Le 20 février 2017, devant le silence des autorités sourdes à leurs demandes, les habitants de Bradaa ont entamé un sit-in dans la rue pour exiger une réunion avec les députés de la région et le chef du gouvernement. Dimanche 26 février 2017, la tension est montée d’un cran quand la police a réprimé dans la violence les habitants, qui ont alors décidé de couper la route principale reliant Mahdia à Sfax.
Après une semaine de pression continue, le gouverneur a accepté de se réunir avec les habitants de Bradaa et il leur a promis d’examiner leurs demandes « très prochainement ». Les habitants ont formé un comité destiné à constituer le vis-à-vis avec les autorités régionales. Un délai d’une semaine est fixé pour revoir le gouverneur et vérifier l’avancement de la concrétisation des demandes.
« Nous ne demandons pas d’aides, ni de charité ! Nous revendiquons notre part de développement, moins de bureaucratie et de népotisme ! », clame Ezzedine Abdelaziz, 36 ans, ouvrier, au milieu d’un café rempli d’hommes en colère. À l’instar de Nasrallah, Hajeb El Ayoun et d’autres régions défavorisées, Bradaa a été oubliée dans le plan d’investissement de 2017. Ses habitants, silencieux depuis toujours, ont cette fois élevé la voix pour revendiquer la justice sociale et le développement. Depuis longtemps, Bradaa est une région agricole. Mais paradoxalement, elle est classée touristique, sans en profiter en aucune manière. Les habitants de Bradaa demandent de migrer vers un statut de zone industrielle, « où des investisseurs pourront lancer des usines et des projets dont nous avons besoin », explique Ezzedine. Et d’ajouter :
Nous sommes maintenant 10.000 habitants, obligés de faire 12 kilomètres pour payer nos impôts et faire nos courses de tous les jours. Il est temps que Bradaa devienne une délégation à part entière. Nous avons besoins de nos propres administrations et de notre délégué qui nous défendra comme le font les autres pour leurs régions.
Dimanche, à six heures du matin, la police arrête une dizaine de jeunes qui occupait les tentes du sit-in. Les habitants décident alors de riposter par une grande manifestation réunissant près de 3000 habitants. « Toute la ville de Bradaa était dans la rue. Pour montrer que nous ne voulons pas la guerre, nous avons laissé les enfants et les femmes aux premiers rangs de la manifestation. Au lieu de nous écouter, le pouvoir a choisi la force. Ils nous ont assommé de gaz lacrymogène. Mais nous n’avons pas reculé… » assure Slim Borghol, 36 ans, au chômage. En voulant aller à Ksour Essef, il a été violemment tabassé par des policiers qui bloquaient la route. Bilel Seghair, 16 ans, met un bandage à sa main droite. « Les policiers nous ont humilié et tabassé juste parce qu’on a manifesté pour nos droits », s’indigne -t-il.
À 30 kilomètres de Mahdia, au Sud de la délégation de Ksour Essef, Bradaa est connue pour sa production d’huile d’olive. « Aucune usine d’huile d’olive n’a réussi à s’installer ici. Après la révolution, nous avons espéré un changement mais les partis politiques n’ont fait que servir leurs propres intérêts », déplore Saddam Seghair, 26 ans, propriétaire d’un publinet.
Derrière la belle façade de la rue principale de Bradaa, les rues trouées, les écoles délabrées et l’hôpital sans service d’urgences ni ambulance rappellent la vie difficile dans les régions marginalisées. « La qualité de la vie est misérable. Nous n’avons aucun espace vert, aucune bibliothèque ou salle de sport. À quoi sert un État s’il ne propose aucun service à ses citoyens ? l’État ne doit pas se limiter à une police qui réprime des revendications légitimes », proteste Habib Ben Omor, un ouvrier de 34 ans, avant d’ajouter :
Pour simplifier les choses aux autorités, trois habitants ont fait don de leur terre, dans l’espoir de voir des projets de développement à Bradaa. Nous ne voulons pas que nos enfants grandissent dans les mêmes conditions que nous.
C´est triste d´en être encore là comme si la révolte du peuple tunisien n´avait servit à rien. Toujours les mêmes réponses de l´État et des élus, répression policière et refus de prendre en compte la parole du peuple. Quand on n´espère plus rien de positif de l´État, il est temps de prendre son destin en main. Et en premier lieu ne plus lui verser l´impôt, mais l´utiliser pour son propre développement. Créer démocratiquement ses propres institutions. Ne laisser aucun s´accaparer la voix du peuple. Enfin ce qui apparait comme une bonne nouvelle à la lecture de cet article, c´est qu´à présent les tunisiens sont prêt à combattre pour leurs droits.