roi-du-maroc

Le 4 août 2013, l’agence de presse officielle marocaine, la MAP, annonçait que Mohammed VI, roi du Maroc, avait décidé de procéder au retrait de la grâce qu’il avait accordée le 30 juillet 2013 à un pédophile espagnol, Daniel Galvan Fina. L’événement est de taille : comme le dit elle-même la dépêche de la MAP, le retrait est « à caractère exceptionnel ». La veille, le cabinet royal avait émis un communiqué assurant que le monarque n’était pas au courant de la grâce prévue de Daniel Galvan Fina.

Une enquête a même été promise en réponse au scandale provoqué par la grâce de cet Espagnol vivant au Maroc et condamné en mai 2011 à 30 ans de prison pour le viol de 11 mineurs marocains. Elle a mené aujourd’hui 5 août à la révocation par le roi du patron de l’administration pénitentaire, Hafid Benhachem. Selon un communiqué du Cabinet Royal : « L’enquête a conclu que ladite admlnistration, lorsqu’elle a été sollicitée par le Cabinet Royal, a transmis par inadvertance des informations erronées de la situation pénale de l’intéressé. »

Le Cabinet Royal marocain avait auparavant rejeté la faute sur les autorités espagnoles, arguant que c’était à la demande du roi espagnol Juan Carlos que Daniel Galvan aurait été gracié. Des affirmations contredites aujourd’hui par un communiqué du palais royal espagnol.

Par ailleurs, d’après le site marocain Lakome.com, Daniel Galvan Fina aurait été arrêté cet après-midi même dans le sud de l’Espagne, dans la foulée du limogeage de Hafid Benhachem. Le Maroc avait émis dans la matinée un mandat d’arrêt international contre lui.

Youssef Belal, professeur universitaire et chercheur, militant de gauche, a mis en ligne sur la version francophone de Lakome.com un texte très clair, titré : « Mohammed VI doit être tenu politiquement responsable de ses actes ». Belal réfute le bien-fondé de la communication officielle. Il rappelle en effet que « l’article 58 de la constitution marocaine est clair : ‘le Roi exerce le droit de grâce.’ » A son sens, la ligne de défense de l’ignorance ne fonctionne pas. Il explique : « La monarchie marocaine a longtemps fonctionné sur ce paradoxe : un roi qui décide de tout mais n’est responsable de rien. »

Un avant et un après

Que la mobilisation et la grogne continuent ou pas, un fait semble clair pour tout le monde : comme le dit le site militant Mamfakinch.com, crée dans la foulée du mouvement « du 20 février » : « Il y aura bien un avant et un après ce 30 juillet 2013 au Maroc ». La parole s’est libérée et des milliers de personnes ont enfreint ces derniers jours la loi rappelant l’inviolabilité de la personne du monarque. Des manifestations spontanées ont vu se mélanger des classes sociales différentes et ont drainé des personnes peu habituées à la contestation.

Le roi Mohammed VI, lui, a été obligé de répondre. Prouvant certes, pour certains, comme en 2011, sa capacité d’écoute, mais aussi, pour d’autres, les possibles défaillances du système qu’il dirige. Le site Mamfakinch.com conclut :

« De ceci émerge un constat, quelque chose a changé, et pour toujours. Un rapport entre une grande partie du peuple et la monarchie a été rompu. […] L’histoire retiendra qu’à l’ère de la transition démocratique, un pédophile a été royalement gracié, et le sang de citoyens honorables a coulé en défendant la dignité bafouée d’une nation. »