Une analyse des points inquiétants pour les droits humains
Tunis, le 13 mai 2013
L’Assemblée nationale constituante de Tunisie devrait modifier les articles du nouveau projet de constitution qui menacent les droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Human Rights Watch a analysé ce projet afin d’identifier les sources de préoccupation relatives aux droits humains.
Parmi les articles, ou les lacunes, qui suscitent le plus d’inquiétude, figurent : une disposition qui ne reconnaît les droits humains universels que tant qu’ils coïncident avec « les spécificités culturelles du peuple tunisien », le fait que la constitution n’affirme pas la liberté de pensée et de conscience, et la formulation trop vague concernant les limites qu’il est acceptable d’imposer à la liberté d’expression. En outre, le texte n’énonce pas clairement que les conventions sur les droits humains déjà ratifiées par la Tunisie engagent bien le pays et l’ensemble de ses autorités.
« L’Assemblée nationale constituante devrait combler les lacunes du projet de constitution qui pourraient permettre à un futur gouvernement de réprimer toute forme de dissidence ou de restreindre les droits fondamentaux pour lesquels les Tunisiens ont livré un dur combat », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.
L’assemblée a présenté une troisième version de la proposition de constitution le 25 avril 2013, après avoir discuté et revu deux versions précédentes, présentées en août et décembre 2012. L’assemblée doit commencer à voter la constitution en séance plénière au courant du mois de mai.
La dernière version défend de nombreux droits fondamentaux, qu’ils soient civils, politiques, sociaux, économiques ou culturels, et comprend des améliorations par rapport aux textes précédents. Cependant, elle contient aussi plusieurs articles incompatibles avec les obligations de la Tunisie en termes de droits humains qui découlent des traités internationaux, et qui pourraient compromettre la protection de ces droits, a constaté Human Rights Watch.
L’article 21, qui énonce que « les conventions internationales dûment ratifiées par le Parlement ont un statut supérieur à la loi et inférieur à la constitution », crée le risque que la constitution soit utilisée pour passer outre ou amoindrir la protection de certains droits fondamentaux garantis par certains traités que la Tunisie a déjà ratifiés.
Selon l’un des principes de base du droit international, tout pays doit s’assurer que sa propre constitution est compatible avec ses obligations en vertu de traités qu’il a ratifiés. L’assemblée constituante doit inclure dans sa constitution une disposition reconnaissant que les droits humains garantis dans les traités internationaux ratifiés par la Tunisie s’appliqueront directement et que la constitution et la loi seront interprétées conformément à eux.
Les autres dispositions suscitant l’inquiétude sont :
·Le préambule, qui fait reposer les fondements de la constitution sur « les principes des droits humains universels en concordance avec les spécificités culturelles du peuple tunisien ». Cette phrase donne une marge de manœuvre aux législateurs et aux juges pour s’éloigner des normes internationales relatives aux droits fondamentaux;
·L’article 5, qui déclare que « l’État garantit la liberté de croyance et de culte religieux » mais ne mentionne pas la liberté de pensée et de conscience, y compris le droit de changer de religion ou de devenir athée. Les droits humains seraient mieux protégés par une garantie explicite de la liberté de pensée et de conscience;
·Une définition insuffisante des limites acceptables à imposer à la liberté d’expression, d’assemblée et d’association: plusieurs articles du troisième projet de constitution définissent la portée de la liberté d’expression, d’assemblée et d’association en permettant au corps législatif d’adopter des lois qui restreignent ces droits, mais sans présenter clairement les limites des restrictions; et
·Une disposition discriminatoire qui prévoit que seul(e) un(e) musulman(e) peut devenir président(e) de la République. Cette disposition contredit l’article 6, selon lequel « tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs devant la loi, sans aucune discrimination ». En outre, le projet de constitution continue à restreindre l’égale protection de la loi aux seuls citoyens de Tunisie.
L’assemblée votera séparément sur chaque article, dont l’adoption requerra une majorité simple, selon les règles qu’elle s’est fixées pour le processus. Puis l’assemblée devra approuver le texte intégral lors d’un vote séparé.
