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C’est fait. Au terme d’un faux suspense, Béji Caïd Essebsi a officialisé vendredi sa candidature aux élections présidentielles. Pour ce faire, il a choisi le magazine Leaders qui titre : « J’irai jusqu’au bout ! »… Tout un programme. À 88 ans, 93 ans en fin de mandat s’il venait à être élu, le nonagénaire irait en effet littéralement jusqu’au bout. Un temps donné pour forfait au profit d’autres hommes du sérail « fréquentables » tels que Kamel Morjène ou Mustapha Kamel Nabli, Essebsi met donc fin à toutes sortes de spéculations.

Dans un très convenu reportage sur papier glacé, on peut lire notamment : « Visé par une campagne de déstabilisation essayant de saper les fondements de son parti, il en fait fi. Fortement menacé par un attentat qui le cible personnellement pour torpiller les élections, il redouble de foi et s’en remet à Dieu »… Amen !

On pensait révolue cette presse du plébiscite lustrant, fascinée par les hommes de pouvoir, mais les publi-reportages politiques ont encore manifestement de beaux jours devant eux.

Tout au long de la semaine écoulée, lors des marches de dépôts des candidatures, le parti a perpétué une recette com’ folklorique pensée par l’artiste identitaire Fadhel el Jaziri, en ressortant des instruments du terroir associés dans l’imaginaire collectif aux courbettes d’antan.

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Le défilé de Tunis 1 fera date, ayant accumulé toutes sortes de clichés presque provocateurs, de la pause à Bab Mnara pour saluer le ministère de la Défense, à l’accoutrement haut en couleur de l’ex-membre du comité central du RCD Raouf Khammassi, en passant par l’acclamation de Hafedh Caïd Essebsi en héritier adulé.

« Indépendants partisans », le deux poids deux mesures

Sans fracas, Ennahdha a mimé l’idée des marches festives vers l’ISIE, le vacarme en moins.

Signe que le parti à référentiel islamiste se normalise, voire se banalise, le ralliement d’un certain nombre d’hommes d’affaires ainsi que de celui de l’ex-ministre provisoire de la Justice Nadhir Ben Ammou restera comme l’un des faits marquants de ces listes électorales.

Dans la circonscription Tunis 2, cette dynamique nouvelle est incarnée par Aroua Ben Abbes, deuxième de liste, architecte et nouvelle égérie du mouvement.

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Tollé dans la presse spécialisée dans le Ennahdha-bashing, tout aussi scandalisée par la candidature de l’ancien ministre de la Culture Ezzedine Bechaouech sous l’étiquette CPR à Tunis 2.

Effarouchés, figés dans une posture orthodoxe d’avant révolution, certains esprits n’arrivent pas à concevoir que notables et capitaines de l’industrie puissent intégrer « l’ordre nouveau ». Pourtant, les mêmes n’avaient pas sourcillé face au ralliement à Nidaa Tounes de plusieurs acteurs du dialogue national dont Mohammed Ennaceur, ainsi que la proximité d’un Chawki Tabib avec le Front Populaire.

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À France Nord, le contraste est saisissant entre l’audace du choix de Sayida Ounissi, jeune doctorante Ennahdha qui succède à de grands noms du parti, et Marwen Felfel (qui défendait le régime de Ben Ali la veille de sa chute) ex jeune RCD qui dépose la liste Nidaa Tounes à Paris, non sans avoir été doublé par une liste Nidaa dissidente.

Quelques semaines après avoir généreusement fait don de deux véhicules de luxe à Béji Caïd Essebsi, les Émirats Arabes Unis ont bombardé à deux reprises les positions des rebelles libyens à Tripoli, avec l’aide logistique de l’Égypte d’al Sissi. Un zèle qui ne laisse aucun doute sur la férocité des contre-révolutions dans la volonté de sauvegarde de leurs intérêts.

Au moment où en précampagne l’argument de « la compétence » (connaissances en économie, capacité de gestion des rouages de l’État, etc.) est sur toutes les lèvres, les prochains locataires de Carthage et de la Kasbah hériteront d’un taux de croissance revu à la baisse de 2%, ironique cadeau empoisonné des fameux technocrates.