Si je ne me trompe pas, sur la scène politique, on aurait donc la configuration suivante (même si BCE persiste à assigner «Autres» à Ennahdha) :
- Nidaa
- Ennahdha
- Autres
Au niveau des « Autres », on a pas mal de partis qui sont, plus ou moins, attachés aux 2 premiers :
- Attachés à Nidaa
- Attachés à Ennahdha
- Attachés à Autres
a. Massar et, plus généralement, l’UPT, dont Nidaa fait en théorie partie;
b. Moubadara, à qui on a déjà proposé de joindre l’UPT;
c. Afek Tounès, dont l’alliance avec Nidaa, après les élections, a été avancée;
d. Jabha, bien que parfois distante de Nidaa, s’allierait volontairement à ce dernier, ne serait-ce que pour contrer une autre coalition menée par Ennahdha.
On pourrait facilement prévoir une coalition, après les élections (et donc au Parlement), autour de l’UPT, à quelques nuances près : Afek semble être le parti le moins attaché à cette structure; Jabha, de son côté, peut être considéré comme un parti volatile : peut joindre ou quitter la structure, suivant ses intérêts. A cela, on devrait aussi envisager une autre (sous-)coalition autour de Moubadara et autres destouriens, histoire de peser un peu plus fort dans les éventuelles négociations à l’intérieur d’un UPT; ou d’agir comme arbitre sur la scène, en joignant ses voix tantôt à l’UPT, tantôt à d’autres regroupements.
a. ex-CPR, c’est-à-dire Cpr+Wafa+Attayar(Abbou), si nécessaire (à l’instar de Jabha vis-à-vis de Nidaa);
b. Ettakatol, si nécessaire (à l’instar de Jabha vis-à-vis de Nidaa).
À cela, il faudrait éventuellement considérer Joumhouri qui pourrait, cette fois-ci, décider de participer à un gouvernement d’union nationale.
Par ailleurs, à la place de s’attacher à l’un des 2 partis que sont Nidaa et Ennahdha, il y aurait aussi la possibilité de voir se constituer une troisième coalition regroupant les « Autres » :
a. Alliance démocratique : c’est clairement le parti qui s’est le plus distingué de Nidaa et d’Ennahdha ;
b. Joumhouri, dont est issu l’Alliance démocratique!
c. Ettakatol qui aurait une affinité naturelle avec le groupe;
d. le sous-groupe représentant l’ex-CPR qui, du moment que l’on lui garantisse des objectifs compatibles à ceux du changement entamé le 14, ne devrait pas se sentir étranger à un tel groupe;
e. Afek Tounès : il semble possible de voir Afek rejoindre ce pôle et laisser définitivement derrière lui ce qui symboliserait l’ancien régime.
Bien sûr, d’autres partis existent sur la scène, et pourraient bonifier l’un de ces 3 groupes/partis que sont Nidaa, Ennahdha et la troisième coalition regroupant les « Autres ».
Conséquences
De cette description personnelle des faits, on peut conclure que, quel que soit le score de Nidaa ou d’Ennahdha, ce sera le score (le poids) de la troisième voie qui viendra, dans un 2ème temps, apporter un certain équilibre au paysage politique des 5 prochaines années. En considérant un poids pertinent pour cette troisième voie, celle-ci viendrait, en cas de victoire de :
– Nidaa, contrer les éventuelles tentations de retour en arrière relativement au chemin démocratique tracé depuis le 14;
– Ennahdha, apporter un bien meilleur équilibre que celui subi par Cpr et Ettakatol dans la feu-troïka d’après le 23, et ainsi contrer d’éventuelles tentations …
Ainsi, de mon point de vue :
i. voter pour Nidaa, Massar, Moubadara (et autres partis destouriens) et Jabha irait dans le sens du renforcement d’un futur bloc où l’ancien pouvoir aura certainement le plus d’influence sur les décisions (Jabha, tant qu’elle aura en face d’elle des islamistes, acceptera de suivre le troupeau, même si ça irait à l’encontre de ses convictions);
ii. voter pour l’Alliance démocratique, Joumhouri, Ettakatol, ex-CPR et Afek irait dans le sens du renforcement d’un futur bloc du centre (relativement à Nidaa et co. et Ennahdha) qui ne pourrait qu’apporter de l’équilibre sur la scène.
Dans le cas de figure où les votes iront majoritairement au groupe du centre (ii), au détriment de Nidaa et co. (i), on pourrait même espérer voir un bloc du centre égaler Ennahdha, voire le surpasser : dans un futur gouvernement d’union nationale, ça pourrait avoir un impact certain, surtout si le groupe regroupant cette alliance du centre décide rapidement, après les élections, de se présenter uni pour discuter avec Ennahdha dans l’optique de ce futur gouvernement. On pourrait même envisager un possible ralliement d’une partie de Jabha, ne serait que pour renforcer davantage cette voie du centre!
