Le 16 décembre  dernier, l’Assemblée constituante tunisienne a adopté son règlement intérieur, un règlement qui s’applique pour toute la durée du mandat. Il gère tout : des règles de procédure établissant les commissions et sous-commissions de l’Assemblée, au nombre d’absences non excusées autorisées pour chaque membre de l’Assemblée (cependant, il ne fait pas mention des sanctions encourues pour tricherie lors des votes officiels). Il est de la responsabilité de chaque citoyen de se renseigner sur ce règlement et de vérifier comment l’Assemblée s’y conforme.

Commençons donc avec un petit exercice et passons en revue quelques clauses spécifiques.

Chapitre 3, article 4, section 3, clause 54 (§ 3.4.1.3.54) :
«Chaque commission doit publier ses heures de réunion  ainsi que l’ordre du jour de chaque réunion sur le site Internet de l’Assemblée constituante.”

Et quand on jette un coup d’oeil au site de l’Assemblée on se rend vite compte que cette règle n’est absolument pas suivie :

Sous le titre «Activités des commissions » on peut lire ceci : « Il n’y a pas d’actualité dans cette section ». Je vais maintenant faire un peu de mathématiques pour voir ce qui en ressort. Il y a actuellement 17 commissions au total au sein de l’Assemblée- 6 principales, 7  législatives et 4 spéciales. Les 6 principales se sont réunies 3 fois par semaine pendant au moins 4 mois. Soit : 3 (jours) x 4 (semaines)x 4 (mois) = au moins 48 ordre du jour ont été rédigés par commissio (à moins qu’elles ne fonctionnent pas avec un ordre du jour – ce qui est pire -, mais nous allons épargner à l’Assemblée l’embarras de cette remarque).

48 ordre du jour (par commission) x 6 = au moins 288 ordres du jour qui n’ont pas encore vu le jour. 288 ! Suis-je la seule à être alarmée par ce chiffre exorbitant?

Mais avançons.

Chapitre 3, Article 4, paragraphe 3, alinéa 62 (§ 3.4.1.3.62) :
« Le rapporteur, ou un de ses assistants, est en charge de la rédaction d’un rapport d’activités des commissions. Le rapport est signé par la personne qui a rédigé le rapport, ainsi que par le président de la commission, qui les transmet ensuite à l’administration de l’Assemblée, pour qu’elle les inclue dans l’ordre du jour de la séance plénière suivante. Après que la commission est  approuvée le rapport, il est mis en ligne sur le site de l’Assemblée constituante. »

« Génial! » peut se dire le citoyen tunisien : de l’information disponible en un simple clic. Du coup pourquoi ne pas aller vérifiez ce que l’on trouve sur le site web ?  

Seulement trois commissions ont publié des rapports. Mais sachez tout de même qu’aucune de ces commissions n’est une commission principale. Il s’agit en fait d’une commission législative (commission des finances et du développement) et deux commissions spéciales (commission sur la réforme administrative et commission sur les martyrs et l’amnistie générale). Selon le site Web de l’Assemblée, les six commissions en charge de la rédaction de la Constitution de notre pays n’ont, jusqu’à présent absolument rien fait .

Un autre article porte sur les personnes qui peuvent entrer à l’Assemblée.

Chapitre 3, article 5, paragraphe 1, alinéa 76 (§ 3.5.1.76) :
« Les séances plénières sont publiques et elles doivent être annoncées par divers moyens : 1. il doit être fait mention des heures de réunion et des ordres du jour 2. l’accès est ouvert à tous les citoyens et les médias, dans les zones désignées et selon des règles administratives. »

La réalité est toute autre. Une fois que vous vous présentez au Palais de la porte de Bardo, le portier vous demande automatiquement : « Vous êtes journaliste ? » Si vous répondez «Non», vous êtes sûr de ne jamais passer les portes vertes. Cependant, au fil du temps il est devenu clair que seuls les citoyens habitués au jeu politique, ou ceux faisant partie de groupe de pression prenant de l’influence (bléssés de la révolution par exemple) réussissent à entrer.

Une régle pour la route et pour finir ce post sur un éclat de rire :

Chapitre 7, article 127 (§ 7.127)
«Il est interdit de fumer dans l’Assemblée, sauf dans les zones spécifiquement désignées à cet effet. »

À la lecture de cette règle je n’ai pu m’empêcher d’éclater de rire. Tout ce dont on a besoin c’est de passer le portique de sécurité pour être perdu dans un nuage de fumée.

Bien que ce poste soit fait d’un simple échantillon de régles, il faut savoir qu’il existe des tas d’autres régles avec lesquelles on peut s’amuser. Les plus importantes sont celles qui réglementent le nombre d’absences autorisées par membre de l’Assemblée (3), celle concernant l’obtention d’une excuse d’absence ou encore celle sur la méthodologie de vote. Jetez un oeil et faites tourner. Le plus consternant finalement est le fait que l’Assemblée a voté ces règles elle-même. On peut donc se demander pourquoi les membres de l’Assemblée ont voté l’interdiction de fumer, si ils leur étaient impossible de ne pas le faire ? Et cette question peut s’appliquer pour toutes les articles du règlement. appliquée à presque tous lesclause dans le document.

Dans le même temps, nous pouvons soit tenir les membres de l’Assemblée élus librement et équitablement pour responsables…soit continuer de faire semblant (et de feindre l’ignorance).

Traduit de l’anglais par Sana Sbouaï