« C’est la guerre », disait Azyz Amami …

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Image source: Tunisian Girl

Le petit appartement des Amami est devenu le point de chute d’un groupe de jeunes et de militants en état d’alerte, qui viennent s’informer sur les actions à venir pour la libération de Azyz Amami. Le mot d’ordre est la libération du « prisonnier », mais pas seulement. Il s’agit aussi et surtout de « continuer la révolution et de rectifier l’itinéraire révolutionnaire ». Après le choc et l’indignation, c’est la détermination qui nourrit, désormais, les discussions. « Merci à Azyz, car aujourd’hui nous n’avons plus aucun doute que l’Etat policier est toujours là ! Notre priorité est maintenant claire : la révolution ! », crie un des camarades de Azyz.

Khaled Amami, le père de Azyz, s’est installé dans une chambre à côté du salon. « C’est la cellule de pilotage », dit-t-il avec un sourire amer, désignant les trois ordinateurs installés dans la pièce. Ici, Azyz avait l’habitude d’écrire et d’organiser ses actions. Ce jeune trentenaire qui, sans le vouloir, est devenu une icône de la révolution, n’a pas arrêté de se démener pour soutenir les victimes de la violence policière, les démunis et les opprimés. Après son engagement dans l’affaire des martyrs et des blessés de la révolution et son soutien aux prisonniers d’opinion, dont les rappeurs Weld el 15 et Klay BBJ, ainsi que Jabeur Mejri et Sabri Mraihi, Azyz s’est focalisé sur l’affaire des jeunes poursuivis en justice pour avoir participé à la révolution, en 2011. Cette mobilisation que Azyz et ses camarades ont appelé : « Moi aussi, j’ai brulé un poste de police », serait à l’origine de son arrestation, comme le pensent ses partisans. Les arguments sont incontestables et le contexte ne laisse personne indifférent, surtout en visionnant la dernière apparition télévisée de Azyz, au cours de laquelle il a accusé les policiers de la Goulette d’avoir incendié leur propre poste afin de détruire des archives. Ce sont ces mêmes policiers qui ont arrêté Azyz et Sabri, lors d’un contrôle de routine, en les accusant de détenir une grosse quantité de cannabis.

En bas de l’immeuble des Amami, des dizaines de policiers en civil rodent à pied ou en voiture et tentent de provoquer leurs jeunes « adversaires ». « Depuis son arrestation, le contrôle d’identité est devenu régulier en bas de chez Azyz, avec en sus des regards haineux et même des insultes. Et après ça, on veut nous faire croire qu’on est sympathique », ironise Skander Ben Hamda, un des camarades de Azyz, arrêté avec lui, à l’époque de Ben Ali, pour son activisme. « Sympathique » est le qualificatif utilisé par le premier ministre qui commentait, récemment, l’arrestation de Azyz Amami. Mais les jeunes considèrent ce mot comme une insulte.

« Ils veulent faire croire à l’opinion publique qu’il s’agit seulement d’une affaire de cannabis, que Azyz sera le symbole de la contestation de la loi 52 qui va bientôt être réformée et que le dossier doit être clos avec la réforme de cette loi. Or, Azyz s’est fait arrêter pour son militantisme et non pas pour la zatla », proteste Amal Amraoui, membre de l’initiative « prisonnier 52 ».

« Sympathique » et « loi 52 » ne peuvent pas résumer l’affaire de Azyz. Son arrestation est une preuve de plus de l’acharnement contre la liberté d’expression et le droit à la contestation, faisant, ainsi, de lui le porte-voix de ceux qui dénoncent une transition politique vidée de son sens, et qui continuent à pointer de doigt la violence policière, l’injustice, la corruption et la défaillance judiciaire.

« Son incarcération est une attaque directe à notre révolution », estime Ines Tlili, militante et amie du détenu.

Alors que les partis politiques, les députés de l’ANC et le gouvernement continuent à multiplier les déclarations de soutien aux deux jeunes détenus Azyz Amami et Sabri Ben Mlouka, le ministère de l’Intérieur n’a épargné aucun effort pour réprimer, encore une fois, les jeunes mobilisés pour leur libération. Durant le weekend du 17 au 18 mai, des jeunes se sont fait sauvagement violenter dans la rue par les policiers, suite un rassemblement pacifique. Les vidéos sur la brutalité de la police ont fait le tour des réseaux sociaux, sans susciter aucune réaction du ministère de l’Intérieur. Dimanche soir, d’autres jeunes « graffeurs » ont été arrêtés et embarqués pour avoir tagué des slogans révolutionnaires sur les murs de Tunis.

L’acharnement policier contre les jeunes de la révolution bat son plein, depuis des mois. Les procès et poursuites contre les jeunes de Regueb, Bouzayen et Meknassi sont toujours en cours. Lundi 19 mai, la police a fait une descente pour arrêter Khaled Amri, frère du martyr Mohamed Amri, originaire de Thala, pour avoir brulé un poste de police, durant la révolution. Comme lui, des centaines de jeunes sont traduits en justice ou vivent cachés pour avoir mené des actions de résistance pacifiques, durant ou après la révolution.

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Un ras-le-bol général semble s’emparer des esprits, exacerbés par les injustices vécues par les familles des martyrs et des blessés de la révolution. Lundi dernier, en pleine Avenue Habib Bourguiba, un des blessés de la révolution a tenté de se pendre devant le Théâtre Municipal. Bouche cousue, le jeune a perdu connaissance au milieu de la foule qui l’a sauvé. Le drapeau de la Tunisie autour de son maigre corps n’a pas laissé de doute. Ce jeune ne demande pas une augmentation de salaire, mais seulement le retour de l’espoir.

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Le 23 mai prochain, se tiendra le procès d’Azyz et Sabri au tribunal de première instance de Tunis. Entre temps, la mobilisation pour « les jeunes de la révolution » a été bloquée par les autorités. Deux événements organisés par la société civile, à Tunis, ont été annulés à la dernière minute. À Bizerte, des heurts ont eu lieu entre les forces de l’ordre et des citoyens, suite à l’annulation d’une rencontre de soutien aux détenus, prévue à la maison de la Culture, sous prétexte que c’est un événement politique. Sachant que ce même lieu a servi d’espace de manifestation à plusieurs partis politiques, les doutes sur une réelle régression, en termes de libertés et d’acharnement contre la légitimité « révolutionnaire », ne sont plus permis.

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