combat contre le régime de ben ali. Alors venir, nous maintenant, les taxer de vouloir partager le gâteau, c’est à limite indécent, réducteur et malsain de notre part. Même si gâteau il y a, ils sont de loin plus en droit que nous de l’avoir. Dans toutes les démocraties du monde, on rétribue l’engagement. Aux Etats-Unis, le président a le pouvoir de nommer à des postes importants des personnes qui ont contribué de manière significative (souvent en termes d’appui financier) à sa compagne électorale. Personne ne crie au scandale. On juge les gens nommés selon leur apport sur le terrain.

Si ben ali a été chassé du pays, c’est grâce aux martyrs (et qui demeurent notre fierté a TOUS), du 14 janvier et des semaines qui l’ont précédées et tout aussi et certainement grâce au travail de sape entrepris des années durant par marzouki, nahdha, chebbi, la valeureuse maya jribi et d’autres. Et ce n’est nullement par la grâce de ces néo et pseudos opposants, dont beaucoup rodait autour de la cour. Néanmoins, la Tunisie a besoin de nous tous dans notre diversité et notre union et point de notre division et diversion. Alors faisons en sorte que cette majorité réussisse et que la prochaine issue des urnes et peut être conduite par un PDP réconcilié et réconciliant réussisse a son tour pour le bien de cette Tunisie dont on est tous si fiers.