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Les questions relatives au changement climatique sont loin d’être intelligibles pour la plus grande partie de nos concitoyens, simplement parce qu’on n’a jamais cherché à les leur faire comprendre. Cela vaut autant pour les pouvoir publics et les ministères concernés (Education, Enseignement supérieur, Environnement…), que pour les associations ayant suivi  les négociations du protocole de Kyoto (accord international visant à la réduction des gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique de la planète). Ce protocole prévoit une rencontre annuelle des pays signataires pour faire le point sur les engagements pris par les différents Etats et les mesures à mettre en place pour lutter contre les changements climatiques en cours, dont le phénomène le plus visible est la fonte des calottes glaciaires. Ces rencontres annuelles sont connues sous le nom de COP (Conférence des parties). La prochaine devrait avoir lieu à Marrakech, au Maroc,  fin de l’année 2016.

Transport privé VS transport public

Il est vrai que la Tunisie, comme les autres pays de la région ou encore la plupart des pays du tiers-monde, ne sont que très peu responsables des émissions de dioxyde de carbone,  désigné comme la principale cause du réchauffement climatique . Nous ne prétendons pas dans ce papier entrer dans les détails techniques relatifs au phénomène du changement climatique, mais pointer le manque d’engagement  de l’État tunisien et certaines pratiques en vigueur qui sont loin de nous mettre sur la voie de la lutte efficace, même à petite échelle, contre ces changements climatiques.

Parmi les  solutions régulièrement avancées pour lutter contre le réchauffement climatique figure le développement des transports publics et l’accroissement des surfaces boisées. En Tunisie, la politique des transports  va pratiquement à l’encontre de ces tendances. Même si le transport public urbain existe dans toutes les villes, il ne domine pas le paysage (ou le marché), sans tenir compte de l’état du parc automobile et de la qualité des services fournis aux usagers. La tendance du secteur penche toujours vers l’accroissement des transports privés aux dépens des services publics, et rien n’est entrepris pour l’inverser. Il semble surréaliste de parler de l’augmentation du déplacement en deux roues en milieu urbain, comme c’est le cas dans de nombreuses villes européennes.

la couverture végétale naturelle est en régression

Pour ce qui est des superficies boisées, le constat est simple : la couverture végétale naturelle est en régression continue depuis des décennies, et nous ne sommes pas encore au point de stabiliser la situation pour, par la suite, envisager d’inverser la donne. Sans parler des régions où la pluviométrie ne permet pas le développement d’une végétation naturelle fournie (zones arides et sahariennes), les milieux où sévit un bioclimat humide et subhumide susceptibles de supporter une couverture végétale forestière continuent de subir des dégradations (espérons qu’elles n’aient pas atteint un stade irréversible).

Les causes sont bien connues, mais l’apparition ces derniers temps de phénomènes inquiétants, à savoir le défrichement à une échelle plus étendue de parcelles forestières et l’accroissement des surfaces incendiées, ne font que réduire encore plus les surfaces boisées. Il est alors largement temps d’accroître l’étendue des espaces boisés, et de ne pas se contenter des efforts de l’administration pour que les acteurs associatifs (au moins) y contribuent également. On sait que les forêts tunisiennes sont généralement utilisées comme terrains de parcours extensifs pour le bétail, mais il est  temps  que ces pratiques cessent, non seulement pour des raisons  écologiques, mais aussi économiques, étant donné que l’élevage extensif en vigueur n’est presque plus rentable, surtout pendant les années de déficit pluviométrique. Enfin, il n’est plus tolérable pour d’être impuissants face à  l’appropriation de l’espace public par des intérêts privés. A titre d’exemple, les superficies reboisées ont besoin d’un minimum de temps pour que les arbres plantés arrivent à s’enraciner et se maintenir. Or, par les temps qui courent, il est pratiquement impossible de faire respecter ce genre de mesure, puisque les utilisateurs de l’espace public se donnent tous les droits pour en profiter.  Il est aisé de soutenir ces usagers, souvent économiquement vulnérables, mais nous devons aussi nous convaincre que sans des mesures pareilles, nous verrons nos espaces forestiers se dégrader progressivement jusqu’au point de rupture où leur réhabilitation coûterait énormément tant en temps qu’en argent.

Les combustibles fossiles au détriment de l’énergie solaire

Nos choix énergétiques sont toujours orientés vers l’utilisation de combustibles fossiles, notamment en matière de production d’énergie électrique. Il est notoire que nous disposons de suffisamment d’heures d’ensoleillement pour que nos besoins énergétiques soient couverts par une production propre et durable, à savoir l’énergie solaire. Nous constatons que les seuls projets dont on nous parle ne sont que des méga-projets du type Desertec, ou inspiré du modèle  développé au Maroc, à Ouarzazate ! Ce type de projet demande des investissements énormes et sont au-dessus de nos moyens. Pourquoi ne pas adopter un autre modèle où l’énergie est produite à petite échelle pour couvrir les besoins domestiques de chacun de nos citoyens et en chercher un autre qui susceptible de couvrir les besoins des autres secteurs (industrie, agriculture…) ? Il semble que personne ne veuille aller dans ce sens, et que l’administration, en particulier, ne souhaite  promouvoir ce genre d’approche. Les raisons nous échappent, mais il paraît que nos technocrates et « experts » se sont fixés sur un modèle que nous nous devons d’adopter, sans oser prendre d’autres voies moins onéreuses et beaucoup plus faciles à développer.

Un « nouveau » projet  présenté comme une des voies que nous pourrions adopter pour lutter contre le réchauffement, est celui des biocarburants. L’idée étant de céder des terrains à des particuliers pour produire un biocarburant à partir de la canne de Provence (Arundo donax). Cette plante se trouve naturellement dans le pays, dans des endroits humides. Le site prévu pour cette plantation se trouve à Metbassta, juste à l’entrée nord de la ville de Kairouan et reçoit l’eau de la station d’épuration de la ville.

Sans entrer dans les détails , disons simplement que ce type de projet ne résout en rien notre dépendance énergétique vis-à-vis des combustibles fossiles, et qu’il serait plus judicieux de penser à un traitement tertiaire des eaux usées afin qu’elles soient utilisées de manière plus efficiente pour assurer notre souveraineté alimentaire. Ajoutons  que ce genre de projet  accaparera des terres traditionnellement utilisées par les paysans comme terrain de parcours, mais aussi pour faire vivre des familles qui exploitent déjà de manière artisanale les tiges de la plante en question.

Le sujet ne risque pas de s’épuiser de si peu. Disons simplement que les « solutions » que l’on nous pousse à adopter   ne répondent en rien aux besoins du pays, et que l’on continue à nous concocter des projets inutiles qui nous coûteraient cher en temps et en argent. Les urgences sont ailleurs, et nos fameux experts sont appelés à réviser leurs annales pour mieux se rapprocher de nos réalités sociales et économiques.