Si le projet de constitution ne parvient pas à être adopté à une majorité de deux tiers, la commission de coordination devra alors soumettre une version révisée à l’assemblée en séance plénière. Si le texte échoue à nouveau à gagner une majorité des deux tiers, le texte sera alors soumis à un référendum national, où une majorité relative des votants suffira pour qu’il soit adopté.
L’Assemblée nationale constituante devrait effectuer un certain nombre de révisions sur le texte actuel pour consolider la protection des droits et combler les failles juridiques, a déclaré Human Rights Watch.
« L’assemblée devait s’attaquer à ces dispositions troublantes dès maintenant, avant que la constitution ne soit définitivement adoptée », a conclu Eric Goldstein. « Les Tunisiens ont été les pionniers de la région en insistant sur le respect de leurs droits fondamentaux, et ils ne devraient pas permettre que ces droits leur échappent aujourd’hui. »
Une analyse détaillée des dispositions du projet de constitution qui suscitent des préoccupations figure ci-après.
Pour lire d’autres communiqués de Human Rights Watch sur la Tunisie, veuillez suivre ce lien
Pour plus d’informations, veuillez contacter:
À Tunis, Amna Guellali (anglais, français, arabe): +216-24-485-324 (portable); ou guellaa@hrw.orgÀ Washington, Eric Goldstein (anglais, français): +1-917-519-4736 (portable); ou goldstr@hrw.org
À New York, Tamara Alrifai (anglais, arabe, français, espagnol): +1-212-216-1281; ou +1-646-309-8896 (portable); ou alrifat@hrw.org
Articles et formulations qui menacent les droits humains
Droits humains universels définis en référence aux spécificités culturelles
Le préambule du nouveau texte énonce que la constitution est fondée « sur les principes fondamentaux de l’Islam et ses objectifs d’ouverture et de modération, sur les valeurs humaines suprêmes et sur les principes des droits humains universels en concordance avec les spécificités culturelles du peuple tunisien ». Le fait de qualifier les droits humains universels à travers une formulation aussi vague donne à l’exécutif, aux législateurs et aux tribunaux une grande latitude pour se réclamer des « spécificités culturelles » et s’en servir comme base pour saper ou restreindre n’importe quel droit humain tel qu’il a été universellement reconnu.
De plus, l’article 136 du texte, dans le chapitre final de la constitution, énonce : « Aucune révision n’est autorisée pour l’affirmation suivante : l’Islam est la religion de l’État ». Si le fait d’avoir une religion d’État ne viole pas le droit international, les États ne doivent pas utiliser cette disposition d’une façon qui réduirait les droits et les libertés, notamment l’égalité entre les citoyens.
Le Comité des droits de l’homme, qui interprète le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a déclaré dans son observation générale n°22 que « le fait qu’une religion est reconnue en tant que religion d’Etat ou qu’elle est établie en tant que religion officielle ou traditionnelle, ou que ses adeptes représentent la majorité de la population, ne doit porter en rien atteinte à la jouissance de l’un quelconque des droits garantis par le Pacte […], ni entraîner une discrimination quelconque contre les adeptes d’autres religions ou les non-croyants. »
Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction a déclaré : « Si la notion de religion d’État n’est pas interdite en soi par le droit international des droits de l’homme, les États doivent veiller à ce qu’un tel concept n’entraîne pas une discrimination de jure ou de facto à l’égard des membres d’autres religions ou convictions. » Plus loin il poursuit : « Il semble certes difficile, sinon impossible, d’envisager l’application d’un concept de ‘religion d’État’ officielle qui, dans la pratique, n’entraînerait pas d’effets préjudiciables pour les minorités religieuses et, partant, une discrimination à l’égard de leurs membres. »
Plus loin encore, il a souligné que « lorsque c’est l’État lui-même qui affiche sa religion dans sa Loi fondamentale, le droit ne reflète plus la variété ethnique et religieuse de la société et les portes de l’arbitraire et de l’intolérance sont bien entrouvertes. […] S’agissant tant des religions d’État que d’autres communautés religieuses ou confessionnelles, l’État ne doit jamais prendre en tutelle la religion pour en définir le contenu, les concepts ou les limites, en dehors de celles qui sont strictement nécessaires et qui sont prévues par le paragraphe 3 de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. »
