Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

Slim-Chaker

Comme si notre pays manquait de problèmes, voilà que Mr. Slim Chaker, en crée un de toute pièce avec les médecins libéraux, il y va de « haybat Eddawla » répète-t-il à qui veut l’entendre. Son discours est d’ailleurs largement relayé par les amateurs de lynchages médiatiques, s’agissant surtout des médecins du secteur privé, et même par certaines parties particulièrement intéressées par le probable « pactole » comptable des nouvelles mesures (il en est ainsi d’un ancien président de l’ordre des experts comptables qui a accusé les médecins de désobéissance civile, rien de moins !).

On s’achemine d’ailleurs vers un blocage de la situation et un réel bras de fer, avec le dernier appel du collectif ordino-syndical médical à une AG le 03/04/2016 au palais des congrès à Tunis, pour prononcer le divorce définitif et le refus des dispositions controversées de cette loi.

Pourtant loin de toute polémique, à l’examen serein des données objectives, ces mesures nous paraissent improductives, inappropriées et même par certains aspects injustes !

Des mesures Improductives

Contrairement aux apparences, ces mesures pourtant promulgués depuis la parution du code de la TVA en…1988, n’apporteront rien de plus, financièrement parlant, aux caisses de l’état. Car les médecins Tunisiens paient cette TVA « honteuse » sur la maladie, depuis son instauration, quant aux déclarations quotidiennes des recettes, ils les font depuis belle lurette, sur un cahier paraphé spécialement dédié et consultable par les agents du fisc à leur demande; Alors, pourquoi ce bras de fer inutile, pour instaurer une facturation numérotée et journalière en double emploi de ce qui existe déjà, compliquant encore plus le travail administratif du médecin libéral, déjà très alourdi par la CNAM et sa paperasse Kafkaïenne. Comble d’indélicatesse dans la formulation, la nouvelle loi assimilerait textuellement, l’exercice sacerdotale de la médecine à un vulgaire « commerce au détail », avouons quand même que cela ne peut être que choquant, sinon scandaleux pour tout médecin ou patient qui se respecte !

Des mesures inappropriées dans la conjoncture actuelle

Comme tous les secteurs de service, l’exercice libéral de la médecine passe ces 03 dernières années par une conjoncture particulièrement difficile, surtout pour les plus jeunes.

Les causes de cette crise sont pourtant connues par tous :

  • important reflux de la clientèle étrangère surtout libyenne,
  • tour de vis de la CNAM quant à l’accès au soin dans le privé depuis 2013, avec l’instauration d’une « franchise » des consultations pour les APCI et les maladies ordinaires, sans parler de l’absence de toute révision des honoraires depuis 2008 !
  • érosion du pouvoir d’achat de la patientèle locale d’un coté, et explosion des charges de l’autre, du fait de l’inflation : frais de fonctionnement, salaires, loyers, voiture de fonction…

D’aucun s’attendait à des mesures fiscales d’accompagnement, comme pour les autres secteurs, afin de faciliter l’installation dans le privé des jeunes médecins, particulièrement fragiles et en proie au chômage, mais c’est le contraire qui est constaté !

Le résultat est là, et sans alarmisme déplacé, le pays serait à l’aube d’une catastrophe sanitaire annoncée, ainsi :

  • Depuis 2010 plus de 700 jeunes médecins, on déserté la pratique médicale pour laquelle ils avaient été formés, pour rejoindre la visite médicale et la promesse d’un salaire garanti, nombre d’entres-eux ont été obligés de le faire suite à la fermeture de leurs cabinets au bout de 1 à 2 années d’installation, couronnées d’un amer échec dans un pays pourtant en déficit sanitaire !
  • Combien sont-ils à s’être exilés en France, au Canada ou en Allemagne ? …rien que pour 2014 et pour la dernière venue : l’Allemagne, plus d’une centaine de jeunes médecins formés dans la seule faculté de Sousse s’y sont exilés. Pour se rendre compte de l’ampleur de ce phénomène, il n’y a qu’à constater le nombre de jeunes médecins inscrits au programme de préparation au Goethe-II, dans les innombrables écoles privées spécialisées ! ils seraient pluss de 1800 en France et au Canada…et l’hémorragie continue…
  • Pourtant, la Tunisie à l’un des taux de médicalisation, parmi les plus faibles du pourtour de la méditerranée hormis la Lybie, soit : 1.2 médecins/1000 hbts. Ainsi, par comparaison à des pays similaires démographiquement, comme la Jordanie ou le Liban, notre pays compterait respectivement 2 à 3 fois moins de médecins (La Jordanie : 2.6 médecins/1000 hbts et le Liban : 3.6 médecins/1000 hbts).

Si ce phénomène n’est pas freiné, le désert sanitaire constaté dans les villes de l’intérieur ne manquerait pas de s’étendre aux zones côtières encore épargnées, alors que le pays est à l’orée d’un vieillissement de plus en plus accéléré de la population et d‘une explosion de la demande de soin concomitante.

Des mesures injustes

Pourquoi le ministre des Finances ne publie–t-il pas les vrais chiffres de la fiscalité des médecins libéraux en Tunisie ? Pourquoi ne dit-il pas aux Tunisiens que leurs médecins sont parmi les Professionnels libéraux ceux qui contribuent le plus fiscalement ?

Pourtant, c’est ce qu’il avait affirmé en aparté aux représentants syndicaux des médecins « …la contribution fiscale moyenne serait de prés de 6000 D/médecin et par an en 2015… »… Soit quatre fois plus que la moyenne des avocats et presque autant à eux seuls que tous les autres professionnels du régime forfaitaires réunis : Cafetiers, épiciers, débits de tabac, artisans divers…

C’est d’autant plus injuste que la corporation a fait à l’instigation de ces même structures syndicales un effort de transparence fiscale sans comparaison avec aucune autre profession, ainsi de moins de 1700 D/médecin/ an en 2008 la contribution fiscale moyenne des médecins serait passé à 4708 D/médecin/an en 2013 puis à prés de 6000 D/médecin /an en 2015.

Qui dit mieux ? Quel autre secteur d’activité oserait se targuer d’avoir quadruplé sa contribution fiscale en moins de 10 ans !

Alors, Monsieur le ministre, et espérons-le, digne descendant d’une des figures les plus nobles de notre mouvement national, de grâce revoyez votre copie et évitez nous ce bras de fer improductif, inapproprié et injuste avec une corporation qui a tout fait ces dernières année pour mériter le label du « meilleur élève » en matière de transparence fiscale en Tunisie et qui s’attend en retour à un minimum d’estime et de respect eu égard à la noblesse de son art.

A bon entendeur !