En ce mois d’avril, après la fin de l’excellente saison de production de l’huile d’olive, de nombreuses cérémonies internationales à travers le monde ont lieu afin de récompenser les producteurs d’huiles d’olives de qualité. Le 16 avril, la troisième cérémonie annuelle de la meilleure huile d’olive tunisienne conditionnée a eu lieu à l’hôtel Ramada Plaza à Gammarth. Quelques deux cent chefs d’entreprises, diplomates étrangers, ministres et journalistes étaient présents pour honorer les producteurs de l’huile d’olive Al-Jazira, Ulysse Agro Industries et El Baraka, lauréats de la compétition.
En Tunisie, ces entreprises sont au cœur de la production et de l’exportation d’une marchandise vitale pour l’économie. Le « Chiffre du jour » paru sur le site tunisiefocus.com a indiqué quelques jours après cette cérémonie le bien fondé de ce constat :
+11.1% d’export au 1er trimestre 2015 avec une croissance de 239% du secteur de l’agroalimentaire grâce aux exportations tunisiennes d’huile d’olive qui passent de 297.6 millions de dinars à 1 milliard de dinars.
Contrairement à l’inaccessibilité générale des institutions gouvernementales pour les données concernant le secteur de l’huile d’olive du pays, les entreprises d’exportation (y compris l’Office Nationale de l’Huile) sont relativement sensibles et prêts à partager l’information. Les enjeux deviennent clairs après avoir parlé avec les représentants de ces sociétés1: la nécessité d’une coordination administrative et la réforme de la réglementation pour rendre plus efficace la production et l’exportation de l’huile d’olive tunisienne sont deux axes primordiaux.
S’adressant à l’assistance, à Gammarth, le Premier ministre Habib Essid et le ministre de l’Industrie Zakaria Hamad ont fait allusion à un soutien financier émis par l’État pour les exportateurs par le biais du fonds de promotion de l’huile d’olive conditionnée. Le président de la chambre syndicale des exportateurs de l’huile d’olive Abdessalem Loued a évoqué, quant à lui, la nécessité d’une réforme législative et de la mise en place d’une autorité de réglementation opérationnelle.
De son côté, le ministre de l’Industrie, Zakaria Hamad, a fait savoir que ce concours s’inscrit dans le cadre de la campagne de promotion de l’huile d’olive conditionnée menée par son département et financée par le Fonds de promotion de l’huile d’olive conditionnée (Foprohoc).
L’objectif recherché, a-t-il ajouté, est d’inciter les entreprises et les exportateurs d’huile d’olive à maîtriser les bonnes pratiques de fabrication et de conditionnement d’huile d’olive et de renforcer la notoriété des sociétés tunisiennes dans ce domaine. L’huile d’olive a le vent en poupe, La presse de Tunisie.
ARTICLE 37 : Est ouvert dans les écritures du trésorier général de la Tunisie un fonds spécial du trésor intitulé « fonds de promotion de l’huile d’olive conditionnée » destiné au financement des opérations visant l’encouragement de la production et de la commercialisation de l’huile d’olive conditionnée. 14 Le ministre chargé de l’industrie est l’ordonnateur de ce fonds. Les dépenses du fonds ont un caractère évaluatif. Les modalités d’intervention du fonds sont fixées par décret.
ARTICLE 38 : Le fonds de promotion de l’huile d’olive conditionnée est financé par : – une taxe égale à 0,5% de la valeur en douane à l’exportation d’huile d’olive non conditionnée. Est considérée huile d’olive non conditionnée au sens du présent article, l’huile d’olive exportée dans des conteneurs dont la contenance est supérieure à 5 litres, – les dons et subventions des personnes physiques et des personnes morales, – toutes autres ressources qui peuvent être affectées au profit du fonds conformément à la législation en vigueur.
ARTICLE 39 : Sont appliquées à la taxe créée par l’article 38 de la présente loi en matière de recouvrement, de contrôle, de constatation des infractions, de sanctions, de contentieux, de prescription et de restitution, les mêmes règles applicables aux droits de douanes.
Le Fonds de promotion de l’huile d’olive conditionnée, une aubaine pour les exportateurs indépendants de l’huile d’olive :
Mokhtar Ben Achour, STCA d’Al Jazira a accueilli Nawaat à son bureau à Mornag, quelque trente-cinq kilomètres au sud de la capitale. Al Jazira, lauréat du premier prix du concours national, a été fondée en 1999 par le père de Ben Achour (dont la famille produit de l’huile d’olive depuis des générations à Djerba, d’où le nom de la société qui signifie « l’île »). Pour compléter la récolte de près de 100 hectares d’oliviers Chétoui à Zaghouan, Al Jazira achète les olives et l’huile d’olive de différentes variétés, de producteurs voisins. Selon Ben Achour, il a intégré dans sa société des pratiques modernes et traditionnelles qui font de son huile une huile d’olive de haute qualité.
