Ridha Yahyaoui : Un stylo m’a tuER

Le père de Ridha Yahyaoui, ses frères et son oncle
Le père de Ridha Yahyaoui, ses frères et son oncle (photo par Rabii Gharsalli)

Samedi 16 janvier, devant le siège du gouvernorat, alors que ses camarades fêtent leur embauche, Ridha Yahyaoui est sous le choc. Son nom a été barré de la liste sans explication. Il escalade un poteau électrique et menace de se suicider. Il est électrocuté sur le champ. Le soir même, Ridha décède à l’hôpital de Kasserine.

Issu du quartier Karma à Kasserine, Ridha, 26 ans, technicien supérieur en mécanique électrique, est au chômage depuis cinq ans. Actif dans le mouvement des chômeurs diplômés de la région, il participe, début février 2015, à un sit-in au siège du gouvernorat. Le 16 février 2015, les sit-ineurs signent un accord avec l’ancien gouverneur, le premier délégué régional, Nourredine Touati, et deux députés de la circonscription, Kamel Hamzaoui (Nidaa Tounes) et Mahmoud Kahri (UPL). Onze mois plus tard, les chômeurs, sit-inneurs, sont enfin convoqués au gouvernorat pour signer leurs contrats de travail. Entre temps, la liste a changé. Le premier délégué a barré six noms y compris celui de Ridha et les a remplacé par onze nouvelles personnes.

Ridha n’est pas mort électrocuté. C’est le stylo qui a barré son nom de la liste qui l’a tué.Mehrez Yahyaoui

Fraîchement confectionné, son portrait sous verre, est porté à tour de rôle par ses six frères et ses deux sœurs. La douleur est encore vive chez les Yahyaoui. La mort subite de leur fils, il y a six jours, n’est pas celle qu’on accepte avec patience et foi. « Ridha n’est pas mort électrocuté. C’est le stylo qui a barré son nom de la liste qui l’a tué » s’indigne Mehrez, frère du martyr.

Baya Yahyaoui, la soeur ainée avec le portrait Ridha
Baya Yahyaoui, la soeur ainée avec le portrait Ridha (photo par Rabii Gharsalli)

Assise près du lit de Ridha, sa mère, Saadia Abida, 61 ans, continue à recevoir les condoléances. Entourée de ses proches, elle raconte la dernière matinée avec son fils.

Il était content et pensait, enfin, décrocher un travail. Il m’a demandé de repasser son pantalon blanc qu’il partage avec son frère pour les occasions exceptionnelles. Avant de partir, il m’a embrassé et m’a serré dans ses bras. Il avait un large sourire. Il était vraiment élégant et beau avec son dossier à la main, raconte Saadia, les larmes aux yeux.

Parmi les six frères et les deux sœurs de Ridha, seul l’aîné travaille, à l’usine de l’alfa. Les autres se débrouillent comme ils peuvent. Parfois de petits boulots et parfois rien. « La plupart du temps, nous sommes incapables de trouver de quoi se nourrir » explique Baya, 40 ans, sœur de Ridha, diplômée en informatique mais au chômage depuis 15 ans.

Pour sa famille, Ridha n’était pas résigné. « Il rêvait de lancer son propre projet. Il voulait ouvrir une boulangerie et embaucher ses amis. Il pensait aux autres. Il voulait voir tout le monde content. Petit à petit, il comprend que son rêve est loin d’être réalisable. Il commence alors à passer les concours nationaux de l’armée, de la police et de la douane. À chaque concours, il rentre content et confiant. Il me dit, cette fois-ci, c’est la bonne » se rappelle Roukaya, petite sœur de Ridha.

récépissé de la demande d'emploi de Ridha Yahyaoui
récépissé de la demande d’emploi de Ridha Yahyaoui (photo par Rabii Gharsalli)

Tout le monde sait comment ça marche dans ce pays. Même pour voir un responsable, nous sommes obligés de payer un pot de vin.Othman Yahyaoui

« Mais, ce n’était que des faux espoirs. Nous n’avons ni pistons ni argent pour qu’il soit admis aux concours. Tout le monde sait comment ça marche dans ce pays. Même pour voir un responsable, nous sommes obligés de payer un pot de vin » s’insurge Othman Yahyaoui, père de Ridha. Retraité des Télécom, ses 35 ans de dur labeur ne lui ont pas permis de garantir un meilleur avenir à sa progéniture. « Cette liste était le dernier espoir de mon fils. Il y a vraiment cru. Malgré son diplôme, il était prêt à travailler comme journalier sur les chantiers pour 250 dinars par mois. Mais le pouvoir a décidé de le priver de ces miettes » accuse le père de Ridha.

