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Manifestation d'Ennahdha pro-légitimité à l'av. Habib Bourguiba Tunis 16 février 2013 Crédit photo : Lilia Weslaty |Nawaat
Manifestation d’Ennahdha pro-légitimité à l’av. Habib Bourguiba Tunis 16 février 2013 Crédit photo : Lilia Weslaty |Nawaat

La manifestation d’Ennahdha n’a pas pu remplir l’av. Habib Bourguiba à Tunis malgré tous les efforts de son Chef Rached Ghannouchi et du membre du Conseil de la Choura Habib Ellouz. Selon les estimations, 16 000 personnes ont répondu à l’appel à un rassemblement qui devait être une malyouniya (un million de personnes).

Installé non pas près du ministère de l’Intérieur comme les autres manifestations dites « de gauche » ou « populaires », celle du parti islamiste a placé son estrade principale au milieu de l’allée de l’av.H. Bourguiba en face du théâtre municipal. Le mot qui a été répété le plus a été celui d’ « Union national », référant au projet d’un gouvernement non pas « de technocrates » comme l’a voulu le Chef du gouvernement mais de coalition de partis politiques. En effet, depuis mercredi 13 février, un quatuor est né, composé d’Ennahdha, CPR et les blocs parlementaires Wafa (guidé par Abderraouf Ayadi et Liberté et Dignité (guidé Néjib Hosni), pour contrer l’initiative de M. Hamadi Jebali.

"A bas le parti du destour (PSD)  A bas le persécuteur du peuple" 16 février 2013 Manifestation d'Ennahdha Tunis Crédit Photo : Lilia Weslaty| Nawaat
“A bas le parti du destour (PSD) A bas le persécuteur du peuple” 16 février 2013 Manifestation d’Ennahdha Tunis Crédit Photo : Lilia Weslaty| Nawaat

Partisans d’Ennahdha : “Nidaa Tounes est la Contre-Révolution”
En discutant avec plusieurs manifestants sur place, il était clair que pour eux, la contre-révolution était personnifiée en Béji Caid Essebsi, leader du parti Nidaa Tounes.

« Hey, Essebsi, Hey, ton bateau a sifflé ! »[ Expression pour signifier qu’Essebssi est fini]

A aucun moment ceux qui ont eu la parole, Habib Ellouz, les députées Hela Azzouz ou Meherzia Labidi, le chef d’Ennahdha Rached Ghannouchi, … n’ont parlé de « Mouhassaba » (jugement des principaux coupables sous le régime Ben Ali). Il était plutôt question de « sauvegarde de la Révolution » (Tahssine Al thwara), expression référant au projet de loi excluant politiquement les anciens responsables du Parti unique dissous RCD.
Quand je posais la question aux partisans d’Ennahdha à ce sujet, notamment à la réforme promise, , ils avouaient que sur ce plan rien n’a été fait et que le programme annoncé avant le scrutin 23 octobre 2011 n’a pas été respecté… Certains me souriaient, d’autres me disaient que j’avais raison et d’autres encore me répondaient « Patientons encore, on va voir… »

Partisans d'Ennahdha en train de prier à l'av. H. Bourguiba 16 février 2013 Crédit photo Lilia Weslaty |Nawaat
Partisans d’Ennahdha en train de prier à l’av. H. Bourguiba 16 février 2013 Crédit photo Lilia Weslaty |Nawaat

Insécurité identitaire
Les drapeaux de la Tunisie flottaient, juxtaposant ceux du parti Ennahdha, quelques-uns de la Palestine, des salafistes (en noir) et le drapeau que je voyais pour la première fois dans une manifestation en Tunisie, celui de l’Arabie Saoudite. Étonnée, je voulais savoir d’où est-ce qu’ils provenaient « Ils proviennent de l’association pro-Palestine » me dit-on.

Entre discours et versets islamiques et allocutions nationalistes, la manifestation en soutien de la légitimité a été moins véhémente que celle de la semaine dernière où les slogans du genre « Mourrez de votre dépit » ont été adressés maintes fois à la « gauche supposée mécréante ».
L’insistance sur l’identité-arabo musulmane par les leaders d’Ennahdha alors que la menace actuelle cristallisant la crise politique en Tunisie est plutôt d’ordre sécuritaire et économique, faisait entrevoir un sentiment d’insécurité identitaire. Les gens de la manifestation avec qui j’ai parlé aujourd’hui semblaient avoir peur d’être persécutés à nouveau et qu’on s’attaque à l’islam, un autre équivalent au terme “légitimité”…

Décrypter ce genre de rassemblement dans cette période de tension et d’instabilité politique est tout sauf aisé. Par ailleurs, au-delà du slogan réitéré à plusieurs reprises, celui d’une Union nationale, à mon humble avis, il faudra aujourd’hui, plus que jamais, délaisser tous les désaccords d’ordre identitaire, cesser les provocations qui exacerbent ces peurs identitaires dans un camp ou dans un autre afin de se concentrer sur un programme judiciaire, économique et sécuritaire efficace pour réussir la transition que j’espère démocratique …

Car, pour l’essentiel, tous ceux qui ont été contre la dictature devraient être persuadés que notre Révolution doit réussir. Aujourd’hui plus que jamais, et surtout après l’assassinat du leader de Front Populaire Chokri Belaïd, la réussite de la Révolution tunisienne est avant tout une question de survie.