Interrogé dans quelle mesure le FOPROHOC a eu un impact sur la production et l’exportation d’Al Jazira, Ben Achour était clair: « C’est grâce à ce fonds que l’on a pu sortir vers l’étranger ». Il a de même expliqué que le financement à travers ce fonds avait facilité efficacement l’accès aux marchés étrangers ce qu’ils ne parvenaient plus à faire. Cependant, bien que les entreprises exportatrices et le volume de l’exportation d’huile d’olive conditionnée a augmenté depuis 2006, le FOPROHOC est resté inchangé :
En 2006, en Tunisie, on n’exportait qu’aux alentours de 500 tonnes d’huile d’olive conditionnée. Maintenant, c’est aux alentours de 18 000 tonnes. Donc on n’est pas dans le même contexte. On doit réviser un peu la législation et les actions de ce fonds. Cela doit être toujours proportionnel [au montant de l’huile produite et exportée] et cela doit suivre l’évolution des sociétés et des conditionneurs…Maintenant on demande une plus grande publicité…une publicité dans les grands médias pour viser les consommateurs à l’étranger, pour sensibiliser ces consommateurs à consommer l’huile d’olive tunisienne. Avant c’était axé sur la commercialisation, sur les foires, sur les contacts avec les distributeurs, maintenant nous avons beaucoup de monde qui sont installés dans les marchés étrangers. On doit renforcer notre présence avec la sensibilisation des consommateurs directs.
L’Office Nationale de l’Huile (ONH) , un opérateur parmi les opérateurs
Le président de la Chambre syndicale des exportateurs de l’huile d’olive, Abdessalem Loued, a recommandé de réviser la législation régissant les exportations d’huile d’olive, tout en intensifiant le contrôle après l’exportation ainsi que de renforcer l’appui direct au conditionnement de l’huile d’olive et de créer une structure permanente indépendante pour encadrer les exportateurs d’huile d’olive. L’huile d’olive a le vent en poupe, La presse de Tunisie.
Parmi les revendications des entreprises exportatrices d’huile d’olive, la réforme du rôle de l’ONH semble être primordiale. Pour rappel, celle-ci a été crée en 1970 sous tutelle du ministère de l’Agriculture et a tenue un monopole sur les exportations d’huile d’olive jusqu’en 1994. Interrogé sur la fonction de l’ONH dans le secteur, M. Ben Achour la décrit comme : « un opérateur parmi les opérateurs. C’est un exportateur. C’est une société étatique qui fait la collecte et l’export de l’huile d’olive ». Dans une interview précédente avec Nawaat, le directeur de l’ONH Abdellatif Ghedira a expliqué que l’Office est responsable du contrôle de la qualité de toutes les huiles d’olives destinées à l’exportation, ajoutant que celle-ci est dotée de l’équipement nécessaire mais aussi d’une expertise sans commune mesure en la matière.
L’ONH et la réglementation nationale :
« … toutes les huiles d’olives tunisiennes exportées, sont systématiquement analysées afin de vérifier leur authenticité et leur conformité aux normes internationales en vigueur. »
L’Office National de l’Huile (O.N.H.) veille à maintenir une approche qualité basée sur :
• « Des laboratoires reconnus et agréés par le Conseil Oléicole International, dotés d’appareils de haute technologie,
• Une pléiade d’ingénieurs et de techniciens hautement qualifiés et spécialisés dans l’analyse des corps gras,
• Un panel de dégustateurs initié et entraîné aux plus récentes méthodes d’évaluation organoleptique mises en place par le Conseil Oléicole International.
Un contrôle physico-chimique et organoleptique continu afin d’identifier la qualité et les défauts de l’huile et sélectionner ainsi les huiles d’olive vierges de qualité. »
Pour Al-Jazira, ce contrôle centralisé de la qualité est une perte de temps : Après la production d’huile d’olive, l’ONH doit être contacté pour venir sur le site afin de recueillir un échantillon d’huile qui sera envoyé au laboratoire central pour être analysé. Une fois les résultats validés, l’ONH assiste au chargement de l’huile conditionnée.
