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Les droits des réfugiés étrangers et des émigrés tunisiens progressent-ils ? « Toujours pas ! », alertent des représentants de la société civile tunisienne.

Le lundi 19 août 2013 s’est ainsi tenue une conférence de presse de la Coordination des Assises de l’Immigration Tunisienne (CAIT), de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) et de l’UGTT (département des relations arabes, internationales et de l’immigration).

Son objectif :

« dénoncer les pratiques anti-démocratiques, de propagande et l’absence de toutes concertations du Secrétariat d’État à l’Immigration. »

La CAIT, regroupant des associations de France, Suisse et Italie dont l’Association des Tunisiens en France (ADTF), dénonce « l’instrumentalisation de l’immigration tunisienne par le Secrétariat d’État à l’immigration avec l’Office des Tunisiens à l’Etranger (OTE), renouant ainsi avec ses vieilles méthodes serviles au services du gouvernement à des fins de propagande électoraliste ».

D’après la CAIT, depuis plus de 18 mois, l’Office des Tunisiens à l’Etranger (OTE) ainsi que le Secrétariat d’État à l’Immigration se sont avérés incapables de proposer la prise en compte de l’immigration dans la constitution comme partie intégrante du peuple tunisien et de répondre aux revendications des immigrés. Les quelques réunions tenues se sont vues taxées de « réunions de propagande », sans consultations, ordre du jour, ni comptes-rendus.

Lakhdhar Ladham, de l’Association des Tunisiens en France (ADTF), a confié que la mise en place d’un Conseil supérieur à l’émigration a été demandée aux autorités depuis 2011, en vain :

« À part le droit à apporter des véhicules encore plus vieux, ce qui est problématique pour l’écologie, et le droit à des bagages d’une valeur plus élevée lors des retours temporaires ou définitifs, rien de sérieux n’a été entrepris par le secrétaire d’État à l’immigration. »

Le 13 août 2013, Mme Itidel Barboura, Chargée du projet du Conseil des Tunisiens à l’étranger, avait également présenté sa démission après seulement deux mois de mandat.

Dans une lettre de démission ouverte, adressée au directeur général de l’OTE, M. Habib Louizi, elle avait ainsi fait part de la série « de difficultés et d’entraves à [sa] mission », dont elle accuse les deux organismes, l’OTE et le Secrétariat d’État à l’Immigration, d’être responsables. L’ancienne chargée du projet pour le Haut Conseil des Tunisiens à l’Etranger s’était vue victime du non paiement de son salaire, de l’absence d’un contrat de travail, de fiches de paie et d’un local à Paris. Se disant « humiliée » et « discréditée », elle s’est également plainte d’avoir été mise à l’écart des réunions et activités de l’OTE et du Secrétariat et de n’avoir disposé d’aucune information ou méthode de travail claire.

Boycott du Forum des Tunisiens à l’étranger

« Nous n’irons pas à Hammamet, car nous ne voulons pas être complices d’une opération de communication vide de sens. »

Les associations ont protesté contre ce qu’elles considèrent comme une supercherie, appelant toutes les composantes de la société à boycotter le Forum des Tunisiens à l’étranger organisé à l’initiative du Secrétariat d’Etat à l’immigration et aux Tunisiens à l’étranger, du 19 au 21 août à Hammamet.

Kacem Afaya, Secrétaire général adjoint chargé des relations arabes, internationales et de l’immigration à l’UGTT, a affirmé que le forum à Hammamet était une provocation :

« Il se tient sans faire participer toutes les composantes de la société civile. Nous avons reçu le fax de l’invitation le 15 août, pour un forum qui se tient le 19 août, tandis que […] nous avons fait participer les autorités au colloque sur l’émigration que nous avons organisé les 10 et 11 mai. »

Les associations se disent par ailleurs stupéfaites devant l’absence totale de toute référence aux droit des immigrés et des Tunisiens de l’étranger dans le projet de constitution, refusant également l’article 141, qui remet en cause le caractère non religieux de l’État. Parmi les revendications de la CAIT, on trouve ainsi le droit de vote et d’éligibilité à toute élection, notamment présidentielle ou parlementaire, ainsi que le droit à une Haute instance consultative.

La députée dissidente de l’opposition, Nadia Chaâbane, et l’avocate et veuve de Chokri Belaid, Besma Khalfaoui Belaid, étaient également présentes à la conférence pour soutenir le mouvement.

Les réfugiés étrangers : privés de libertés, leur statut est toujours indéfini

En cette journée du 19 août, date de la célébration internationale de l’aide humanitaire, le sort des réfugiés du camp de Choucha ainsi que des 286 rescapés secourus au large des îles Kerkennah et de Ben Guerdane (gouvernorat de Medenine) durant la nuit du 17 au 18 août, ont également été évoqués.

Les 47 Tunisiens, présents parmi les 240 passagers naufragés de l’embarcation aux environs de Kerkennah, ne sont plus à la charge de la Garde nationale. Les 193 rescapés d’autres nationalités se trouvent désormais dans un foyer à Médenine. Quant aux 46 personnes recueillies au large de Ben Guerdane, dont douze femmes et des mineurs, ils sont actuellement au centre de rétention de Ben Guerdane.

Nicanor Haon, coordinateur au sein du projet Boats4people et porte-parole du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), a ainsi indiqué :

« En attendant que le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR) donne sa protection au gens et que des États qui ont un système d’asile, contrairement à la Tunisie, puissent les prendre en charge, nous demandons que la Tunisie donne des cartes de séjours, non pas de réfugiés, puisqu’elle n’en a pas la possibilité, mais du moins, à titre humanitaire. Cela afin de garantir les droits des personnes. »

Le membre de Boats4people a également demandé que « les lieux où sont pour l’instant privés de liberté ces gens soient accessibles, à la fois à la société civile et à la presse, pour garantir toute la transparence du processus. »

Aucune loi en Tunisie ne permettant d’enfermer des individus de façon administrative pour des motifs d’entrée ou de séjour sur le territoire, Nicanor Haon a ainsi insisté afin « qu’aucun réfugié ne soit privé de libertés », ajoutant que ces personnes ont fourni leur identité et leurs empreintes digitales à la Garde nationale.

Le porte-parole du FTDES a par ailleurs précisé que le bateau ayant été secouru en eaux internationales, aucun citoyen, tunisien ou étranger, n’a violé la loi de 2004 sur l’entrée et le séjour irrégulier en Tunisie, et ne devrait donc être poursuivi pour ces motifs.