Absence de liberté de pensée et de conscience; affirmation ambiguë de la liberté de croyance
Le chapitre sur les principes généraux énonce que « l’État garantit la liberté de croyance et de culte religieux. » Pourtant, il omet les concepts plus larges que sont les libertés de pensée et de conscience, qui englobent plus clairement le droit de changer de religion, de ne pratiquer aucune religion ou de devenir athée. Une reconnaissance explicite de la liberté de pensée et de conscience protègerait mieux les Tunisiens, par exemple, de l’introduction de lois nationales qui criminaliseraient l’apostasie, le fait de renoncer à sa foi.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Charte africaine classent ensemble les libertés de pensée, de conscience et de religion. Le Comité des droits de l’homme a soutenu que l’article 18 du PIDCP englobait la liberté de pensée sur tous les sujets, tels que la conviction personnelle ou le fait d’embrasser une religion ou une croyance. De plus, le Comité énonce que « la liberté ‘d’avoir ou d’adopter’ une religion ou une conviction implique nécessairement […] le droit de substituer à sa religion ou sa conviction actuelle une autre religion ou conviction ou d’adopter une position athée, ainsi que le droit de conserver sa religion ou sa conviction. »
La constitution ne mentionne la liberté de croyance que dans le chapitre sur les principes généraux et non pas dans le chapitre des droits et libertés. L’article 5 dit que « l’État est le patron de la religion, le garant de la liberté de croyance et de pratique des rites religieux, le protecteur des sacralités religieuses, et chargé de vérifier que les lieux de culte sont neutres, libres de toute instrumentalisation partisane. » Cette formulation lie la liberté de croyance à la pratique de rites religieux, semblant de ce fait restreindre ce qui peut être considéré comme une croyance à protéger.
Grande marge de manœuvre laissée pour définir les restrictions applicables aux libertés d’expression, d’assemblée et d’association
Le troisième projet de constitution semble réduire la portée des libertés d’expression, d’assemblée et d’association puisqu’elle permet au corps législatif d’adopter des lois qui restreignent ces droits, mais sans exposer clairement les limites à respecter pour de telles restrictions. L’article 40 déclare : « Les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, des médias et de création sont garanties. De telles libertés ne peuvent en aucun cas être soumises à une censure préalable. » Cependant, le texte déclare plus loin : « La liberté d’expression, des médias et de publication ne peut pas être restreinte, sauf en vertu d’une loi protégeant les droits, la réputation, la sécurité et la santé d’autrui. » De même, l’article 34 dit que « le droit d’accéder à l’information est garanti, sans préjudice de la sécurité nationale, de l’intérêt public ou de l’information privée appartenant à autrui. » L’article 30 énonce que « le droit de fonder des partis, des syndicats et des associations est garanti. La loi réglemente les procédures de la constitution de partis, de syndicats et d’associations, sans préjudice de l’essence même de ces libertés. » Le même principe s’applique au droit de se rassembler de façon pacifique et de manifester, qui est garanti et « pratiqué conformément aux procédures prévues par la loi, sans préjudice de l’essence même de ce droit. »
Ces restrictions laissent une trop grande marge de manœuvre au corps législatif pour adopter une loi qui restreindrait ces droits, sans exiger que les restrictions passent sans ambiguïté le triple test établi par le droit international. En effet, d’après le droit international, toute restriction des droits humains doit: premièrement, être prévue par la loi; deuxièmement, avoir un but légitime, comme le respect des droits ou de la réputation d’autrui, la protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publique; troisièmement, être nécessaire pour garantir ce droit légitime et répondre au critère de proportionnalité.
