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Crédit photo: Kais Zriba || Nawaat.org
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Par Mohamed Arbi Nsiri
En hommage à Chokri Belaïd

L’assassinat de Chokri Belaïd, grande figure de l’opposition tunisienne, expose la thématique de l’éthique politique dans la Tunisie postrévolutionnaire. Ce crime inhumain, impose l’impérieuse nécessité de définir des nouvelles règles sur la scène politique.

C’est en ce sens que le thème des valeurs se rapproche de ce que l’histoire des idées politique a retenu la désignation de la raison de l’État. Il s’agit en d’autres termes d’engager une réflexion prospective afin de trouver un « modus vivandi » entre les différentes familles idéologiques tunisiennes. La sagesse devrait faire partie constructif de notre voix politique car toute démarche qui devient dépourvue de ces grands principes, devis forcément vers l’abus, l’absurde, l’aliénation ou vers le crime.

Tel semble être l’équation démocratique perçu dans sa manifestation en tant qu’instrument pour instaurer le bien-être partagé entre la vocation d’émancipation et la construction d’une nouvelle mentalité citoyenne. Le citoyen doit alors interroger continûment sa conscience car un tel questionnement renforce son attachement à sa société. Pour piloter nos pensées quotidiennes ou nos comportements habituels, on doit une réflexion profonde pour sortir de l’impasse.

L’accès à une société stable n’est jamais évident ou aisé : Elle ne laisse approcher que des observations minutieuses basées sur des interrogations pertinentes et sur une stratégie de longue durée. Ne gaspillons pas notre énergie dans des discussions formelles ou futiles. Arrangeons nous pour que notre manière de réfléchir soit souple, réaliste et dialectique. Ne prenons pas les buts tactiques pour des buts stratégiques. Développons une analyse lucide de notre situation. Sachons distinguer le fondamental du superficiel, l’essentiel du formel, le durable du temporaire, le principale du secondaire, le juste de l’injuste, le beau du disgracieux.

Accordons à chacun des aspects de la situation l’importance qu’il mérite et n’oublions pas que le secondaire peut évoluer en principal, le spécifique en universel. C’est pourquoi on doit dire que la caste politique tunisienne devrait être méthodique, objectifs, réalistes et dialectiques. Si malgré cela, elle commet quelques égarements, elle doit les reconnaître, les analyser et les corriger, rapidement et radicalement.

Notre contexte actuel est marqué par une situation très critique, teintée par la montée de la pratique de la violence qui est considéré parmi les plus dangereux phénomènes qui commence à envahir la scène publique tunisienne postrévolutionnaire. Dans cette nouvelle atmosphère sociopolitique, on commence à parler des transformations qui marquent le comportement quotidien vers un glissement à la violence verbale, morale et physique.  

Mais en même temps, ce qui frappe les esprits, c’est le fait que ces changements ont lieu d’une manière très rapide et dans une société qui se veut plus pacifique, dans une société qui se veut pluraliste et démocratique, ce qui nous obligent à poser au moins trois questions capitales :

A-t-on affaire à une nouvelle pratique socio-culturelle qui commence à s’installer ?  
A-t-on enjeu à  un nouveau défi social ?
Quelle image de la révolution tunisienne la violence que l’on dit « nouvelle » donne-elle ?

En effet, les ferments de la cruauté humaine se situent vraisemblablement dans la nature. Elle découle sans doute de certains comportements préhistoriques et a-historque. Dans les deux cas, l’organisation psychique semble la même : un instinct agressif doublé d’une absence de rationalité et une surcharge narcissique. 

Néanmoins, dans la philosophie moderne de la violence, depuis Thomas Hobbes à Max Weber, l’État est la seule institution qui se rend maîtresse du monopole de la violence pour protéger les individus des agressions réciproques et interminables.  Suivant cette optique tous recours à la violence par les individus, pour servir leurs intérêts ou leurs passions, devins hors la loi ; c’est-à-dire illégitime.  Ce qui nous amène à dire, que suivant cette optique, la violence politique est le terrain d’une condamnation systématique dans la société.

À première vue, il semblerait aujourd’hui que les condamnations morales de ce type de pratique soient devenues quasi unanimes dans notre contexte historique actuel mais il conviendrait pourtant de ne pas oublier un proche passé marqué par les agressions contre les opposants politiques, contre les artistes et contre les mausolées des saints. Le risque d’un virage vers une situation d’anarchie violente et incontrôlée est présent et menaçant. Par conséquent, il faut noter à ce titre, que le recourt à la violence traduit une grande faiblesse éthique qui ne peut pas éliminer le règne du rationalisme constructif.

Les sociétés démocratiques tendent de plus en plus à considérer la violence comme un échec politique et sociale. Maintenant, la société tunisienne doit considérer ce type de conduite comme inutile, dangereux et condamnable.  Il y là assurément un véritable danger, le danger d’un double cynisme : celui des usagers de la violence quand ils ne distinguent plus entre criminalité et sécurité publique et entre anarchie et ordre social.  Les enjeux sont grands mais l’intellengicia tunisienne est capable de dépasser cette crise pour instaurer un nouveau contrat social basé sur le pluralisme, la démocratie et l’État de droit.