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Le « Security Assistance Monitor » a publié le 21 avril dernier un rapport sur l’aide sécuritaire américaine à la Tunisie. Revenant sur l’aide US à la Tunisie depuis 2011, et se projetant sur l’aide à venir, c’est surtout les ressources contenues par ce site qui sont intéressantes à plus d’un titre.

Le « Security Assistance Monitor »

Le « Security Assistance Monitor » est une base de données répertoriant l’ensemble des documents et des informations relatives à la sécurité US et ses programmes d’assistance en matière de défense à travers le monde. Il y référence les ventes d’armes, l’aide militaire, l’aide policière, les programmes de formations et d’entrainements, mais aussi les échanges, les constructions de bases et les déploiements opérés.

Cette base de données est une œuvre conjointe du Center for International Policy en collaboration avec la Friends Committee on National Legislation, la Latin America Working Group Fund, la Project on Middle East Democracy et enfin le Washington Office on Latin America avec le support d’Open Society Foundations.

Le but de cette base de données est selon leur site d’informer :

les décideurs politiques, les médias, les universitaires, les ONG et le public (aux États-Unis et à l’étranger) sur les tendances et les questions liées à l’assistance américaine étrangère et à la sécurité…à améliorer la transparence et de promouvoir une plus grande surveillance de l’aide militaire américaine et de la police, les ventes d’armes et formation.
Notre base de données interactive compile toutes les données disponibles au public sur les programmes américains d’assistance de sécurité étrangers dans le monde de 2000 à nos jours. Recueillies à partir d’un large éventail de documents gouvernementaux, la base de données fournit des chiffres détaillés sur les ventes d’armes américaines, l’aide militaire et de la police et des programmes de formation. Security Monitor Assistance – About us.

L’assistance américaine étrangère

Selon le Security Monitor Assistance, l’aide militaire et policière Américaine globale est estimée à 17 884 782 772 dollars en moyenne entre 2009 et 2016 (les estimations pour l’année 2016 étant prises en compte). L’aide humanitaire et au développement est elle estimée à 23 388 446 241 dollars en moyenne. Les ventes d’armes ont rapportés aux USA 129 270 755 317 dollars. Enfin, les USA ont dispensé 63 872 dollars en entrainements et formations.

Les principaux récipiendaires de l’assistance militaire et policière américaine sont l’Afghanistan, Israël et l’Irak.
Ces aides militaires et policières touchent différents programmes : l’aviation, la lutte contre le terrorisme, le financement militaire étranger, les entrainements militaires internationaux, le lutte contre les stupéfiants et l’application du droit, les fonds de formations et d’équipements, la non-prolifération d’armes, le déminage, les centres régionaux d’études sécuritaires, et enfin les académies.

Les principaux bénéficiaires de l’assistance économique sont l’Afghanistan, la Syrie et le Nigéria.
Ces aides économiques concernent : les fonds de soutiens économiques, l’assistance en cas de catastrophe, l’aide international de contrôle des stupéfiants, et enfin les initiatives transitionnelles.

Les principaux attributaires des ventes d’armes sont le Japon, le Singapour et l’Arabie Saoudite.
Ces ventes d’armes représentent les ventes commerciales directes mais aussi le « Foreign Military Sales », outil américain de la politique étrangère. Il s’agit de la vente d’articles ou de services à des pays étrangers et/ou des organisations internationales de défense lorsque le président américain exprime formellement que cela renforcera la sécurité américaine ou vise à promouvoir la paix. Il s’agit d’une vente de gouvernement à gouvernement.

Les principaux bénéficiaires des programmes de formations et d’entrainements sont le Nigéria, l’Ouganda et le Burundi.
Ces programmes d’entrainements et de formations concernent : l’aviation, la lutte contre le terrorisme, les activités de gardes-côtes, diverses aides non sécuritaires du département d’Etat et du département de la Défense, les opérations de maintien de la paix, et enfin le programme appelé « section 1206 ». Celle ci concerne le soutien direct ou indirect aux opérations au sein desquels l’armée américaine participe.

Ainsi il apparait que l’aide américaine touche de façon diverses, directement ou indirectement, un large éventail de pays. Que ce soit à travers l’aide militaire ou policière, l’aide économique ou encore la vente d’armes ou les programmes d’entrainements, la politique étrangère semble trouver en chaque espace une raison, politique ou économique, d’intervenir.

Et la Tunisie dans tout cela ?

