Crédit image : Sana Sbouai - www.nawaat.org

En Tunisie la liberté de la presse et la liberté d’expression ne sont toujours pas garanties. Et chaque jour est une bataille. Si ce ne sont pas des dirigeants mis à la tête de médias publics sans concertation, ce sont des violences à l’égard des journalistes, des restrictions dans la pratique professionnelle, des blogueurs et artistes victimes du système judiciaire.

En Tunisie la liberté de la presse n’existera pas tant que des journalistes risquent la prison pour un délit de presse et que des restrictions à la diffusion d’information existent.

Le gouvernement ne montre que des signes de fermeture. Le CPR s’est fendu d’un projet de loi liberticide. Les journalistes risquaient des peines de 3 mois à 3 ans d’emprisonnement. La diffamation y était sanctionnée pénalement. Une censure déguisée dans un pays où il n’y a toujours pas de justice libre, expliquait Kamel Labidi de l’INRIC. Ce projet de loi qui devait être présenté hier à l’ANC a été annulé. Une victoire ? Non. Car son existence signifie que des députés travaillent à la restriction des libertés et qu’un projet a été fait pour écarter le décret-loi 115. Ce projet de loi prévoyait même une instance de régulation de la presse écrite.

Les décrets-lois 115 et 116 toujours en suspens

Les décrets-lois 115 et 116 promulgués en novembre 2011, eux, ne sont toujours pas entrés en vigueur. Pourtant une année et demie de pratique aurait pu permettre de roder le système, de voir ses défaillances, d’y apporter correction et d’améliorer la pratique professionnelle. Le 115 concerne directement la liberté de la presse, de l’édition et de l’impression. Sa non application a pour effet la non délivrance de la carte de presse. Si bien que pour l’année 2013 les journalistes n’ont pas reçu leur carte professionnelle, une manière de nier l’existence de la profession.

Le gouvernement et la présidence sont bien trop occupés avec la bataille autour de la HAICA, l’instance de régulation de la communication audiovisuelle, que prévoit le décret-loi 116. Qui prendra sa tête ? Comme pour toutes les instances chaque parti veut placer ses affiliés, faisant fi de tout esprit démocratique.

La violence toujours d’actualité

Les médias restent, dans l’esprit du gouvernant, un outil à contrôler car un pouvoir qui dérange. Si bien que personne ne s’indigne vraiment des violences subies par les journalistes. Dans son dernier rapport l’Observatoire des violences faites aux journalistes du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse, recensé 16 actes de violence pour le mois de mars 2013. Un net recul par rapport au mois de février qui en comptait 32, mais un chiffre qui reste bien trop élèvé.

Les journalistes, à tort ou à raison sont pointés du doigt, la qualité de leur travail est constamment discutée. Le débat est une bonne chose, pas la violence. Car quand un journaliste est attaqué c’est un citoyen que l’on attaque, ce sont tous les citoyens que l’on pénalise. C’est une information en moins qui circule, une information pour le citoyen. Le journaliste n’est qu’un vecteur. La liberté de la presse concerne avant tout le citoyen. Combien de jours sans savoir que Bouazizi s’était immolé ? Combien de jours sans savoir que la révolution était là ?

La liberté de la presse est un droit des citoyens

Garantir la liberté de la presse c’est « gagner le droit à l’information qui est un droit essentiel et indéniable. C’est un droit qui aide au processus démocratique dans la mesure où avec différentes analyses du paysage politique les gens sont éclairés et comprennent mieux comment faire leur choix » explique Om Zied, journaliste et membre de association Vigilance.

Garantir la liberté de la presse « c’est gagner la bataille de la citoyenneté, car celle-ci passe par le fait que les individus vivants dans une société en connaissent les problèmes. Et ceci passe par la conscience de ses droits et de ses devoirs, ce qui se fait à travers les médias. On garantit la prospérité et le développement car via la liberté de la presse il y à un véritable diagnostique des problèmes et donc on peut chercher les bonnes solutions » pour Hamida el Bour de l’IPSI.

La liberté de la presse est un droit des citoyens, pas le privilège d’une profession.

Dans Vous dire la vérité, Aidan White raconte qu’il y a 300 ans deux journalistes publièrent sous le pseudonyme de Caton une défense de la liberté d’expression intitulée « Sans liberté de pensée, il ne peut y avoir de sagesse et il ne peut y avoir de liberté publique sans liberté d’expression. » Sans liberté d’expression le citoyen ne peut pas témoigner et sans liberté de la presse le journaliste ne peut pas rapporter.

Les journalistes doivent être libres de jouer leur rôle, de rapporter l’information, de mettre les gouvernants face à leur responsabilité, d’animer le débat public. Les citoyens eux doivent défendre leur droit à savoir. Sinon la nuit s’abattra encore sur eux.