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La France se dirige t-elle vers l’interdiction du port du voile à l’université ?

Du moins, certains le préconisent. Le 5 août 2013, le quotidien Le Monde a publié le rapport remis par le Haut conseil à l’intégration (HCI) à l’Observatoire de la laïcité. Le Monde évoque un « rapport alarmiste et une proposition polémique ». Il est à noter que le HCI n’a qu’un rôle consultatif.

Le voile dans le viseur

Le rapport débute sur une tentative de dresser un état des lieux. Sans être très précis, il assure que les atteintes à la laïcité se font de plus en plus nombreuses dans les universités françaises et que des résistances se développent même à certains enseignements. Puis, le rapport émet douze propositions. La plus forte est celle conseillant l’adoption d’une loi qui interdirait tout bonnement « les signes et tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse » dans les universités françaises, du moins « dans les salles de cours, lieux et situations d’enseignement et de recherche des établissements publics d’enseignement supérieur »…

Pour tous, il semble clair que la proposition cible avant tout le voile porté par les musulmanes. Julien Salingue, étudiant en thèse, qui collabore à un observatoire indépendant des médias et se penche régulièrement sur la question de l’islamophobie, remarque :

« Le Monde ne s’y est pas trompé et a immédiatement parlé d’une loi concernant le port du voile. »

Prêtes à manifester ?

Le texte n’était pas censé être diffusé si tôt, selon les déclarations de Benoît Normand, le secrétaire général du HCI. Divulgué durant la période des vacances, il n’a pas encore suscité de remous, mais seulement des réactions dans les médias. Mais, promet Khadija, une jeune étudiante parisienne qui porte le voile :

« Je n’hésiterai pas à manifester pour défendre mon droit à étudier, et mes amies qui sont dans le même cas que moi feront de même. »

Un jeune chargé de cours, étudiant en arabe à Paris lui aussi, s’avoue « effaré par cette proposition ». A son sens :

« Cette proposition vise avant tout les femmes voilées. Des personnes qui viennent souvent de quartiers populaires, se battent pour mener à bien leurs études. Les stigmatiser ainsi est insultant et contre-productif. » Et de rappeler : « Déjà, interdire le voile dans le secondaire, c’était une drôle d’idée, mais à la rigueur, on parlait de filles mineures. Dans le cas des étudiantes, ce sont des majeures ! »

Le principal syndicat étudiant en France, l’UNEF, s’est dit, dans un communiqué, favorable à certaines propositions émises dans le rapport du HCI, mais a dénoncé « la stigmatisation de l’islam » et « l’hypocrisie antimusulmane ». Selon le syndicat étudiant :

« Une telle attitude renforce les réflexes communautaires plutôt que de les combattre efficacement. »

Le président de la conférence des présidents d’université, Jean-Loup Salzmann, s’est lui-même dit, dans la presse française, contre la proposition de loi.

Si le débat venait à durer jusqu’à la rentrée universitaire, il promet d’être chaud. Et pour ceux qui tiennent à l’adoption d’une telle loi, le travail s’annonce ardu. En effet, rappellent certains titres français, un doyen d’université avait déjà tenté, il y a une vingtaine d’année, d’interdire l’accès de la fac à des jeunes femmes voilées. Le Conseil d’Etat, instance majeure en France, avait empêché cette interdiction, et il faudrait contourner cette jurisprudence pour adopter une loi prohibant le port du voile à l’université.