Pour les entreprises d’exportation qui produisent un grand volume d’huile d’olive et qui sont équipées d’un laboratoire sur leur site, ce contrôle de qualité à travers l’ONH provoque un retard considérable dans le processus d’exportation. M. Ben Achour reconnaît néanmoins l’expérience et l’expertise de l’ONH dans le secteur de l’huile d’olive du pays, mais espère tout de même suffisamment de volonté politique pour adapter la structure d’Etat à l’industrie croissante de sorte que l’Office soit plus un organisme de réglementation qu’un opérateur entre les opérateurs.
L’huile d’olive conditionnée et le marché local
Comment la politique, les tendances, et les exigences du marché international impactent la production de l’huile d’olive et définissent-ils la consommation intérieure ? Plus précisément, dans quelle mesure la promotion par le gouvernement de l’huile d’olive conditionnée (par opposition à l’huile d’olive en vrac) destinée a l’exportation tient-elle compte de la demande du marché local et des besoins des consommateurs locaux ?
L’examen de la consommation d’huile d’olive en Tunisie au cours des dernières années (un certain nombre de rapports ont indiqué une tendance générale à la baisse)2 n’a pas été adressé par les présentations et les discours lors la cérémonie de remise des prix le 16 Avril. Pourtant, cet indicateur est certainement indispensable à prendre en considération quand les discussions sur la réforme du cadre législatif régissant le secteur sera mise sur la table.
L’huile d’olive est, bien sûr, non seulement un bien précieux dont l’exportation vers les marchés étrangers est vitale pour l’économie tunisienne, mais aussi un aliment de base irremplaçable dans l’alimentation des Tunisiens. Si la tendance à la baisse de la consommation intérieure continue, on peut imaginer que cela aura des implications considérables à long terme sur la santé mais aussi sur la souveraineté alimentaire des citoyens.
Dans ce contexte, et convaincu que « la promotion de la consommation locale en informant les citoyens des normes de qualité et des avantages de l’emballage de cette huile » 3 était un objectif authentique de la cérémonie de remise des prix à Gammarth, Nawaat a demandé à M. Ben Achour son point de vue sur l’opportunité et l’accessibilité de l’huile d’olive conditionnée en Tunisie. Essentielle au quotidien et utilisée de façon culinaire, médicinale, ou cosmétique, l’huile d’olive dans les ménages tunisiens n’est généralement pas achetée sous sa forme conditionnée. Achetée en vrac ou obtenu via membres de la famille ou des amis ayant leurs propres oliviers, ce qui favorise la production de l’huile d’olive à petite échelle :
Le marché local de l’huile d’olive conditionnée n’est pas un grand marché. Bien sur, l’huile d’olive oui mais pas l’huile d’olive conditionnée. On doit travailler sur la marché local car c’est bien par là que l’export commence. M. Ben Achour.
Pour M. Ben Achour, plus de régulation et de contrôle de la qualité doivent être appliqués au marché tunisien de l’huile d’olive. Citant le manque d’hygiène et d’information concernant la qualité (source, fraîcheur) de l’huile utilisée dans de nombreux restaurants et largement vendue dans les marchés de quartier (où l’on peut acheter de l’huile d’olive dans des bouteilles d’eau en plastique recyclées, ou même, comme M. Ben Achour déclare avoir vu, dans des contenants d’eau de Javel), il encourage les Tunisiens à chercher l’huile d’olive de qualité garantie dans des contenants alimentaires appropriés. Il rappelle par ailleurs que la différence de coût entre l’huile conditionnée est celle en vrac est minime.
La poursuite de l’exploitation de l’huile d’olive conditionnée, ainsi que la révision et les réformes nécessaires à ce secteur ne seront possibles qu’à travers un plus grand travail d’information de la part de la chambre syndicale des exportateurs de l’huile d’olive. Il est nécessaire aujourd’hui de vérifier les demandes et les révisions qui ont été soumises au ministère de l’Industrie par rapport aux fonds destinés à soutenir l’exportation de l’huile d’olive tunisienne, mais aussi celles liées au rôle de l’ONH en tant qu’autorité de réglementation efficace devant assumer la facilitation des activités des entreprises exportatrices d’huile d’olive.
- Ben Achour, Mokhtar (Executive Manager, STCA Al Jazira). Interview. 23 avril 2015.
Sakka, Atef (Sales Manager, Ulysse Agro Industries). Interview. 22 avril 2015.
Ghedira, Abdellatif (CEO, ONH). Interview. 18 mars 2015. - Voir par exemple, Description générale de l’oléiculture de la Tunisie. La demande de l’huile d’olive en Tunisie : une analyse économétrique .
- Citation du ministre de l’Industrie Zakaria Hamad au sein de l’article L’huile d’olive a le vent en poupe – La presse de Tunisie