Ça nous pendait au nez ! Je me demande, soit dit en passant, si cette expression ne vient pas de cette répugnante morve qui pend trop souvent au nez des enfants. Ce qui nous attend est bien moins appétissant. Beaucoup plus grave. Conséquence d’une contre-révolution rampante qui se camoufle – à peine – derrière des impératifs sécuritaires dont on se demande s’ils visent la violence jihadiste ou bien plutôt les multiples formes de résistance populaire qui s’obstinent à renouer avec l’esprit de Janvier.

Si j’osais, je dirais la revanche policière est en rut. Trop de temps, sans doute, ceux qui sont censés veiller à notre tranquillité ont comprimé leurs ardeurs répressives. Ils se défoulent aujourd’hui. Et avec quel acharnement ! Affranchis semble-t-il de toute crainte, avides de retrouver une autorité émoussée avec la révolution, pressés de retrouver les privilèges acquis sous Ben Ali, ils se lâchent. La caste policière rêve-t-elle de s’emparer du pays ? Veut-elle imposer l’ordre ? Oh non ! Elle aspire à bien plus que cela. Elle rêve de s’emparer des corps et des âmes. La violence physique pour les corps, bien sûr, l’incarcération aussi évidemment. Mais qu’est-ce donc sinon une volonté de marquer les corps et les âmes que les campagnes contre les consommateurs de zatla et les fameux tests anaux dont il a été question l’an passé ?

On nous annonce aujourd’hui l’installation de caméras de surveillance dans 300 points de contrôle électronique dans le Grand Tunis et dans les gouvernorats « sensibles » de Kasserine, du Kef, de Jendouba et de Sidi Bouzid, prélude à leur généralisation sur l’ensemble du territoire national. Et s’y ajouteront, est-on prévenu, des dispositifs de reconnaissance faciale et des appareils de lecture des plaques d’immatriculation de véhicules. Selon le magazine en ligne Leaders, le ministre de l’Intérieur aurait précisé qu’ « il ne s’agit pas d’un simple filmage d’observation, mais d’une interconnexion online avec différentes bases de données, permettant de réagir très vite, si nécessaire ». Ah, ces bases de données ! Qui pourra donc vérifier ce qu’on y met ? Croit-on vraiment, comme on nous l’explique, que la seule finalité d’une telle mesure est la lutte contre le crime organisé et le terrorisme ?

« Vous voulez la démocratie ? », nous dit le policier, « OK, vous l’aurez ! ». Et il part d’un grand éclat de rire…