Par exemple, la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique (Déclaration africaine), adoptée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en 2002, affirme que « toute restriction à la liberté d’expression doit être imposée par la loi, servir un objectif légitime et être nécessaire dans une société démocratique. » Elle énonce plus loin que « la liberté d’expression ne devrait pas être restreinte pour des raisons d’ordre public ou de sécurité nationale, à moins qu’il n’existe un risque réel de menace imminente d’un intérêt légitime et un lien causal direct entre la menace et l’expression. »
Le Comité des droits de l’homme a énoncé dans son observation générale sur l’article 19 du PIDCP que les restrictions de la liberté d’expression ne peuvent exister que soumises aux conditions suivantes: les restrictions doivent être « fixées par la loi »; elles ne peuvent être imposées que pour un motif légitime; et elles doivent répondre aux critères stricts de nécessité et de proportionnalité.
Dispositions discriminatoires
L’article 6 du projet de constitution énonce que « tous les citoyens, les hommes comme les femmes, ont les mêmes droits et devoirs, et sont égaux devant la loi, sans aucune discrimination». Cette disposition, pourtant, est contredite par l’article du texte constitutionnel qui décrète que seul(e) un(e) musulman(e) peut devenir président(e) de la République. Même si cette disposition peut sembler se référer à une situation très restreinte, sa présence dans la constitution entache le principe de non-discrimination.
En outre, le projet de constitution contient des formulations insuffisantes sur la non-discrimination et l’égalité devant la loi. L’article 6, en limitant la protection des droits aux seuls citoyens, est incompatible avec l’article 2 du PIDCP, qui exige de l’État qu’il respecte et garantisse les droits reconnus par le Pacte pour toutes les personnes présentes sur son territoire et soumises à sa juridiction, et non pas seulement pour ses citoyens. De plus, la constitution devrait préciser que les motifs de la distinction à prohiber incluent non seulement le sexe, mais aussi l’origine ethnique, la couleur de peau, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, le statut de propriété, de naissance ou tout autre statut. La formulation actuelle de l’article pourrait être interprétée dans le sens d’une protection de l’égalité uniquement au regard du sexe des personnes.
En ce qui concerne l’égalité des sexes, l’article 42 prévoit que « l’État garantit la protection des droits des femmes et soutient ceux qu’elles ont acquis ». Le même article stipule que « l’État garantit que les hommes et les femmes bénéficient des mêmes opportunités d’avoir des responsabilités. L’État garantit l’élimination de toutes les formes de violence envers les femmes. » Ces dispositions sont positives puisqu’elles s’éloignent d’une formulation précédente qui invoquait une notion de « complémentarité » des rôles des genres qui risquait d’édulcorer le principe d’égalité entre hommes et femmes.
Cependant, elles n’incarnent que partiellement le principe d’égalité entre hommes et femmes, étant donné qu’elles se réfèrent à l’égale opportunité d’« avoir des responsabilités » et non pas au droit plus large de bénéficier d’opportunités égales dans les sphères politique, économique, culturelle et sociale.
Statut des conventions sur les droits humains ratifiées par la Tunisie
Le projet de constitution reste vague sur la question de savoir si les traités internationaux sur les droits humains qui ont été dûment ratifiés par la Tunisie, notamment les traités et protocoles des Nations Unies et africains, ont directement force de loi en Tunisie, et s’ils engagent toutes les institutions publiques et tous les individus.
L’article 21 de la nouvelle version énonce que « les conventions internationales dûment ratifiées par le Parlement ont un statut supérieur à la loi et inférieur à la constitution. » Même si cette formulation représente déjà une révision de l’ancienne version, qui énonçait que « le respect des conventions internationales est obligatoire si elles ne vont pas à l’encontre de cette constitution », elle continue de placer la constitution au-dessus des conventions internationales sur les droits humains déjà ratifiées par la Tunisie.
