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Que les auteurs du projet de la loi sur la réconciliation eussent eu consacré autant d’effort et autant d’énergie pour secourir cette grande sinistrée qu’est la Justice tunisienne, nous n’en serions sûrement pas là aujourd’hui ! C’est ce que, déjà, depuis quatre ans, nous écrivons et rappelons sans relâche sur Nawaat.

On ne rend pas la justice à coup de lois immunisant les infractions pénales au profit d’une catégorie de la population, mais en donnant les moyens à ladite justice pour faire son travail, quel que soit le “statut” social ou économique du justiciable.

Il faut être littéralement aveugle et sourd pour ne pas voir et ne pas entendre les complaintes des justiciables lambdas, dont certains souffrent le martyre au vrai sens du terme, tellement les procédures judiciaires sont longues est harassantes, sans compter les graves dysfonctionnements. À ces justiciables, ce projet de loi leur dit : “Vous, vous continuez votre chemin de croix ! Quant aux “copains et coquins”, nous allons leur fournir une dérogation ad hoc pour défendre leurs intérêts !

Ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays avec ce projet de loi sur la réconciliation, lequel projet génère ce climat délétère dans lequel il enfonce la société tunisienne, n’est en définitive que la conséquence directe de la faillite désastreuse du système judiciaire tunisien par manque de moyens humains et matériels.

N’y voir dans ce projet de loi qu’une démarche sapant la justice transitionnelle, cela relèverait d’une appréciation tronquée. Car une telle approche ne concerne que le sommet de l’iceberg en négligeant la gravité de la situation à moyen et à long terme.

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Le Tunisien a, effectivement, grandement besoin d’une loi portant sur la réconciliation. Mais certainement pas celle qui réconcilie les malversations avec le butin qu’elles ont généré. Le besoin terriblement urgent, c’est cette loi (que l’on ne finit plus d’attendre), réconciliant le Tunisien avec la justice de son pays.

Pour notre part, à moult reprises nous l’avons dit et redit :

l’un des plus grands dangers qui guette la nouvelle démocratie tunisienne, c’est en effet l’absence d’adéquation entre les moyens humains et matériels actuels de la justice, et les nouvelles exigences de la Tunisie post-révolution.

Que l’on ne s’y trompe pas, sans une justice efficace, la démocratie tunisienne ne sera pas à la hauteur de nos ambitions. Et sans moyens humains et matériels, la Justice tunisienne n’atteindra pas le seuil minimum qui satisfasse aux exigences d’une démocratie viable et pérenne. Et, de ce point de vue, le retard à combler en termes “d’investissement” dans l’appareil judiciaire est aussi vital pour la Tunisie, que le “rattrapage économique” des zones sinistrées à l’intérieur du pays. Que l’on se trompe dans l’échelle de nos priorités, et le processus de la transition démocratique n’ira pas loin. Dans le meilleur des cas, il sera moribond !

Aux gouvernants de ce pays, il convient de rappeler que la stabilité au sein d’un régime démocratique ne se bâtit pas uniquement sur l’efficacité du ministère de l’Intérieur, mais sera toujours proportionnelle à l’efficacité de ce régulateur, qu’est la justice, des rapports aussi bien entre les individus, qu’entre les citoyens et l’État.

Et le plus dramatique dans tout cela, c’est qu’il y a quasiment unanimité à propos des carences des moyens de la Justice pour accomplir sa tâche, mais toujours aucune réforme substantielle à l’horizon !

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