Selon des sources concordantes, la crise a commencé mardi 2 juin, quand des manifestants ont commencé à revendiquer le développement et la participation des sociétés pétrolières actives dans la région dans le lancement de projets au profit de la commune et de dévoiler toute la vérité sur les richesses fossiles en Tunisie. Progressivement, le mouvement a pris un rythme ascendant et les manifestants ont décidé d’aller protester devant la société britanique PRENCO d’exploitation de gaz. Les forces de l’ordre ont bloqué la route devant les manifestants qui ont fini par changer de direction. Selon le blogueur local, Chiheb Nasser, les manifestants se sont dirigés au délégué qui a refusé de les accueillir. «Au lieu de nous envoyer les responsables d’État pour nous parler, ils ont envoyé la police pour nous tabasser» décrit un des manifestants. Quelques-uns des manifestants ont cassé des vitres dans les locaux de la délégation et se sont acheminés vers le poste de police de la ville où il y a eu des confrontations plus ou moins violentes.
Durant les jours qui suivaient, des manifestations et des confrontations ont eu lieu chaque nuit entre les jeunes de la ville et les forces de l’ordre devant la porte de la ville où se situent le poste de police et celui de la garde nationale. Selon une de nos sources, au bout de la troisième nuit, jeudi 4 juin, la riposte de la police a été extrêmement violente. En effet, les forces de l’ordre ont fait plusieurs assauts dans les maisons dans le but d’arrêter des manifestants. Durant ces assauts, les habitants étaient victimes de violences physiques et verbales de la part de la police. Cette dernière a lancé des bombes lacrymogènes dans les maisons sans aucune considération de la loi et de l’état de santé des vieilles personnes et des enfants. La colère des habitants a alimenté les confrontations du lendemain entre les jeunes de la région et les forces de l’ordre.
Le lendemain matin, vendredi 5 juin, la situation s’est aggravée selon le témoin oculaire, Faouzi Ben Said, quand un policier a agressé un jeune de la ville, dans un café, en l’accusant d’avoir participer aux manifestations et confrontations nocturnes. La famille de la victime ainsi que les manifestants ont riposté. Au même moment, d’autres témoins affirment avoir vu les forces de l’ordre attaquer par des bombes lacrymogènes des citoyens sortant de la mosquée après la prière du vendredi.
Suite à ces événements, le nombre des manifestants a augmenté et leur colère est montée d’un cran. Lors d’une énième confrontation, les manifestants ont brûlé un fourgon de police sous les tirs de sommation des policiers. Juste après, les manifestants ont avancé vers les locaux de la police et de la garde nationale et ont réussi malgré la pression du gaz lacrymogène à tout brûler surtout que les forces de l’ordre ont reçu des consignes pour quitter la ville.
Nos sources affirment qu’il y avait tout au long du mouvement des salafistes ou/et des militants du parti Tahrir présents parmi les manifestants. Mais personne n’a pu confirmer que ces éléments sont derrière le mouvement ou les confrontations avec la police. Cependant, un militant de la société civile de Kebili, qui préfère garder l’anonymat, avance l’hypothèse d’une manipulation orchestrée par des salafistes dans le but de créer un vide sécuritaire. Dans ce contexte, nos sources confirment que des délinquants et des salafistes contrôlent le village de «Souk Al Ahad» durant la nuit sous le slogan «le festival régional du prestige de l’État». Il y a aussi des informations sur des salafistes de Zaaferane qui viendront pour soutenir les manifestants à Douz.
Des agressions policières dangereuses
Nombreuses de nos sources de la ville de Douz affirment que les forces de l’ordre ont extrêmement provoqué les citoyens. Parmi les violations enregistrées, on note : des assauts non autorisés, les lancements de bombes lacrymogènes dans les maisons et l’agression d’un homme âgé et handicapé chez lui. Des commerçants de la ville accusent quelques policiers d’avoir volé leurs caisses et leurs téléphones.
Taher Al Taheri, directeur de la section de la Ligue des Droits de l’Homme à Kebili, affirme que son équipe a enregistré de graves cas de violence commise par les forces de l’ordre qui pourront compliquer la situation. En effet, sur leur chemin de sortie de la ville, quelques policiers, en colère contre la décision de retrait, ont cassé les vitres d’une voiture de famille avec des bombes lacrymogènes. L’agression a causé des blessures chez une mère et sa fille qui ont été transférées à l’hôpital de la région. Les forces de l’ordre ont aussi agressé, dans la ville de Jemna, des citoyens dans un café au centre-ville et d’autres sortant d’une mosquée. Le bilan s’est alourdi avec un jeune homme blessé et hospitalisé.
Les réactions policières dans un régime républicain et démocratique se mesurent par leur niveau d’efficacité d’empêcher les débordements et non pas par sa violence.
Mais que nous assistons à des démesures policières, c’est tellement grave que nous ne pourrons que les condamner. L’état doit rétablir la vérité, c’est son première rôle social.
La Tunisie passe par une séquence historique qui questionne les bases mêmes de l’état.
L’état n’est pas un ensemble des forces actives qui mènent et se mènent des combats existentielles. L’état est une création de la société dont le premier objectif est de permettre à tous un mieux vivre ensemble. C’est une réponse à un besoin social et de socialisation collectivement souhaitée. C’est une réponse à une aspiration collective concrète et rationnelle, ”des riches et des pauvres”, ”des travailleurs et des chefs d’entreprises”, ”du faible et du fort”. Cela passe par la nécessité :
– à l’ordre, dans sa violence légitime ‘’la police”,
– à la justice dans les tribunaux de la dite république,
– et à des politiques publiques qui garantissent un certain niveau de justice sociale. On parlera alors, de la pose d’un pacte politique qui rassemble plus qu’il divise, c’est le fameux contrat social.