Cette rubrique est préparée en collaboration avec Marsad.tn, l’observatoire de l’Assemblée Nationale Constituante
Première semaine agitée pour l’Assemblée nationale constituante alors qu’elle reprend ses travaux après le week-end prolongé du Jour de l’An. Lors de la séance du jeudi 3 janvier, les élus se sont penchés sur les propositions d’amendement du règlement intérieur (RI) de l’ANC. Plus de 300 ont été déposées, mais c’est autour de l’amendement de l’article 104 que se sont cristallisés les débats.
Un amendement dictatorial sous couvert d’efficacité ?
L’amendement à l’article 104 du RI prévoit en substance d’accorder un pouvoir accru au comité mixte chargé de rédiger et de soumettre le projet de constitution au détriment des séances plénières de l’Assemblée. Le texte a été violemment attaqué par plusieurs élus qui dénoncent une dérive dangereuse du rapporteur général du comité mixte de coordination et de rédaction et de la présidence de l’Assemblée, Habib Khedher.
La charge de Nadia Chaâbane (Bloc démocratique), qui a dénoncé ce qu’elle perçoit comme une tentative de main mise du parti Ennahdha sur la rédaction de la future constitution, traduit l’aversion de l’opposition pour le texte. « Comment la commission a osé nous présenter l’amendement de l’article 104 qui donne un pouvoir décisionnel au comité mixte ? » s’interroge l’élue.
Pour elle, « on peut résumer cet article en deux lignes : le rapporteur général rédige la Constitution, le président de l’Assemblée signe et l’élu sert de bureau d’enregistrement. » Au final, « Si cet article passe, il ne reste plus qu’à demander aux élus de partir et à laisser le rapporteur Habib Khedher rédiger la Constitution tout seul ! », conclut indignée Mme Chaâbane.
La tentation hégémonique d’Ennahdha
Principale cible des attaques, Habib Khedher s’est défendu en considérant que le comité de coordination et de rédaction a le droit d’intervenir sur le contenu de la Constitution, dans le but de prendre en considération les suggestions faites par les experts et les citoyens.
Même au sein de la coalition de la Troïka, les voix dissonantes ne manquent pas. Pour Samia Abbou, élue du CPR, allié d’Ennahdha, « le comité mixte cherche à s’approprier la rédaction de la Constitution en imposant ses choix ». C’est pourtant un député du CPR, Haythem Belgacem, qui préside de la commission en charge d’amender le Règlement intérieur. Preuve selon elle du déséquilibre régnant au sein de la coalition : « le comité n’a retenu chaque fois que la première version des articles proposés, celle d’Ennahdha ».
L’opposition dénonce aussi la gestion de la présidence de l’assemblée
Selim Ben Abdessalem, récent transfuge d’Ettakatol vers le bloc démocratique, pointe la mauvaise gestion des travaux par la présidence de l’Assemblée alors que le texte « veut faire porter la responsabilité seulement aux élus, pour qui on multiplie les contraintes ». « On veut nous enlever le droit d’amendement, en limitant le droit des élus à un seul amendement par article. Il faut regrouper 10 députés pour avoir le droit de présenter un amendement et les élus des commissions n’en ont pas le droit, ce qui est une atteinte directe à leurs droits de députés. On n’a jamais vu ça dans aucun règlement, à part dans le système stalinien de 1928 », précise-t-il en parlant des propositions concernant les articles 89, 91 et 100.
M. Ben Adbessalem dénonce également les dispositions prévues par l’amendement quant au régime de sanctions qui selon lui « empêche les élus de se défendre ». Il est rejoint dans son jugement par Brahim Gassas, député du Mouvement Nidaa Tounes, qui parle de « dictature » de la part de la présidence.
Sur son blog personnel, Adel Bsili, conseiller juridique de premier ordre à l’Assemblée nationale constituante, détaille les propositions et ne tarit pas de critiques sur les amendements présentés pour modifier le règlement intérieur : « énorme », « insensé » « insupportable ». « Où allons-nous dans l’incohérence, la lacune, la contradiction, la bêtise ? » s’interroge le juriste.
Veut-on sanctionner ou encourager l’absentéisme ?
Le projet de nouveau RI prévoit que les absences des élus ne soient sanctionnées qu’au bout de trois absences injustifiées consécutives sanctions. Un élu peut donc cumuler deux absences autant de fois qu’il le souhaite s’il prend soin de se présenter au moins une fois sur trois en séance et en commission.
Rached Cherif
Ce sont les présences qui devraient être sanctionnés et non les absences !
Les absences sont seules conformes à l’article 6 du Décret présidentiel n° 2011-1086 du 3 août 2011, invitant les votants [Tunisiens] à élire les membres de l’Assemblée Constituante, Il est écrit dans ce Décret :
<p ALIGN=”RIGHT”>
أمر عدد 1086 لسنة 2011 مؤرخ في 3 أوت 2011 يتعلق بدعوة الناخبين لانتخاب أعضاء المجلس الوطني التأسيسي
الفصل 6 – يجتمع المجلس الوطني التأسيسي بعد تصريح الهيئة المركزية للهيئة العليا المستقلة للانتخابات بالنتائج النهائية للاقتراع و يتولى إعداد دستور للبلاد في أجل أقصاه سنة من تاريخ انتخابه
</p>
Traduction :
«L’assemblée nationale constituante se réunit, après la proclamation des résultats définitifs du scrutin par la commission centrale de l’instance supérieure indépendante des élections, et se charge d’élaborer une Constitution dans un délai maximum d’un an à compter de la date de son élection. ».
Comment peut-on admettre que ex- élus ne se conforment pas à la loi et aux Décrets, alors qu’en même temps, et dans le même pays, des juges sanctionnent des justiciables en les condamnant et parfois en les envoyant en détention, pour non respect des Codes ? Avec ça , on veut être crédible à l’étranger en lançant des mandats d’arrêts internationaux , en se fondant sur le principe que nous ayons un système judiciaire équitable et parfait ?
Qui peut le croire quand la seule élection qui a eu lieu depuis le départ de Ben Ali, a fait surgir une assemblée qui outrepasse sa mission et ne respecte même pas le Décret qui est à l’origine de sa propre existence ?