Ceci est contraire à la Convention de Vienne sur les droits des traités, ratifiée par la Tunisie, qui énonce dans son article 27 qu’« une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité ». Autrement dit, la Tunisie a le devoir de s’assurer que sa constitution et ses lois respectent ses engagements internationaux. La formulation de l’article 21 pourrait conduire les juges et les législateurs à ignorer les obligations internationales de la Tunisie au motif qu’elles contredisent la constitution. Par ailleurs, ce projet de constitution ne mentionne pas le droit international coutumier, qui engage également la Tunisie.
Enfin ce texte ne traite pas de la question de savoir comment les juges, entre autres, devront interpréter les droits humains exposés dans la constitution et dans les traités internationaux, ni comment ils devront traiter les conflits entre le droit applicable aux droits humains et certains articles de la constitution ou bien certaines lois ordinaires, qui le contredisent. Par exemple, les constitutions d’Afrique du Sud et du Kenya contiennent une clause selon laquelle les juges doivent interpréter la loi, y compris la constitution, de la façon la plus favorable à l’application d’un droit ou d’une liberté fondamentale. Elles spécifient que les juges doivent prendre en compte l’interprétation des traités sur les droits humains qu’ont pu fournir les organes officiels de suivi des traités, notamment les tribunaux et les commissions.
État d’urgence
Le projet de constitution autorise toujours le président de la République à imposer un état d’urgence dans l’éventualité d’une menace imminente contre l’intégrité, la sécurité ou l’indépendance du pays. L’assemblée devrait stipuler clairement dans le texte que les droits et libertés doivent être respectés à tout moment et que s’ils devaient être restreints, il faudrait que ce soit conformément aux conditions établies par le PIDCP pour les situations d’urgence, telles que précisées dans l’article 4 et l’observation générale n°29. Notamment, les restrictions de droits décrétées en cas d’urgence ne doivent être nécessaires que pour un laps de temps déterminé selon les besoins de la situation, et les droits intangibles au regard du droit international ne doivent jamais être limités en vertu de pouvoirs exceptionnels. Aussi bien la déclaration de l’état d’urgence que tous les pouvoirs qu’il confère doivent être soumis à un contrôle judiciaire.
Recommandations
L’Assemblée nationale constituante devrait effectuer un certain nombre de révisions de la version actuelle de la constitution afin de consolider la protection des droits et de combler les failles juridiques, a déclaré Human Rights Watch:
Elle devrait inclure une clause générale introduisant directement dans la loi tunisienne les droits humains tels que définis par les traités internationaux ratifiés par la Tunisie, notamment par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples; et par le droit international coutumier. Ces traités, de même que le droit coutumier, devrait faire partie intégrante de la loi tunisienne en vertu de la nouvelle constitution.
L’assemblée devrait aussi inclure une clause énonçant que les droits et libertés exposés dans la constitution engagent le corps législatif, l’exécutif, la justice et tous les organes d’État;
Elle devrait inclure une proclamation de la liberté de religion, de pensée et de conscience, et affirmer que celle-ci engobe la liberté de changer de religion ou de croyance, de pratiquer en public et en privé n’importe quelle religion à travers le culte, l’accomplissement de rites ou les coutumes, ou encore le droit de ne pratiquer aucune religion;
Elle devrait affirmer clairement que la mention de l’Islam comme religion d’État ou bien les références à l’Islam dans le préambule ne doivent pas être interprétées de façon à aller à l’encontre des droits et des libertés exposés dans la constitution ou des conventions internationales sur les droits humains ratifiées par la Tunisie, ni ne devraient déboucher sur une discrimination visant les adeptes d’autres religions ou les non-croyants;
Elle devrait inclure une clause générale énonçant que les droits et libertés proclamés par la constitution ne peuvent être restreints que lorsque ces restrictions sont permises par le droit international, c’est-à-dire lorsque :
-elles sont définies par un texte de loi clair;
-elles sont justifiées par un motif mentionné par un traité sur les droits humains comme une raison acceptable de limiter ce droit en particulier;
-elles sont raisonnables et justifiables dans une société ouverte et démocratique basée sur la dignité humaine, l’égalité et la liberté;
-elles ne sont pas discriminatoires, directement ou indirectement; et
-la portée d’une limitation à laquelle on se réfère dans la constitution est proportionnelle à l’intérêt à protéger, et elle ne doit pas être interprétée de façon à compromettre l’essence du droit concerné ou de façon restrictive.
