Après la destruction du mausolée de Sidi Bou Saïd par un incendie criminel, trois autres mausolées ont été incendiés les 23 et le 24 janvier à Hammam Sousse, à Douz et à Hamma près de Gabès. Au total, 36 mausolées ont été profanés jusqu’à présent, dont 17 détruits totalement, selon un recensement de l’Union des Confréries soufies.

Les Tunisiens touchés au culte !

Sidi Bou Said, Saida Manoubia, autant de noms qui résonnent dans l’histoire cultuelle tunisienne. De tout temps, les Tunisiens ont vénéré des saints locaux ; coutume par ailleurs largement répandue dans le monde musulman, dès lors que l’on quitte la Péninsule arabique. L’islam soufi superpose en effet culte du Dieu unique et prières aux centaines d’hommes et de femmes considérés comme saints par leurs contemporains.

Les mausolées construits sur les tombes de ces saints – dont certains édifices pluricentenaires – font office de lieux de pèlerinage local et, pour les plus connus, de sites touristiques prisés des visiteurs. Mais, l’islam radical venu d’Arabie s’accommode mal de ce qu’il perçoit comme une forme de polythéisme et donc d’hérésie.

36 mausolées vandalisés en huit mois

Depuis huit mois, c’est donc la série noire. Plus une semaine sans que les Tunisiens n’apprennent par la presse le saccage ou l’incendie d’un ou plusieurs mausolées. Ces actes de vandalisme touchent aussi bien les régions reculées du pays que les abords de Tunis.

Le jour du Mouled, les habitants de Douz découvrent avec amertume la destruction de la tombe de son saint Sidi Ahmed El Gouth, situé dans le cimetière de la ville, et de son mausolée vieux de plus de trois siècles. Un peu plus tard le même jour, un autre mausolée, celui de Sidi Salem à El-Hamma est également l’objet d’une attaque.

Depuis mi-2011, ce sont ainsi 36 monuments qui ont été profanés ; 17 d’entre eux ont été totalement détruits, mettant en péril la petite activité économique qui se développait autour de ces lieux de culte.

Silence complice ?

Face à cette destruction méthodique des mausolées, le silence des autorités pose de nombreuses questions. Le gouvernement laisse-t-il faire ? se demandent les Tunisiens. À chaque nouvel acte de ce feuilleton, le gouvernement tarde à réagir ou le fait trop timidement en promettant enquête et sanctions contre les auteurs.

Ceux-ci ne sont d’ailleurs pas clairement désignés, même s’il semble acquis que seule la mouvance salafiste prônant un islam rigoureux a une raison de commettre de tels actes. Ceux-ci rappellent d’ailleurs avec inquiétude les destructions de monuments religieux classés commises par les groupes islamistes radicaux appliquant la Charia dans le nord du Mali.

L’arrestation de 3 radicaux salafistes début décembre vient confirmer cette hypothèse. Ils ont admis être impliqués 2 mois plus tôt dans la destruction de la zaouïa de Saïda Manoubia. Ils se justifient en rejetant l’idolâtrie envers ces saints, un acte blasphématoire à leurs yeux.

Il faudra attendre le jour du Mouled pour que Sahbi Atig se contente de condamner ces actes au nom du parti Ennahdha lors d’une visite à Sidi Bou Saïd. Le 13 janvier, Ali Larrayedh, ministre de l’Intérieur avait timidement annoncé que « pistes criminelles » étaient privilégiées. Il est vrai qu’une série de 34 incendies touchant uniquement ce type de constructions aurait difficilement pu être attribuée à des causes accidentelles. Le ministre a toutefois ajouté que les dispositifs de « sécurité » seraient renforcés devant tous les monuments

L’action collective remplace celle des pouvoirs publics

À Sidi Bou Said justement, la société civile a pris la place des autorités en s’attelant à la réhabilitation du mausolée de ce haut lieu du tourisme et du soufisme. Des associations ont rassemblé les bonnes volontés et les compétences pour les travaux nécessaires. L’ambassade de France a également fait un don de 10 000 dinars pour participer à la reconstruction du lieu.