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Question absurde: Comment faire la part entre une transition vers la démocratie et une transition vers le fascisme? Mais puisque la plupart des révolution finissent en dictatures et en systèmes totalitaires, ne vaudrait-il pas être prévenant et se munir d’éléments de réponses.

D’abord, je me permets de préciser que l’antonymie entre démocratie et fascisme froisserait beaucoup de puristes en langue ou en sciences politiques. Preuve en est qu’entre ces deux régimes politiques, les frontières sont à géométrie variable. J’en veux pour démonstration les états unis qui ont probablement le système le plus démocratique et les politiques les plus fascistes.

Pour porter le diagnostic de fascisme il faut s’intéresser à ses racines. Réunies sous la dénomination (encore non validée) de “pré-fascisme”, elle peuvent être regroupées en cinq sous titres:

1-une économie qui bat de l’aile associée à des taux élevés de chômage.

2-une classe moyenne sur la défensive et par conséquent réactionnaire.

3-une classe ouvrière défaite qui adopte le conservatisme de ceux qui l’oppriment, croyant ainsi le combattre.

4-un parti/une organisation/un leader: déterminé, agressif, populiste et irrationnel.

5-une nation défaite en proie à des fantasmes de gloire et à des pulsions de revanche

Le pré-fascisme est une ambiance, un sentiment de pollution générale. Les vices des uns et des autres alimentent la vie sociale. La course à l’indignation bat son plein. La rue suit comme par magnétisme un chemin d’embrigadement idéologique pour le “bien” contre le “mal”. Les ennemis sont désignés dans un premier temps puis poursuivis. L’espace public se restreint pour les “non grata” et commencent alors les arrestations, les procès et les “victoires” du peuple.

Les médias deviennent “seconds suiveurs” et enflamment à leur tour leur audience.Petit à petit, s’installe une discipline tacite: en voulant s’identifier au leader (incarnation du peuple) tout le monde se met à se ressembler. La pensée est en panne.L’instinct est à la conservation.

Que manque t-il au fascisme? pourrait-on protester à la vue de la description qui vient d’être faite. Il manque la compromission des meilleurs d’entre nous. Un pays tombe dans le fascisme lorsque ces élites abdiquent en croyant faire le roseau de la fable. Le plus troublant est que ces personnages sont décrits comme des héros à la veille de la grande chute. Ils tentent de modérer les propos, d’apaiser les discordes. Ils prennent la main des réactionnaires qui montent croyant les guider. Tous ont fini dans la collaboration ou ont été les victimes d’un réveil tardif qui a causé leur perte.

Reste que le passage au fascisme n’est pas une fatalité. Bien au contraire, le cours de l’histoire a toujours voulu préserver les sociétés et les individus contre le totalitarisme et la compromission. Platon a, toute sa vie,  nourri des ambitions de cour et de pouvoir. Le destin, moyennant captivité, esclavage (libéré par un tunisien parait-il!) et déceptions l’en a préservé. Il libéra le Bien éternellement des mains des fascistes. Mais avertit que l’éternel n’est garanti que par la vertu de ceux qui le défendent.

Aymen Lahmar