Dans le cas de figure où les votes iront majoritairement à Nidaa et co., au détriment d’une alliance du centre, on serait face à 2 scénarios possibles :
- Nidaa gagne les élections :
- Ennahdha gagne les élections :
a. dans le cas où son union avec cette alliance dépasserait les 50% au Parlement, et leur permettrait ainsi de gouverner, Nidaa pourra alors appliquer son programme avec une résistance faible de leurs partenaires, au même titre que Cpr et Ettakatol l’ont été avec Ennadha dans la cadre de la troïka;
b.dans le cas contraire, il pourra s’allier avec Ennahdha pour une orientation très bidon du processus démocratique du pays;
a. elle pourrait alors rééditer la troïka de 2011 avec une alliance du centre (des partenaires) faible(s);
b. elle pourrait s’allier avec Nidaa …
En conclusion, de mon point de vue, dans tous les cas, il est pertinent et souhaitable de voter pour des partis qu’on pourrait voir former une alliance du centre, et qui pourraient apporter un réel équilibre au pays! Prévoyant une certaine débâcle de Nidaa (relativement à ce qui est avancé par les «sondages» et autres «experts»), votez utile consisterait pour moi à voter pour cette voie du centre!
Vous l’aurez compris, il s’agit en fait de mon last call pour une troisième voie !
Cher Monsieur,
Je suis désolé de vous dire que votre démonstration est vaine et vide de sens. Pourquoi?
Ben, tout simplement parce que la loi électorale (particulièrement le mode de scrutin), les dysfonctionnements de l’ISIE (particulièrement la large hégémonie d’Ennahdha et Nidaa sur les bureaux de votes et les IRIEs) ainsi que la forte bipolarisation ressentie dans la rue entre ces deux “grands” loups hégémoniques et anti-démocratiques (qui sont Ennahdha et Nidaa RCD) font que le groupe “Autres” n’existe réellement pas! En effet, ces deux “grands” loups mafieux et anti-républicains vont à coup sûr rafler ensemble entre 70 et 80% des voix déclarées. Les autres partis et coalitions se partageront les 30 à 20% restants ce qui donnera au meilleur des cas, 10% au troisième parti. Vous imaginez qu’avec 10%, vous pouvez vous opposer à la politique d’un parti qui a eu 40% des voix?
Nous avons eu une démonstration éloquente en 2011 quand au partage du pouvoir. Le parti victorieux rassemble des partis-charognards autour de lui qui boucleront sa majorité. Il prend en otage les responsables de ces petits partis-charognards en nommant leurs figures clés dans des postes remarquables mais sans aucune réelle influence sur la politique menée par son gouvernement. En cas d’opposition de la part de ces charognards, vous verrez le parti majoritaire les menacer de limogeage ce qui les contraint finalement à la fermer et à rentrer dans les rangs. C’était le cas de notre Tartour national qui a du la boucler durant l’affaire de Baghdadi Mahmoudi quand Sahbi Atig l’a menacé d’une motion de censure visant à l’expulser de Carthage. C’était aussi le cas de Mustapha Ben Jaafer qui a été aussi contraint à faire profil bas en août 2013 à la suite des menaces de destitution exprimées par le caucus nahdhaouis à son égard pour avoir suspendu les travaux du l’assemblé nationale des corrompus! Vous allez probablement me dire qu’avec Nidaa, ça sera autre chose! Non, Nidaa RCD a exploité UPT, Jomhouri et Jabha à fond. Une fois, il a atteint ses objectifs, il les a envoyé tous balader. Il n’a pas uniquement refusé une coalition électorale avec eux mais a même traîné Zenbawi et Cie dans la boue et a discrédité Massar à plusieurs reprises. Celui qui fait tout cela alors qu’il est hors du pouvoir, il fera pire quand il aura les rênes du pays entre les mains. Ce que j’avance sont des faits avérés!
Dans le nouvel ordre établi par la constitution et loi électorale nahdhaouies, il n’y a et n’y aura jamais un groupe “Autres” effectif! Il y a et y aura toujours des partis-mercenaires et charognards qui vendront le peu de voix qu’ils ont acquis au plus offrant des deux “grands” partis-loups contre des avantages de tout genre (postes, passes-droits, etc.). Et ceux-là n’auront absolument dans la pratique aucun mais vraiment aucun impact sur la politique du parti majoritaire. Seul problème, ils serviront à chaque fois d’airbags à celui qui gouverne et encaisseront par suite la majorité des dégâts (En tout cas, c’est bien fait pour leurs gueules!). Aujourd’hui, Ennahdha avance qu’elle n’a pas gouverné toute seule alors que dans les faits elle n’a jamais partagé le pouvoir avec qui que ce soit, qu’il soit à Bardo, à El Kasbah ou même à Carthage. Ses “alliés” ou plus précisément mercenaires (Ettakatol/CPR) étaient toujours appelés à faire le sale boulot pour elle. Et aujourd’hui, ils paient le plus lourd tribut à cause de cela. En tout cas, ils le méritent amplement. Ce qui est le plus rigolo dans l’affaire c’est que même Ennahdha les a royalement jeté après les avoir utilisé. Le discours Zitoun/Bhiri et Cie contre la réélection de notre Tartour national et sa compagnie Blackwater/CPR est un cas d’école en la matière. Et ça sera toujours comme ça qu’il soit question d’Ennahdha ou Nidaa RCD!