Selon le rapport publié ce mois ci sur la Tunisie, le « Security Assistance Monitor » met en avant 3 objectifs majeurs de l’aide US à la Tunisie :

1. Améliorer les capacités de lutte contre le terrorisme.

2. Renforcer la sécurité frontalière.

3. Soutenir la police et réformer la justice.

Les principaux défis de l’assistance sécuritaire américaine à La Tunisie

1. La réforme du secteur sécuritaire : Avec le soutien américain, le gouvernement tunisien a pris des mesures vers la construction d’une police et d’une Garde Nationale plus responsables, ainsi que la création de la nouvelle Commission Nationale de Prévention de la Torture et [vise à ] harmoniser leurs relations au niveau de leur commandement et de leur contrôle.
Malgré les efforts américains pour aider le ministère de l’Intérieur dans la gestion et la surveillance de la police, celui-ci n’a pas voulu fournir aux États-Unis les détails sur son budget, ainsi que sur le nombre du personnel policier, ce qui limite la capacité de fournir une assistance.

Habitués à utiliser des tactiques violentes pour assurer l’ordre public, certains policiers sont également réticents à toutes réformes, affirmant que l’usage de tactiques non-violentes entraveront leur capacité à répondre [à la menace ] extrémistes et à la violence criminelle.

A la suite un soi-disant incident, 12.000 policiers ont fait grève suite à la tentative de renvoi d’un haut fonctionnaire ministère de L‘Intérieur accusé d’avoir tiré sur des manifestants pendant la révolution. Certains syndicats de police ont également demandé que les officiers soient en mesure d’ouvrir directement le feu contre les manifestants au cas où tous les autres moyens étaient épuisés.

2. La sécurité frontalière : En plus de l’importance de réformer les forces de sécurité de la Tunisie, une stratégie engageant l’armée, la garde nationale, les douanes, les communautés frontalières et les gouvernements de l’Algérie et de la Libye est essentielle pour enrayer efficacement la circulation illicite des armes et des extrémistes dans le pays. À ce jour, la majorité de l’assistance américaine pour la sécurité des frontières a été consacrée à l’armée, qui a été réticente à partager son matériel et ses renseignements avec d’autres forces [sécuritaires] tunisiennes. Le manque de communication entre les forces de sécurité a également entravé les opérations des cellules de crises et a entravé la coordination des efforts visant à endiguer le mouvement extrémiste et la violence. Même au sein de l’armée, il est à craindre que les forces armées ne peuvent pas utiliser efficacement tous les équipements fournis par les Etats-Unis en raison de personnelles et de compétences limitées.
Il y a également relativement peu de collaboration entre les forces de sécurité tunisiennes et les communautés frontalières ainsi qu’entre la Tunisie, la Libye et l’Algérie, qui sont tous essentiels pour arrêter la contrebande d’armes et les extrémistes. Security Assistance Monitor – Country Profil : US security assistance to Tunisia – Avril 2015

⬇︎ PDF

Lorsque l’on voit l’évolution du montant des aides accordées, ces objectifs ressortent clairement.
Ainsi, l’aide militaire et policière américaine envers la Tunisie a évoluée comme suit entre 2009 et 2016 (prévisions selon le Budget du Congrès) :
Entre 2009 et 2016, les différentes aides militaires et policière US ont presque quadruplés passant de 23 896 450 dollars en 2009 à 98 703 355 dollars en 2016.

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Les programmes militaires et policiers selon lesquels la Tunisie a le plus été « aidée » par les USA sont :

● Le Foreign Military Financing : à savoir l’approvisionnement en équipements ou services à des pays « alliés » par le biais de dons ou de prêts et dont la liste est déterminée par le Secrétaire d’Etat. En 2009, la Tunisie a obtenue à travers ce programme 12 000 000 dollars. Pour 2016, le montant de ce programme pour la Tunisie est estimé à 62 500 000 dollars. Il a ainsi augmenté de près de 520 %.

● Le programme appelé « section 1206 », qui concerne le soutien direct ou indirect aux opérations au sein desquelles l’armée américaine participe. Le montant alloué par les USA à la Tunisie dans le cadre de ce programme est passé de 8 824 423 à 21 000 001 dollars soit près de 238% de plus.

● Les aides économiques humanitaires et pour le développement pour la Tunisie sont passés de 1 550 000 dollars en 2009 à 58 000 000 dollars en 2016. Ces aides concernent principalement le programme suivant : Le fond de soutien économique qui est passé de 800 000 dollars en 2009 à 55 000 000 dollars en 2016, soit une hausse de 6875%.

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● Les ventes d’armes vers la Tunisie par les USA ont générés 29 002 612 dollars en 2009 alors qu’elles ont générées en 2013, 493 676 881 dollars soit une hausse de 1702%.

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● Enfin, les programmes d’entrainements et de formations donnés à la Tunisie sont passés de 100 en 2009 à 462 en 2013.

S’il était plus ou moins évident que les Etats-Unis étaient des « alliés de la transition démocratique » en Tunisie, ces chiffres en démontrent l’ampleur. L’évolution de l’assistance militaire américaine à la Tunisie ont connu un net regain après la révolution. Face au chaos libyen et à la menace de l’Etat Islamique, elles continueront à augmenter d’année en année afin « de faire de la Tunisie un modèle [sécuritaire] pour les autres pays de la région ».