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M. Naceur Khemiri nous a fait le plaidoyer du vote pour M. Marzouki. Voici donc, au nom du débat contradictoire, le réquisitoire contre la réélection du président provisoire.

Car, plus que jamais, il nous faut veiller à bien informer nos concitoyens qui sont gavés de contre-vérités et de mensonges en ce temps de confusion terrible des valeurs.

Je tiens à signaler, à ce sujet, que je fus trompé par M. Marzouki, allant jusqu’à adhérer à son parti, ne croyant pas à ce que disaient de lui ses anciens amis, privilégiant l’attitude objective comme en tout ce que je fais.

Aussi, il s’agit moins ici d’un témoignage à charge que d’une parole de vérité s’élevant contre le mensonge dont ma courte expérience au CPR m’a démontré que M. Marzouki en fait non seulement une philosophie de vie, mais une industrie tournant à plein régime.

Une argumentation bidon

M. Khemiri évalue les trois années de présidence de M. Marzouki en utilisant comme principale référence son livre intitulé L’invention d’une démocratie. C’est bien la preuve de sa subjectivité, puisqu’il use des arguments de celui qu’il juge pour le juger ; encore si c’étaient de vrais arguments !

Par contre, je ne juge M. Marzouki que sur ses actes; ce que je n’ai déjà pas manqué de faire de l’intérieur de son parti où je suis entré porteur de valeurs croyant les y retrouver puis appelant à y retourner. Or, ces valeurs n’étaient que de creux slogans !

C’est le cas de ce soi-disant combat jusqu’à la mort pour relever les trois défis que relèverait la révolution tunisienne :

Protéger et promouvoir les libertés individuelles et publiques surtout les droits de la femme : il est patent que M. Marzouki n’a rien fait dans ce domaine, se gargarisant juste de réclame, limitant les droits de la femme à celui de se voiler !

Les droits au développement économique et social : Pareillement, il n’a rien tenté sur ce plan, s’alignant sur le libéralisme sauvage de son supposé allié, et qui est son bienfaiteur, le parti Ennahdha. Même la question de l’audit de la dette fut abandonnée, bien que certaines volontés sincères au CPR (car il y en avait, trompées comme moi) aient tenté de militer sérieusement pour cette question.

Installer un Etat démocratique, en réconciliant les « deux Tunisie », rejetant aussi bien les extrémismes islamistes que les extrémismes laïques : c’est le mensonge par excellence, le fonds de commerce de M. Marzouki. En effet, s’il se présente comme laïque, il est au fond un véritable intégriste et ses actes le prouvent.

C’est donc trop facile et futile de tirer argument, comme le fait M. Khemiri, du fait que M. Marzouki ait essuyé des attaques sans y répondre. D’abord, c’est un mensonge, puisqu’il a intenté quelques procès à certains de ses détracteurs. Ensuite, c’est l’essence même de la démocratie d’accepter les critiques, d’en faire l’objet, car elle est dans l’impertinence.

M. Khemiri concède que sur le plan économique, le président provisoire a échoué; or, il avait des atouts pour réussir, constitué par les aides multiples qui ont afflué en Tunisie au lendemain de la révolution. Qu’en a-t-il fait ?

Les raisons impératives, supposées positives, pour élire M. Marzouki selon son laudateur sont donc les mêmes qui supposent pour quiconque doué de raison de ne pas l’élire, s’abstenant pour le moins s’il ne souhaite pas donner sa voix à son adversaire.

Car ni le parcours de M. Marzouki ni son programme ni l’homme qu’il est n’échappent au mensonge.

Qui est Moncef Marzouki ?

Docteur Marzouki n’est pas un vrai laïque, il est un intégriste qui se cache ; et c’est un connaisseur de l’homme qui l’affirme ! La laïcité pour lui est un pur slogan, nullement une valeur.

