Cette restriction d’importation serait une mesure pour endiguer la détérioration des réserves de change. Depuis la chute du prix du baril de pétrole en 2014, celles-ci ont chuté de 40%, passant de 177 milliards de dollars à 108 milliards de dollars actuellement. La rente pétrolière, source de 95% des entrées de devises en Algérie, ne suffirait plus pour combler les besoins d’approvisionnement du pays. Néanmoins, cette mesure protectionniste a été prise de manière unilatérale, à l’encontre des accords de libre-échange entre l’Algérie et la Tunisie. En effet, dans le cadre du lancement de leur zone de libre-échange, les deux pays sont liés par un Accord Commercial Préférentiel, entré en vigueur depuis le 1er mars 2014.

Le gouvernement tunisien n’a pas encore réagi de manière officielle. Pourtant, cette restriction d’importation risque d’avoir des effets très néfastes sur le tissu économique tunisien, spécialement au regard du poids des échanges commerciaux entre les deux pays, l’Algérie étant le premier partenaire commercial de la Tunisie au niveau arabe et africain. La liste des produits suspendus d’importation « pourrait concerner 50% des exportations tunisiennes vers l’Algérie » selon l’économiste Abdeljelil Bedoui. Celle-ci comprend 16 familles de produits alimentaires, parmi lesquels les sauces préparées (harissa), les jus de fruits et les conserves, et 8 familles de produits industriels, dont les produits en plastique et les meubles. Cette restriction va impacter un grand nombre d’entreprises tunisiennes, dont certaines sont cotées en bourse à l’instar de Délice Holding, Meubles Interieurs et Office Plast. Il est à noter qu’en 2016, les entreprises tunisiennes ont exporté 1,4 milliard de dinars de marchandise vers l’Algérie.

Cette mesure est emblématique des handicaps qu’endure la construction de l’espace économique maghrébin. Pourtant, cette intégration économique régionale constituerait un gage de viabilité pour les pays du Maghreb, spécialement au regard des défis et des opportunités liés mondialisation. Selon le Forum Economique Mondial, l’Union du Maghreb Arabe (UMA) serait « l’un des pires blocs d’échanges commerciaux au monde », affirmant que la coopération entre les cinq pays qui le composent demeure à son « niveau le plus basique », 25 ans après sa création. Les transactions intra-maghrébines représenterait seulement 4,8% du volume des échanges commerciaux des pays du Maghreb, et moins de 2% du PIB de la région.

Le Forum Economique Mondial cite entre autres un rapport de la banque Mondiale sur l’intégration économique au Maghreb. Celui-ci estime qu’au cours de la période 2005-2015, une intégration profonde comprenant la libéralisation des services et la réforme du code des investissements aurait pu augmenter le PIB réel par habitant de 34% en Algérie, de 27% au Maroc et de 24% pour la Tunisie.