Elle devrait éliminer le projet de disposition qui crée une discrimination entre citoyens en exigeant que le président de la République soit musulman;
Elle devrait proclamer que tous les citoyens et personnes présentes sur le territoire ou soumises à la juridiction tunisienne jouissent d’une égalité devant la loi, sans discrimination d’aucune sorte, que ce soit par rapport à l’origine ethnique, la couleur de peau, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, le statut de propriété, de naissance ou tout autre statut; et
La constitution devrait inclure une disposition précisant que les femmes et les hommes sont reconnus comme égaux, qu’ils ont droit à la pleine égalité dans la loi et dans les pratiques, ainsi qu’à des opportunités égales dans tous les domaines de la vie, notamment sans aucune limite dans les sphères civique, culturelle, économique, politique et sociale.
[…] L’Assemblée nationale constituante de Tunisie devrait modifier les articles du nouveau projet de constitution qui menacent les droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Human Rights Watch a analysé ce projet afin d’identifier les sources de préoccupation relatives aux droits humains. Parmi les articles, ou les lacunes, qui suscitent le plus d’inquiétude, figurent : une disposition qui ne reconnaît les droits humains universels que tant qu’ils coïncident avec « les spécificités culturelles du peuple tunisien », le fait que la constitution n’affirme pas la liberté de pensée et de conscience, et la formulation trop vague concernant les limites qu’il est acceptable d’imposer à la liberté d’expression. En outre, le texte n’énonce pas clairement que les conventions sur les droits humains déjà ratifiées par la Tunisie engagent bien le pays et l’ensemble de ses autorités… […]
Dans le Guardian en date du 19 décembre 2008 le rapporteur spécial de l’ONU sur les territoires palestiniens, Richard Falk, fait le récit de son arrivée en Israël à la tête d’une mission internationale pour mener une enquête concernant la situation des Palestiniens. Selon les usages, le gouvernement israélien était avisé de cette visite et attendait l’arrivée de l’éminent visiteur qui est aussi un professeur respecté de droit international à l’Université américaine de Princeton. Mais à sa descente d’avion, il a été rudement accueilli par les services de sécurité qui l’ont soumis selon ses dires “à une fouille corporelle et à une inspection des bagages la plus minutieuse que j’aie jamais vue”. Puis ils l’ont emmené dans un centre de détention et enfermé dans une pièce minuscule fermée à clé qui sentait l’urine et la saleté et contenait cinq autres détenus. Il y a passé 15 heures qui d’après son article dans le Guardian “équivalaient à un cours intensif sur les misères de la vie carcérale, y compris les draps sales, les aliments non comestibles et les lumières trop vives ou l’obscurité totale”.