Baya éclate en sanglot devant la caméra. Terrifiée à l’idée que son frère sera oublié comme tant d’autres martyrs, elle expose une dizaine de documents en criant « Filmez tout ! Ridha est le martyr du travail ! Aux jeunes de la Tunisie ! Si vous voulez du travail, il faut l’arracher par le sang ! ». Une demande d’emploi rédigée à l’intention du gouverneur tachée par le sang de Ridha dans les mains de la sœur endeuillée.

La tombe de Ridha yahyaoui
La tombe de Ridha yahyaoui (photo par Rabii Gharsalli)
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12Comments

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  1. 2
    geny

    pourquoi pas plutôt remettre en vigueur la profession d’eunuque auprès de ces messieurs?
    et dire que les gens sont trop nombreux permet d’éluder la responsabilité des dirigeants

    condoléances et soutien à la famille

  2. 4
    Mehdi

    Réellement, je ne vois pas en quoi ce pauvre est un martyr comme le répétait son frère.
    Faut arrèter de se laisser prendre par l’émotion, même si c’est douleureux pour la famille de perdre un enfant.
    Il s’est tué lui même. L’état ne peut pas empêcher les gens de monter sur les poteaux éléctiques.
    L’état ne peut pas non plus empolyer tous les chomeurs.

  3. 6
    yasmina

    “Un stylo m’a TUER” comme “Omar m’a TUER”, phrase d’accusation, dans le cadre de l’affaire Omar Raddad, célèbre pour la faute de grammaire qu’elle contient.

  4. 7
    mandhouj

    Après ce drame, la Tunisie ne pourra pas être heureuse. Le Symbolique joue toujours, électrocution ! Quelle mort quelle douleur ? Une famille brisée … Et puis les événements s’enchaînent … Une logique le plus bette d’entre nous pourra la comprendre … Ridha a était tuER par l’encre d’un stylo qui l’a noyé dans l’éternel, mais jamais dans l’oubli … OUI un stylo … visiblement … Mais la jouissance d’un système pourri a tenu ce stylo entre les doigts de la main … El FASSADE dans notre administration … C’est le mal qui est entrain de nous tuer … C’est au gouvernement de réagir et au quartet de tirer toutes les leçons … On peu toujours appeler au calme … des malfaiteurs, des mal intentionnés, des terroristes … pourront agir et faire du mal à toute la société, gouverné-es et gouvernants, mettre à mal la sécurité des personnes et du pays et les biens publics et privés … Mais à l’heure ou nous sommes il y a certaines urgences qui n’acceptent plus la négociation, l’attente, l’immobilisme politique … Pour le gouvernement la révision des priorités devient inéluctablement justifiée.

  5. 9
    Ben

    Tout pays du monde est touché par le chômage le chantage de d immoler ou d électrocuté reste malheureusement un geste certes de désespoirs mais aussi un manque de foi et manque de courage il fallait se servir du stylo pour se faire entendre on ne peux pas dire tout est de la faute du gouvernement il n’a pas de baguette magique !!!!!! Chacun a son niveau dans la société à sa responsabilité même la famille les pauvres font plus d enfants que les gens qui ont une bonne situation pourquoi ?

  6. 10
    fouad

    je ne vous connais pas mais je ne vous souhaite pas de connaitre la meme situation que ce jeune diplomé !!!!!
    On doit laisser ce pays se faire bouffer par des gens corrompus…….la corruption éteint tout espoir dans ce pays….c est vraiment triste et pitoyable

  7. 11
    mandhouj

    Salut Ben,
    Je ne pense pas qu’il faut dire les choses ainsi.
    Il n y a pas de baguette magique, OK; sauf que la plus magique des baguettes, et qui n’a rien de magique en vérité, c’est la guerre contre El fassed (corruption, passe pouvoir, … ) au sein de notre administration, et ça demande uniquement de la volonté politique. Un gouvernement qui n’affiche pas cette volonté à travers des reformes qui impliquent du contrôle démocratique à l’action de l’administration régalienne et civile, est pleinement responsable. Nous savons que nous avons une administration où il y a présence des bandits … Faire la guerre contre El fassed, ce n’est pas mettre tout le monde en prison ou licencier 10 mille ou 15 mille responsables. Faire la guerre contre El fassed, c’est reformer selon des modalités qui garantissent la transparence, qui impliquent le contrôle démocratique de l’action de l’état et de son action … Notre actuel gouvernement a montré une grave passivité envers El fassed … ce chantier n’est pas le chantier d’un jour, mais faut-il engager les débuts des reformes …

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