Ce qui permet à toute démocratie parlementaire de surmonter les crises, ce sont, entre autres, ces « soupapes institutionnelles » qui permettent de désamorcer les tensions politiques. De la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple au remaniement ministériel, en passant par la motion de censure, de tels mécanismes sont destinés à dénouer les désaccords, y compris, s’il échet, par l’arbitrage direct du peuple en cas de dissolution.

Les pratiques démocratiques étant récentes en Tunisie, ces mécanismes institutionnels remplissent, à ce jour, leurs fonctions, surtout grâce à un relatif équilibre au niveau de l’exercice des rapports de force politiques.

Cependant, ces mêmes mécanismes utilisés maladroitement n’aboutissent, au mieux, qu’à gagner du temps.

L’usure du pouvoir du «Gouvernement Essid I» a rendu nécessaire un remaniement gouvernemental. Cependant, comme pour tout remaniement, les réactions n’ont guère tardé à vouloir saisir le sens de ce remaniement, de ses choix en termes de personnes et de ses orientations politiques. En somme, “qui, pour faire quoi ?

Or, précisément, la perception du nouveau gouvernement Essid souffre de son manque d’«intelligibilité». Et malgré l’octroi de la confiance lors de l’investiture dudit gouvernement par l’Assemblée des Représentants du Peuple, de sévères critiques sont formulées, y compris par des députés issus de la coalition soutenant la nouvelle formation gouvernementale. Notons par ailleurs un soin tout particulier du parti Ennahdha à enfiler un épais gant de velours pour formuler ses critiques… qu’il nomme pudiquement des «conseils au nouveau gouvernement». La menace terroriste pèse-t-elle sur l’attitude, plutôt conciliante, du parti de Rached Ghannouchi, moins bien servi en nombre des ministres par rapport au nombre de ses députés ?

À l’occasion du remaniement, Nawaat s’est déplacé à l’ARP pour recueillir les déclarations des députés relatives au Gouvernement Essid II. Dans l’ensemble, elles ne sont pas tendres à peine évoquions-nous :

– la suppression des Secrétariats d’État de la composition du nouveau gouvernement ;
– un nouveau gouvernement formé en l’absence de larges consultations, y compris des consultations au sein même du parti ayant le plus grand nombre de députés au sein de l’assemblée ;
– la non-reconduction de l’un des plus importants ministres, en l’occurrence M. Gharsalli, à la tête du ministère de l’Intérieur, sans outre explication.

Manifestement, les interrogations et les critiques des députés au sein de la vidéo -trouvant écho auprès de l’opinion publique- fragilisent le gouvernement nouvellement formé. Or, si le premier gouvernement Essid avait pu bénéficier d’un réel état de grâce lors de ses débuts, le second, lui, entame son parcours avec l’usure propre à son manque «d’intelligibilité». Si l’on rajoute à cela la carrure contestée de certains ministres nouvellement nommés, les semaines et les mois à venir vont, sans doute, être bien plus difficiles pour Habib Essid.

Au-delà de Habib Essid, il n’est pas exagéré de prédire que de la réussite du nouveau gouvernement Essid dépendra également la longévité de l’actuelle ARP. Si la menace terroriste est parvenue, à ce jour, à tempérer les ardeurs politiques, il n’est pas exclu que la dégradation politique, si elle venait à se poursuivre, ne trouve une issue par la recomposition de l’ARP via des législatives anticipées.

A suivre…