Quel lien y a-t-il entre la mésaventure du professeur Falk et Human Rights Watch? Eh bien c’est que le professeur Falk faisait partie de Human Rights Watch. Il était loin d’être antisémite pour être ainsi malmené par les flics israéliens, car il était lui-même juif, tout comme eux et comme le directeur de Human Rights Watch, Kenneth Roth qui nous veut du bien. Pourquoi donc l’indigne traitement réservé à R. Falk? C’est parce que ce rapporteur de l’ONU a été choqué par la façon dont Israel traitait les Palestiniens. Il avait déclaré qu’il voyait un parallèle entre ce que faisait Israël et les atroces pratiques nazies de punition collective. Je ne me rappelle pas que Human Rights Watch ait fait beaucoup de bruit dans le temps pour dénoncer le comportement d’Israël vis-à-vis de Mr. Falk. Mais au bout de trois ans Kenneth Roth a viré le professeur de cette organisation non gouvernementale. Ce qui a fait dire à l’écrivain dissident Israélien, Gilad Atzmon que Human Rights Watch et son directeur sioniste ont fait preuve d’inféodation tribale. Puis il a ajouté: “Après tout, ils font simplement ce qu’on attend des sionistes: mentir, harceler, insulter et si nécessaire fabriquer des preuves”. Poursuivant sa dialectique Atzmon parle de Human Rights Watch et Roth comme de “sionistes déguisés en progressistes” qui, comme tous les progressistes juifs que se dédient à la défense d’intérêts tribaux et ethniques ont pour fonction de repérer, contrôler et étouffer toute critique d’Israël, surtout si elle touche au coeur du problème, à savoir le caractère juif d’Israël”. Ici je me pose quelques questions. Depuis sa création Israël s’est déclaré être un état juif et ne fait que le répéter depuis 65 ans. Que fait Human Rights Watch pour pousser Israël à renoncer à ce caractère juif de l’état afin de faire la promotion des valeurs universelles à la place des intérêts juifs? C’est bien le conseil qui est donné à la Tunisie. Israël ne devrait-il pas changer sa constitution, alors que c’est tout-à-fait le contraire qui se passe? Israël exige des Palestiniens de reconnaître le caractère juif de l’état d’Israël. Formellement l’Arabe est aussi une langue officielle d’Israël. Mais dans la pratique l’enseignement dispensé dans les écoles s’occupe principalement de l’histoire, de la langue et des valeurs juives. Les arrêtés rendus par la Cour Suprême d’Israël sont publiés en Hébreu et traduits en Anglais mais pas en Arabe, langue officielle. Les Palestiniens qui n’ont pas fui après la nakba sont dispensés du service militaire pour des raisons historiques et pratiques. Mais dans la vie courante beaucoup d’emplois sont réservés à ceux qui ont fait le service militaire. De même, en ce qui concerne le logement. Les partis poliques sont obligés pour être acceptés de reconnaître le caractère juif et démocratique d’Israël. On n’a pas le droit de dissocier. La propriété de la terre connaît aussi un truc très sophistiqué. Au moment de la création d’Israël les Palestiniens possédaient la moitié des terres. Aujourd’hui 3% seulement. La raison en est qu’Israël a annexé les terres des Palestiniens puis elle les a refilées aux juifs. Israël a aussi légiféré une loi très importante: la loi du retour. Elle autorise tout juif, où qu’il se trouve dans le monde et qui n’a jamais vu Israël de venir s’y installer et de jouir de tous les droits de citoyenneté. Ceci ne s’applique pas aux Palestiniens qui ont fui pour ne pas être massacrés. En plus les Palestiniens restés en Israël et qui sont considérés comme Israéliens, n’ont pas le droit d’épouser une Palestinienne de Gaza ou de la Cisjordanie ou d’ailleurs. S’ils le font, elle n’a pas le droit de rejoindre son époux. Ceci ne s’applique pas aux juifs qui épousent une Américaine ou une Française, etc… Human Rights Watch ne veut pas que la législation tunisienne barre la présidence à des non-musulmans. En Israël les musulmans, 1,5 million, représentent 20 à 22% de la population. Pourquoi H.R.W. ne milite pas pour leur acquérir le droit de devenir président ou premier ministre? Il suffit de changer la constitution et d’enlever cette anomalie de caractère juif de l’état afin d’éliminer la discrimination. Pourquoi le premier ministre israélien Netanyahu parlait récemment en public de la race juive? S’agit-il d’une race ou d’une religion? H.R.W., donnez-nous des explications. Pourquoi ce qui n’a pas été accompli en Israël depuis 65 ans doit s’accomplir tout de suite en Tunisie? Ne devrait-on pas plutôt aider Israël à rattraper son retard d’abord? Pourquoi a-t-on fait des élections et pourquoi doit-t-on payer un salaire à nos représentants si c’est Mr Kenneth Roth qui va nous imposer le texte de la Constitution? Que doivent faire les députés avec l’argent reçu? Le rembourser au peuple ou le virer à H.R.W. en échange du texte constitutionnel qui nous sera délivré par Mr Roth?