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Samedi 4 octobre, il est minuit, les colleurs d’affiches d’Ennahdha et Nidaa Tounes, les deux favoris des législatives, sont déjà déployés en nombre et s’activent devant les murs et les panneaux d’affichage. Mais Nidaa part avec un handicap : le dernier dérapage en date de son vieillissant leader ne passe pas. Sexisme, méconnaissance du contenu de son propre programme, superstition et contes de mausolées… le style et les idées de Béji Caïd Essebsi lassent jusque dans les rangs de son parti.

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Jeudi 2 octobre, présentation du programme de Nidaa Tounes dans un cadre cossu, un programme qui n’intéresse en vérité pas grand monde dans ce type de partis non idéologiques. La diapo intéresse d’autant moins l’audience que ce qui occupe tous les esprits, « the elephant in the room », ce sont les déclarations misogynes du chef la veille à propos de Meherzia Labidi, première vice-présidente de l’Assemblée. « Ce n’est qu’une femme »… La formule restera dans les annales.

Comme lors du parachutage de son fils, on nous assure que le patriarche va s’expliquer, que « si el Béji » fera le nécessaire, d’après une cour d’intellectuel(le)s qui se contorsionnent pour interpréter ses propos : galanterie incomprise, réflexe de bourgeois gentilhomme… même la discrimination positive et faussement égalitaire est invoquée par une partie de l’intelligentsia moderniste pour absoudre BCE.

Lorsqu’il monte à la tribune, l’octogénaire tente d’évacuer d’emblée la polémique grandissante, mais quand vient le moment de désigner l’intéressée, Essebsi mime son voile islamique par un geste méprisant de la main… On ne se refait pas. Chaque fois qu’il tente de se rattraper, l’homme s’enfonce, signe que son discours, si tant est qu’il soit lucide, atteint ses limites.

L’incident est plus généralement symptomatique de l’avance prise par l’islam politique sur la pensée destourienne arrogante, figée dans le temps, dormant sur les lauriers d’une modernité ornementale et n’ayant jamais daigné évoluer.

Si bien que même l’AFTD renoue avec le militantisme anti paternaliste via un communiqué condamnant fermement vendredi la bévue, titré sans détours « Assez méprisé la femme et le peuple tunisien », désavouant au passage sa propre ex présidente désormais dans le leadership Nidaa.

Quoi qu’il advienne, les dirigeants du parti continueront à vendre l’idée selon laquelle Nidaa Tounes oppose la « modernité » au « passéisme rétrograde », en contradiction avec les faits qui donnent à voir un courant qui oppose davantage une tradition et un folklore proverbial tunisois à des formations à référentiel islamique.

Du reste, celles-ci se gardent bien du takfir, consistant à désigner publiquement d’« incroyants » ses adversaires politiques, comme l’a proféré Béji Caïd Essebsi lors de la même émission au sujet des alliés de la troïka.

Un malheur n’arrivant jamais seul, le 3 octobre, les bureaux Nidaa Tounes de trois grands quartiers défavorisés des faubourgs de la capitale se rebellent en déposant une démission collective. Les coordinations de Sidi Hassine Sijoumi, Mellassine, et Hay Hlel mettent en scène leur départ dans un message vidéo assimilant leur ex parti au « retour du RCD », même si certains pensent que les jeunes en question ont été récupérés par l’UPL de Slim Riahi, un parti qui reprenait récemment lui-même tous les codes de l’ex RCD.

Au moment où l’on apprend que le nombre de Tunisiennes inscrites sur les listes électorales a dépassé celui des hommes, le parti de Béji Caïd Essebsi pourrait payer cash toute mise à dos de l’électorat féminin. A moins que Mohamed Ghariani, qui refaisait cette semaine, malgré les démentis, une apparition remarquée dans le staff Nidaa, ne trouve la parade en « relevant les défis », comme au bon vieux temps.