Bardo le 7 Septembre 2013

Communiqué

L’Observatoire Tunisien de l’Indépendance de la Magistrature (OTIM) réuni dans le cadre de son comité de direction, samedi le 7 Septembre 2013, à son siège au Bardo, après avoir examiné l’ensemble des faits de la conférence de presse organisée par l’union nationale des syndicats des forces de sécurité tunisienne le 6 Septembre 2013, notamment les déclarations du porte-parole de l’union, celles de son secrétaire général et de l’un de ses membres chargé de la commission des affaires juridiques;

Après avoir examiné l’ensemble des déclarations antérieures à la dite conférence de presse et en particulier les déclarations se rapportant à la responsabilité du pouvoir judiciaire dans le traitement des affaires liées aux actes de terrorisme (le journal « Assabah » – 09/05/2013 ) et l’appel à la mise en œuvre des procédures se rattachant à la classification d’Ansar al –Sharia en tant qu’organisation terroriste ( Mosaique FM – 09/04/2013 );

Considérant la tenue de cette conférence dans le cadre d’une campagne dirigée et marquée par l’excitation, la provocation et la volonté de semer la peur et la terreur dans l’opinion publique et l’attaque de toutes les parties de la société civile en plus du manque d’expérience et la prédominance de l’exagération dans la présentation des données , tels que:

  • La condamnation d’un nombre d’activistes des droits de l’Homme sous prétexte de leur soutien du terrorisme au nom du Droit, des libertés individuelles et des droits de l’Homme, la confirmation des données déclarées par le chef du gouvernement et le ministre de l’Intérieur et la menace de divulguer les noms des parties politiques, religieuses, partisanes, judiciaires et sécuritaire impliquées avec les terroristes et l’incitation à renvoyer les membres d’Ansar al -Sharia devant la justice pour leur appartenance à une association non autorisée.
  • Le fait d’insister particulièrement qu’un nombre de juges soit impliqué dans la libération de certains éléments terroristes, les décrivant par des adjectifs humiliants et scandaleux affectant leur réputation, commenter leur comportement et attitudes publiques et privées allant jusqu’à l’affirmation qu’un juge avait forcé sa fille à porter le niqab, la reconnaissance d’avoir observé des juges à l’intérieur de leurs voitures accompagnés d’éléments jihadistes, selon la version de l’Union, l’accusation de certains juges d’avoir incité à la violence à l’encontre d’un haut cadre de sécurité et aussi l’affirmation d’avoir suivi certains juges d’une région spécifique accompagnés d’éléments « takfiri » et qu’ils ont été interrogés pour ces délits selon la même source;
  • Soulignant la tentative des représentants de ces syndicats de persuader l’opinion publique de leur version et l’attribution des ces données à la direction de renseignement ainsi qu’aux « sources fiables » et « aux réalisations exceptionnelles de la sécurité » et la menace de divulguer des noms, des listes et des enregistrements confirmant ceci et ce, dans une démonstration de force et des capacités fictives n’ayant aucun fondement juridique;

– Premièrement: l’OTIM considère que la tenue de trois conférences de presse successives par le chef du gouvernement, le ministre de l’intérieur et l’union des syndicats des forces de sécurité, la divulgation des secrets des affaires judiciaires en cours, l’empiétement sur la compétence du pouvoir judiciaire, la remise en question de son intégrité et de sa capacité de protéger les libertés publiques et privées, le mépris pour son positionnement en tant que pouvoir, l’atteinte à la dignité des juges et la mise en danger de leur sécurité personnelle et familiale représentent une déviation sans précédent dans la relations du pouvoir judiciaire avec l’institution sécuritaire et visent à remplacer les garanties judiciaires dans la lutte contre le terrorisme par les options sécuritaires sans prendre en compte les exigences de la justice, la primauté du droit et le respect des droits de l’Homme.

– Deuxièmement : l’OTIM affirme que les accusations portées contre des activistes de droits de l’Homme, des juges et des avocats ou autres et l’incitation à leur encontre ainsi que l’intrusion a leurs vies privées passent au-delà des missions légales confiées aux agents de sécurité, aux compétences professionnelles des syndicats et a la déontologie policière interdisant l’exploitation des positions et exigeant le sens de responsabilité.

– Troisièmement: l’OTIM exprime sa grande surprise pour la reconnaissance des organisateurs de la conférence de presse d’avoir poursuivi et espionné des juges et la mise en évidence de leur vies privées, considère ceci incompatible avec les obligations légales et les exigences d’intégrité et du respect tout en rappellent les pratiques de l’Etat policier sous l’ancien régime.

– Quatrièmement: l’OTIM dénonce les tentatives de pression sur les juges d’instruction et la diffusion d’informations secrètes et la divulgation des allégations visant à influencer l’opinion publique et les intérêts des parties concernées par les affaires judiciaires en cours, telles que la remise en question de la pertinence de la libération de quatre suspects dans l’affaire de l’assassinat du martyr Mohammed Brahmi sans considérer que la libération demeure de la compétence du pouvoir judiciaire et revêt un aspect temporaire tout en restant susceptible de révision et des recoures auprès de la chambre d’accusation.

– Cinquièmement: l’OTIM estime que le fait de renoncer par le ministère de l’Intérieur à commenter ces déclarations irresponsables et touchant ses prérogatives et l’absence de clarification de la part du ministère de la Justice pourrait ouvrir la porte à l’atteinte aux droits humains au nom de la lutte contre le terrorisme.

– Sixièmement: l’OTIM attire l’attention quant aux conséquences de l’atteinte au pouvoir judiciaire et l’obstruction a la justice et souligne la nécessité de faire engager les responsabilités pour les différentes violations commises au cours de la conférence de presse.

– Septièmement: l’OTIM appelle les autorités officielles et les composantes de la société civile à soutenir les garanties de l’indépendance de la justice et à protéger les juges contre les diverses violations.

Observatoire Tunisien de l’Indépendance de la Magistrature

Le président Ahmed RAHMOUNI