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Le verdict des élections européennes est tombé marquant l’irrésistible dérive vers le populisme et la xénophobie qu’on attendait. Certes, il souligne surtout le ras-le-bol populaire d’une politique écervelée des élites au pouvoir, plus préoccupées de leurs intérêts de carrière et de ceux d’un marché réduit aux marchandises que des humains, premiers acteurs de ce marché.

Il souligne aussi la démission des consciences libres face à la montée de la démagogie et les machineries des mythes les plus saugrenus, comme celui de l’islamisation de l’Europe dont on use en cache-sexe pour le « nazisme mental » rampant voulant faire de l’Europe une casemate.

Pourtant, on prétend édifier la paix et on sait que rien ne peut vivre s’il ne bouge, s’il ne demeure ouvert à la circulation des idées et de leurs porteurs ! Et c’est bien cela le libéralisme dont on se réclame tout en l’émasculant de ce qui fait sa vigueur, la libre circulation humaine, véritable moteur de la création des richesses.

La complicité des élites du Sud

Il m’importe moins de parler, cependant, de cette responsabilité, quoique éminente, des Européens, car cela ne regarde qu’eux, même si le regard étranger est toujours porteur de vérité sur les turpitudes que l’on ne voit que chez notre prochain, mais aussi à travers son regard.

Ce qui importe ici, c’est de m’intéresser au comportement des populations visées, directement et indirectement, par le tsunami européen aux relents racistes, et de cibler surtout l’attitude des élites des pays du Sud sans la honteuse complicité desquelles nulle politique européenne en Méditerranée n’est possible.

Ces élites sont même plus coupables à mes yeux que celles du Nord. Quand on crie au feu, il est plus efficace de lutter contre l’incendie par des actes concrets que d’en chercher immédiatement la cause pour l’éliminer, au prétexte que la science enseigne qu’il n’est nul effet sans une cause. Or, il n’est que trop évident que la cause du délitement des valeurs occidentales est dans une fausse appréhension des réalités, qu’elles soient politiques, sociologiques, économiques ou culturelles. Parmi elles figurent les restrictions à la libre circulation qui est une totale ineptie. Que cette prétendue solution ait été envisagée par le Nord et qu’elle soit imposée par lui selon une courte vue entendant défendre ses intérêts immédiats n’est point le problème. Celui-ci est dans le fait que les élites du Sud cautionnent une telle politique sans fondement, sacrifiant l’essentiel à l’accessoire.

L’essentiel est bien sûr la paix et la sécurité, la lutte contre les filières maffieuses et l’immigration clandestine. Or, il est plus que prouvé le plus scientifiquement aujourd’hui que c’est la fermeture des frontières qui est derrière tous les maux que l’on excipe comme justification d’une politique migratoire insensée, désormais productrice de drames, et même à cadence industrielle.

Au lieu de s’opposer à une telle politique, les élites du Sud s’empressent d’aller dans son sens, lui donnant consistance et réalité. Pourtant, il suffit que les politiques des pays du Sud, notamment ceux du pourtour méditerranéen, premiers concerné par la honteuse pratique des boat people, menacent de suspendre toute compromission avec l’Europe dans son inique système Frontex. Refuser ce mécanisme tout aussi inutile que criminogène, permettra sinon changer la situation, du moins d’amener la question en débat, à la discussion en vue de chercher une solution plus efficace tout en étant éthique. Et qui cherche trouve, pour peu qu’il le veuille bien !

L’arme efficace du visa biométrique de circulation

Une telle solution existe; c’est même une arme de destruction massive contre la clandestinité et les filières de trafic humain et d’exploitation de la misère; c’est celle que je propose depuis longtemps et qui est en mesure d’éradiquer la clandestinité.

Je propose de substituer à la pratique du visa actuel, devenu inefficace et obsolète, celle d’un visa biométrique de circulation, respectueux à la fois de la libre circulation et des réquisits sécuritaires. J’appelle, en effet, à la création d’un espace de démocratie méditerranéenne entre les démocraties de la rive Nord et tout pays accédant à la démocratie au Sud. C’est la seule façon de consolider la transition démocratique qui ne saurait réussir sans être articulée à un système ayant fait ses preuves. C’est le cas de la Tunisie dont la situation est extrêmement fragile tout en étant sérieusement prometteuse d’une nouvelle donne en terre arabe islamique.

J’appelle les autorités tunisiennes depuis le Coup du peuple de janvier 2011 à exiger comme un acquis de la révolution de leur peuple la délivrance aux ressortissants tunisiens d’un visa biométrique de circulation pour le libre mouvement en Méditerranée, tout en étant respectueux des réquisits sécuritaires incontournables.

Le système que je préconise est le mécanisme idéal pour concilier entre les exigences de sécurité et une circulation sans entraves qui sera propice à donner un coup de pouce salutaire à l’économie dans la région tout en y consolidant l’État de droit. Or, on ne le sait que trop, il n’est nulle prospérité, nulle légalité sans paix en des horizons ouverts.

Il n’est point de différence technique, sinon de par l’esprit et la philosophie, entre la solution que je propose et le système liberticide actuel. Outre le respect de l’un des droits les plus éminents de l’Homme — qui n’est pas moins le plus violé —, mon système garantit une circulation libre sur une période de temps plus ou moins long, se faisant exactement dans les conditions sécuritaires présentes présidant à la délivrance du visa actuel, sans toutefois les exactions et les abus qui accompagnent la délivrance du visa de nos jours.

Qu’est-ce qui s’opposerait donc à la mise en œuvre d’une telle solution ? Est-ce le fait que la délivrance du visa deviendrait un droit octroyé aux Tunisiens ? Ne l’ont-ils pas mérité en érigeant un modèle politique nouveau en mesure de se généraliser dans le monde arabo-islamique, servant la cause de la paix dans le monde ? À moins que ce soit le fait que le bénéficiaire du nouveau visa puisse faire librement un certain nombre d’entrées et de sorties, non un seul, ce qui est généralement le cas avec le visa d’aujourd’hui ? À part que, outre de bousculer des habitudes dont on ne comprend plus le sens, en quoi cela gênerait-il les mesures de sécurité présidant actuellement à la délivrance du visa, qui demeureront les mêmes et toujours en application ?

S’il est temps d’en finir avec l’hypocrisie d’une politique migratoire responsable des maux que viennent mettre en évidence les dernières élections en Europe, c’est moins aux autorités européennes d’agir en premier qu’à celles du Sud, et de la Tunisie en particulier, pour initier le mouvement de révolution mentale qui s’impose à tous. Il est temps d’en finir avec les slogans creux de l’amitié privilégiée, des statuts plus ou moins trompeurs les uns que les autres saupoudrant de poudre de perlimpinpin l’état mortifère et tragique de l’immobilité actuelle.

Il est temps d’innover en politique et d’en transfigurer les aspects les plus désuets; une diplomatie inspirée, qui soit de son temps, est donc impérative. Cela incombe d’abord et avant tout à la diplomatie des pays du Sud et à leur tête au dernier rallié au concert des démocraties : la Tunisie.

Que M. le ministre des Affaires étrangères tunisien en apporte la preuve, se faisant la voix nécessaire du juste pour ouvrir la voie de l’avenir inévitable, celui d’une Méditerranée libre à la circulation des hommes tout autant que des marchandises ! Le sort de la révolution tunisienne, mais aussi celui du libéralisme en cette région du monde, le mandent et le commandent.