Cher M. Tounsi (l’original),
Tout d’abord, relativement à votre 1er paragraphe, il n’est pas sûr qu’une alliance du centre n’obtienne que 10% des sièges. Vous vous référez au mode de scrutin, considérons alors les résultats de 2011 :
– Ennahdha : 37%
– CPR (8,7%) + Ettakatol (7%) + PDP (4%) + Afèk (2%) = près de 22%
Ça, c’est en 2011 …
Le problème en 2011 était double :
– le CPR et Ettakatol n’ont pas formé une alliance pour négocier d’une seule voix avec Ennadha (dans le cadre du partage du pouvoir dans la troïka);
– pire, PDP, Afek et autres partis possiblement du centre, ont laissé seuls le CPR et Ettakatol. Ensembles, ils auraient formé plus de 22% des sièges, bien mieux qu’un 8,7% ou un 7% isolé.
Aussi, vous estimez que Nidaa pourrait rafler 30 à 40% : j’ai certains doutes à ce sujet. En fait, même s’il pouvait rafler une part des sièges, mon article est justement motivée par le fait que je juge plus utile de voter, par conviction, aux partis que je qualifie de centre afin de renforcer et d’améliorer les scores de 2011 : aller chercher bien plus que 22% (en terme de regroupement de sièges). Le pari de Nidaa est justement d’aller chercher le maximum de ce centre, notamment d’Afek, de Joumhouri, de l’Alliance démocratique, d’Ettakatol, voire du Massar (UPT). Aller chercher ces éventuelles voix pour les ajouter à quelles voix!? On oublie assez vite que Nidaa n’a pas de base claire à partir de laquelle elle pourrait y ajouter des voix d’ailleurs. En 2011, oui, les partisans d’Ennahdha ont mis le paquet pour voter en masse; on oublie pourtant que ceux de l’ex-pouvoir ont en fait autant avec les partis qui pouvaient les accueillir (Moubadara) : on connait les résultats.
Concernant votre 2ème paragraphe, encore une fois, le problème du partage du pouvoir est principalement dû à la faiblesse (en terme de sièges) de la paire CPR et Ettakatol, considérés chacun individuellement, face à un Ennahdha fort de ses 37% de sièges. Concernant le Président de la République, il est clair qu’il ne disposait pas d’un pouvoir équivalent à celui du gouvernement et de l’ANC. En Italie, en Allemagne, et dans d’autres pays avec un pouvoir de type parlementaire, on se demande rarement ce genre de questions : le Président a un rôle plutôt symbolique, rassembleur, etc.
Plus spécifiquement, le pouvoir était principalement détenu à l’ANC, structure où le parti Ennahdha était fort (il lui suffisait d’aller chercher 14% de voix pour disposer du 50+1% nécessaire à toute décision). Alors, à qui la faute!? Et bien :
1- aux électeurs qui éparpillent inefficacement leur voix;
2- aux partis, qui n’arrivent pas à former d’alliance pour équilibrer le paysage.
(en résumé, on a que ce qu’on mérite)
Encore une fois, j’appelle tous nos concitoyens à penser à ces partis du centre, à renforcer leur score de 2011 (Joumhouri, Ettakatol et Afel pourraient aller chercher bien plus que 2011), car c’est utile, il y a des chances qu’on se retrouve avec un ensemble de partis qui, réunis, pourraient former un pôle qui aurait un poids certain et conséquent (face à Ennahdha).
Concernant les relations entre Nidaa, Jabha, Joumhouri et Massar, je pense qu’ils se sont tous utilisés mutuellement. En fait, Nidaa avait besoin de partenaires disparates afin de noyer l’aspect tajamou3 du parti. D’un autre côté, les petits partis (en terme de sièges), avaient besoin de Nidaa (et de son influence perceptible sur la scène) pour former un bloc important afin de freiner l’élan de ce qui se considèrent comme révolutionnaires, i.e. ceux qui veulent tourner la page du passé (celle de Nidaa, entre autres).
> Ce que j’avance sont des faits avérés!
Je n’ai aucun mal à vous croire.
Au niveau de votre 3ème paragraphe, et bien, encore une fois, la faute à qui!? Aux électeurs, qui devraient mieux cibler les choses, et aux partis qui, faibles par leur poids, agissent sans réel pouvoir. Peut-être que si les électeurs offraient plus de poids à ces partis, verrions-nous un peu plus de raison, de coopération et d’union de leur part.
Pour terminer, concernant le Président de la République, je pense que ce qui fera un cas d’école risque d’être la distinction nette entre partisans-électeurs d’un parti et dirigeants du parti : rien ne garantit que la base suivra les conseils de leurs «élites». Si Marzouki passe au second tour et qu’un meilleur candidat, aux yeux d’Ennahdha, passe aussi, je m’attends à des surprises au 2ème tour, dans un contexte où Ennahdha appellerait à voter pour leur favori (adversaire de Marzouki). La construction de la démocratie en Tunisie suit son chemin; elle va vite, contrairement aux apparences, et on pourrait une nouvelle fois être surpris par les résultats.