Après avoir déposé une demande d’autorisation auprès du ministère de l’Énergie durant le mois de juillet, TunNur Limited a envoyé, jeudi 14 septembre 2017, des experts pour entamer une prospection du sol sur le site de Rejim Maatoug. C’est une étude préalable au démarrage des travaux de construction, prévus pour 2019, d’une méga-centrale solaire dans le gouvernorat de Kebili.

Après l’échec du projet Desertec, voici que les européen tentent à nouveau d’exploiter le soleil du désert africain pour alimenter leurs foyers. La Tunisie représente à cet effet un site stratégique à plusieurs égards. Hormis le fait que sa proximité à l’Europe confère des avantages logistiques, le pays offre bon nombre d’atouts du point de vue de l’infrastructure, de la technicité de l’industrie locale et de son taux d’ensoleillement.

Energie solaire tunisienne, à bas coût, destinée aux européens

TuNur, un consortium regroupant Nur Energie (Grande-Bretagne), Glory Clean Energy (Tunisie), et Zammit Group (Malte), envisage d’investir 5 milliards d’euros dans une méga-centrale d’une capacité de 4,5 Giga Watts (GW), utilisant la technologie du solaire thermique à concentration (CSP). L’électricité produite sera exportée vers l’Europe via des câbles sous-marins à haute-tension, reliant la Tunisie à Malte, à l’Italie et à la France.

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D’après l’entreprise, l’énergie solaire tunisienne pourrait permettre à TuNur d’alimenter plus de 5 millions de foyers ou 7 millions de voitures électriques à travers l’Europe. Et tout cela à un prix très compétitif, car le cout de l’énergie solaire n’a cessé de baisser ces dernières années. D’ailleurs, le directeur des opérations de TuNur, Daniel Rich a indiqué que « les coûts de production devraient tourner autour de 0,10 dollars le Kwh ». Des études récentes ont même montré que d’ici 2025, le solaire pourrait couter moins cher que le charbon ou le gaz. C’est un argument qui a beaucoup pesé dans le choix des investisseurs. Le PDG de l’entreprise, Kevin Sara, l’a récemment mis en avant : « le site au Sahara reçoit deux fois plus d’énergie solaire que la moyenne européenne, donc, pour le même investissement, nous pouvons produire deux fois plus d’électricité. Dans une économie de l’énergie sans subvention, nous serons un producteur d’électricité à bas coût, même en prenant en compte les coûts de transport».

Pourtant, la STEG investit dans les turbines à gaz

Au moment où l’Europe amorce sa transition énergétique en réduisant sa dépendance et en remplaçant ses centrales à combustibles fossiles par des parcs solaires et éoliens, la Tunisie fait le chemin inverse : les autorités s’entêtent à investir dans les turbines à gaz, peu importe si le pays importe 45% du gaz qu’il consomme. En mai dernier, le gouvernement a même été contraint d’emprunter 160 millions de dollars auprès de la Banque islamique de développement (BID) pour financer l’approvisionnement en gaz naturel de la Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz (STEG).

Bien que la Tunisie dispose de conditions d’ensoleillement optimales (entre 3000 à 3500 heures par an), la capacité installée en photovoltaïque n’a pas dépassé les 5 Méga Watts (MW) en 2014. A ce jour, la contribution des énergies recouvrables (éolienne et solaire) dans la production d’électricité ne dépasse pas 3%. Les objectifs du Plan Solaire Tunisien (PST) sont demeurés chimériques, ils prévoyaient l’installation de 1 GW d’énergies renouvelables (dont 650 MW de solaire) en 2016 et de 4,6 GW à l’horizon 2030.

Au vu du potentiel solaire du pays et des objectifs annoncés, l’absence jusqu’aujourd’hui du moindre chantier de centrale solaire tunisienne demeure énigmatique. Elle incite à questionner l’influence du lobby de l’industrie pétrolière auprès du pouvoir politique. Il y a de claires entraves pour le développement de l’énergie solaire, pendant que les autorités tunisiennes se perdent dans les solutions polluantes comme le gaz de schiste. « Je ne pense pas que les énergies renouvelables puissent pour l’instant nous être d’une grande aide », c’est ce qu’a récemment déclaré Moncef Harrabi, PDG de la STEG. Entretemps, TuNur prévoit d’alimenter plus de 5 millions de foyers européens grâce à l’énergie solaire tunisienne.