Toute sa campagne au premier tour a démontré d’ailleurs qu’il cherchait à exacerber le communautarisme, surtout religieux, en une Tunisie où la religion n’a jamais été autre chose qu’in pluralisme humaniste et tolérant.

La jeunesse pour lui n’est que celle qu’on trompe, exploitant sa misère, l’encourageant à l’extrémisme; et l’éducation qu’il veut pour la Tunisie est celle d’écoles dominées par le dogmatisme moralisateur de ses soutiens intégristes.

S’il a été dans sa jeunesse un homme du terroir et du terrain, il n’en a gardé que les défauts du vulgaire, transformant la vie en une jungle où la loi du plus fort doit triompher, oubliant les valeurs authentiques de nos traditions, tolérantes, hédonistes et libertaires.

S’il a eu un jour une connaissance intime des difficultés de la majorité de ses concitoyens, il les a oubliés aussitôt entré à Carthage où il s’est tellement plu qu’il ne veut plus quitter ses ors et dorures, tenant à y rester, ne plus quitter le palais. Mais qu’est-ce qui le différencie alors du dictateur qui l’y a précédé ? Si sa vie de militant ne l’a pas coupé des réalités sociales, sa voracité du pouvoir l’a fait, altérant sa conscience de la pauvreté accrue des masses de nos zawalis qu’il n’a plus partagée.

S’il sait que le vote des législatives est le fruit de l’accroissement des inégalités, il fait tout pour le contrarier en empêchant l’équipe choisie par le peuple de mener à bon port la mission que ce dernier a eu la sagesse de lui confier. Car en restant à Carthage, il fera tout pour la faire capoter, l’instabilité à la tête de l’État empêchant une sérieuse lutte contre les inégalité par la relance économique, le développement régional. Aussi, avec lui à Carthage, les élites s’entredéchireront dans un pays divisé au lieu de s’occuper de choses sérieuses, comme la nécessaire répartition des compétences ou l’accroissement du rôle des corps intermédiaires.

L’amant de Carthage

Certes, en arabo-musulman, M. Marzouki se croit entrain de défendre la Tunisie et sa souveraineté ; mais il ne fait qu’aligner la spécificité qui fait sa richesse de notre pays sur ce qu’il y a de plus mauvais en Orient. Or, la Tunisie est d’abord méditerranéenne où elle incarne le meilleur de cet Orient réduit aux turpitudes humaines qu’on veut importer au Maghreb.

Ce n’est pas la diversité que veut M. Marzouki en Tunisie, mais l’unicité idéologique, une conception rétrograde de l’islam et de sa civilisation qui fut une modernité avant la lettre. Il ne défend ni son prestige ni l’identité tunisienne, mais le retour d’une conception bédouine de l’islam que celui-ci a lui même vilipende avec virulence, et une une identité tunisienne altérée, violée par ce que condense aujourd’hui cette horreur qu’est Daech que ses partisans acclament et qui aurait ses faveurs secrètes.

On n’a donc pas le droit de parler d’humanisme pour cet homme que connu dogmatique et haineux pour l’altérité tant qu’elle ne reproduit pas sa personne, puisqu’il se prend pour le nombril du monde.

Outre l’éthique, il lui manque l’esthétique en son sens étymologique, à savoir la sensibilité d’autrui, la fusion avec son prochain, y compris l’opposé absolu, qui n’est qu’un autre soi-même.

Car cela, M. Marzouki ne sait pas le faire; c’est plus fort que tout son talent et son génie réunis, tendus tous deux vers une seule et unique ambition : être au pouvoir et tout faire pour ne plus le lâcher.

Aussi, si je confirme le propos final de M. Naceur Khemiri, mais tirant contrairement à lui la conclusion la plus juste et la plus morale, je dirais :

Oui, il est urgent que notre pays retrouve son âme !
Non, il ne faut pas voter pour celui qui n’est plus le fils du peuple, plutôt l’amant de Carthage, Moncef Marzouki !