Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Plus d’une semaine après, la bastonnade du 9 avril dernier à l’avenue Bourguiba n’en finit toujours pas de faire des remous. La violence des images ne peut pas laisser insensible mais au-delà des images, la violence tout court n’a plus lieu d’être dans la Tunisie d’aujourd’hui. Mais alors, comment en est-on arrivé là ?

Je ne vais pas dénigrer quiconque, ce n’est pas le but recherché ici, surtout que l’on a que trop évoqué le sujet par ailleurs. Par contre, on ne va pas, non plus, jeter le bébé avec l’eau du bain. On ne peut, tout de même pas, ne pas rappeler que le principe le plus basique de toute démocratie passe par le respect des lois en vigueur, autrement c’est l’anarchie. En France, l’avenue des Champs-Élysées est interdite à toute forme de manifestation. Cependant, personne n’est venu contester cette décision et la France continue d’être un modèle de démocratie. Il n’est nullement question ici de faire le procès des uns ou des autres; j’essaye tout simplement de traiter le sujet tout autrement, avec un maximum de recul et sans léser personne.

D’aucuns ne peuvent contester la symbolique de l’artère Bourguiba. Mais alors pourquoi n’a-t-on rien dit lorsque cette même artère était interdite aux rassemblements jusqu’en janvier dernier ? Sommes-nous devant une radicalisation des opposants de la Troïka ou bien sommes-nous devant un retour progressif de l’appareil répressif que l’on a cru disparu à jamais ? “Les orateurs élèvent la voix quand ils manquent d’arguments.” disait Cicéron.

Tout argumentaire, qui peut bénéficier aux uns pour se disculper de toute forme de provocation ou bien aux autres pour se tirer d’embarras, me semble dérisoire. Il y’avait bien provocation de la part des manifestants qui ont, bel et bien, bravé l’interdiction de manifester sur l’avenue Bourguiba. De même, cette répression démesurée ne devait pas avoir lieu après la révolution du 14 Janvier. “Gardez votre calme ; la colère n’est pas un argument.”: Semble dire le ministre à ces opposants, vite montés dans les tours et qui ont repris leurs chapelets d’invectives, avec un ton on ne peut plus véhément. En effet, les ténors de l’opposition, dont la sensibilité est à fleur de peau ont semble-t-il perdu de vue l’essentiel dans cette bataille qui les opposent au gouvernement en place. Car, à force de vouloir en découdre au plus vite avec ce gouvernement, ils ont oublié au passage que la politique est, sinon un art, du moins une science ou bien les deux en même temps, mais certainement pas une guerre de tranchées. Puisque celui qui va à la guerre doit s’attendre à y laisser des plumes au passage. Ceci est d’autant plus vrai que si l’on regarde les choses de plus près, il n’est pas si sûr que l’on débouche sur un résultat en parfaite corrélation avec les objectifs recherchés par l’opposition. Il est même à se demander, si certains opposants ne se sont pas faits tourner en bourrique dans cette histoire. Tout dépend de quel point de vue on se situe; on ne débouchera pas nécessairement à la même lecture des faits. Qu’on le veuille ou pas, l’opposition n’a pas à crier victoire si vite, car le réveil risque d’être dur, ainsi « Quand on a commencé à avaler quelques couleuvres, fût-ce par politique, on finit par les avaler toutes ». Car, à défaut d’être en mesure d’arrêter la machine infernale lancée pour tout démolir a son passage, le gouvernement paraît trouver la parade pour contrecarrer ces offensifs tous azimuts. Devant une opposition systématique refusant toutes réformes ou bien tout changement de personnes dans les administrations, il semble que l’on assiste à un changement de tactique de la part du gouvernement pour arriver à ses fins. Le tollé général soulevé lors des récentes nominations de nouveaux gouverneurs et délégués a certainement fait réfléchir certains responsables sur la façon dont il faut choisir pour continuer le nettoyage de l’administration. Il est clair que désormais, la tendance est à utiliser la force et l’agressivité de l’adversaire comme moyens pour atteindre certains objectifs. Autrement dit, à défaut d’une participation de plein gré aux processus visant à réformer la vie politique, l’opposition trop récalcitrante risque de se trouver manipulée à regret. De même, il est à se demander si le but recherché par monsieur Larayedh qui souhaiterait réformer son ministère n’a pas été atteint avec l’aide de cette opposition trop « droit dans le mur ». Il n’est pas impossible que le ministre va essayer de conforter la dynamique créée par les évènements du 9 avril en sa faveur, en se plaçant au dessus de la mêlée, et tant mieux si des têtes tomberont ; on aura fait le travail à sa place.

Il y a bel âge que les membres de ce gouvernement avaient parfaitement saisi les difficultés de la tâche à laquelle il devait s’atteler. En même temps, il semble tout à fait normal qu’ils aient depuis esquissé plusieurs plans de sorties de crises et plusieurs manières pour contourner les éventuels obstacles. Ceci dit, la tournure qu’ont pris les évènements du 9 avril dernier semble complètement convenir pour que la réforme du ministère de l’intérieur commence enfin. Ceci a toujours été un des principaux objectifs de la révolution tunisienne.

Ce n’est jamais une mince tâche que de s’attaquer à ce gros morceau. Mais pour une fois, que tout le monde soit d’accord là-dessus, il n’y a plus de raison de repousser l’échéance à plus tard. La commission indépendante peut commencer son travail d’investigation et l’opposition n’aura pas à crier au loup si des têtes doivent tomber. De là, on aura fait un pas en avant vers les réformes sans que l’on soit attaqué de tout bord. Dommage qu’il fallait en venir aux coups de matraque pour faire avancer les choses et réaliser enfin quelques objectifs.

Certaines figures de l’opposition venues, après coup, se frotter à la rudesse de la révolution, auront certainement d’autres occasions de découvrir encore et encore la tromperie des idéaux artificiels. Mais on aura gardé d’eux le souvenir de quelques photos. Des photos qui plairont certainement à la presse étrangère tellement ces hommes et femmes étaient mignons dans leurs lunettes de plongée.