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« Intransigeance, acharnement, sabotage … », Voilà les mots, et tant d’autres encore du même genre, que l’on entend de plus en plus pour parler de la grève légitime des enseignants. « Mais, les salaires, n’ont–ils pas été augmentés avant ? N’ont-ils pas eu gain de cause avec les gouvernements précédents ? »

1) Eh bien justement, la première raison de cette grève est que tous les accords conclus avec les gouvernements précédents n’ont pas été honorés ! Ce qui donne la désagréable impression que les enseignants demandent toujours plus, alors qu’en fait ils font du “sur place”. Ils piétinent.

Quant à la réunion récente entre le syndicat général de l’enseignement et le nouveau ministre de l’Education, si une certaine évolution concernant les revendications accordées par les gouvernements successifs a été notée, les négociations, se rapportant aux augmentations, non pas salariales, mais des modestes primes, ont buté sur un véto net.

2) Pourtant, de tous les secteurs privés et publics, y compris celui de l’enseignement supérieur, qui ont tous eu une augmentation de salaire, les salaires des enseignants du secondaire et du primaire n’ ont pas bougé d’un iota depuis des années, même s’ils constituent la couche sociale qui paye le plus d’impôts. Quand ce sujet est évoqué, les arguments ne manquent pas de pleuvoir : « Ce n’est pas le moment, le pays est en crise …» Admettons : si vraiment le pays est en crise, pourquoi les politicards qui ont élaboré la loi de finances de 2015 ont prévu une augmentation automatique des budgets des institutions de l’Etat comme le parlement et le gouvernement ? Pourtant les intéressés n’ont rien demandé vu qu’ils sont déjà très bien payés. Qu’est-ce qui aurait été plus juste ? Donner plus à ceux qui en ont déjà beaucoup ? Ou temporiser pour donner l’exemple ?

En effet, combien de fois des intox sur les réseaux sociaux affirment que nos présidents, ministres, ou députés renoncent à une partie de leurs salaires pour les caisses de l’ Etat ? Et combien de fois les Tunisiens ont été agréablement surpris pour découvrir par la suite qu’ils ont été trompés ? Pourtant, ce geste aurait été un signe fort, et les adeptes de l’argument de la crise auraient été plus crédibles par la suite.

Que tous ceux qui touchent plusieurs millions par mois fassent un signe de bonne volonté, et renoncent à ne serait-ce que 10 ou 20 % de ces millions pour le bénéfice des caisses de l’ Etat et vous verrez que les enseignants et leur syndicat vont se replier.

3) La troisième raison de cette grève, probablement la plus importante aussi, est l’élaboration d’un code ou d’une loi globale qui régit le secteur : imaginez, l’un des secteurs les plus sensibles du pays, n’a toujours pas de cadre légal pour l’administrer. Ce secteur fonctionne avec des circulaires qui se succèdent et se contredisent parfois. Mais le plus grave de tout cela, est que cet absence de cadre légal adéquat ouvre la porte, non seulement à la corruption et à la mauvaise gestion, mais à des dépassements et des situations inouïes.

C’est ainsi par exemple qu’un collège à Ennasr fonctionne avec 2 surveillants généraux, et 4 secrétaires dans un même bureau, alors que le collège pilote Menzeh 5 n’a aucune secrétaire. C’est ainsi aussi que dans ce même collège d’Ennasr les classes de 8ème comptent 35 à 38 élèves par classe, alors que les classes de la 7ème année sont formées de 22 élèves en moyenne, et spécialement une 7ème qui est même formée de 14 élèves. Pourquoi ces 14 élèves n’ont-ils pas été répartis sur les autres classes de 7ème pour ouvrir une nouvelle classe de huitième année et alléger l’effectif des autres 8ème ? Question à poser à la direction régionale de l’Ariana qui est au courant de cette pagaille mais qui ne lève pas le petit doigt pour remédier à tout ça.

4) Enfin, la quatrième revendication majeure de cette grève est la demande des enseignants de les impliquer dans tout projet de loi et de réformes concernant le secteur de l’éducation. Ce qui est vraiment nécessaire pour éviter cette cacophonie de mesures inadéquates et parfois complètement inappropriées. Comme celle que l’ancien ministre de l’Education nous a sorti, concernant la langue française qui serait dorénavant enseignée en deuxième année primaire, et la langue anglaise en troisième année primaire. Ce qui est vraiment ridicule, et nous donne le droit de nous demander : Pourquoi cette loi stupide que personne n’a réclamée ? Et qui l’a exigée ?

Pour conclure, il faudra qu’on arrête de prendre le secteur de l’éducation pour un vaste laboratoire pour les pays de l’Occident, qui officiellement nous octroient si “généreusement” des aides, mais qui officieusement exigent l’application de certains programmes ou méthodes  qu’ils veulent tester sur nos enfants avant de les utiliser sur les leurs.