L’idée d’une loi criminalisant les atteintes aux forces de sécurité n’est pas nouvelle. Déjà du temps de la troïka, un projet de loi de criminalisation des agressions contre les forces de sécurité et leurs locaux a été proposé par l’ex ministre de l’intérieur Ali Laarayedh à l’Assemblée Nationale Constituante (ANC). Le contexte était néanmoins différent. Les attaques terroristes se multipliaient. La loi de lutte contre le terrorisme d’août 2015 n’existait pas. Le projet de loi en question a été vivement contesté et rejeté par la société civile et une majorité des partis politiques. En 2015, sous la pression conséquente des syndicats policiers, un autre texte dans la même lignée fait surface. C’est le projet de loi relatif à la répression des atteintes contre les forces armées. La logique est toujours la même. A chaque fois qu’un agent est victime d’une attaque, terroriste ou simplement criminelle, le débat sur une loi pour protéger les agents de l’ordre ressurgit. Sauf que le projet de loi dans sa version actuelle va bien plus loin. La protection s’étend « aux conjoints, ascendants, enfants et à ceux qui sont légalement à leur charge ». L’agent ne peut être poursuivi en cas de blessure ou mort d’un civil si l’action est considérée comme essentielle à la protection « des vies et des biens ». Cette proposition législative représente une grande menace pour la liberté d’expression. L’agent armé n’est pas seulement protégé. Il ne peut être ni critiqué, ni filmé ou enregistré, ni remis en cause pour une action arbitraire ou abusive.

Projet de loi de répression des agressions contre les forces armées : Chronologie

  • 2013
  • 19 mai 2013

    Heurts à Tunis entre policiers et partisans du mouvement djihadiste Ansar Al-Charia après l’interdiction de son congrès à Kairouan.
  • Juin 2013

    Présentation à l’ANC du projet de loi de criminalisation des agressions contre les forces de sécurité et leurs locaux. Discussion en commission mais le projet ne passe pas à l’assemblée générale à cause d’une vaste opposition de la société civile et de plusieurs responsables politiques.
  • 2015
  • 18 février 2015

    Quatre agents de la garde nationale sont tués dans une embuscade attribuée au groupuscule Okba Ibn Nafaâ près du Mont Chaambi.
  • 18 mars 2015

    Attaque du musée du Bardo qui fait 23 morts, dont un agent des forces spéciales.
  • Avril 2015

    Le projet de loi relatif à la répression des atteintes contre les forces armées est approuvé par le conseil des ministres et soumis à l’ARP. Indignation de la société civile et pressions en parallèle des syndicats des forces de sécurité pour faire passer la loi.
  • Novembre 2015

    Déclaration de l’état d’urgence (toujours en vigueur)
  • 2017
  • 23 juin 2017

    Un agent de police est brûlé vif lors d’une bagarre entre jeunes à Bir Lahfay, Sidi Bouzid.
  • Juillet 2017

    Le projet est réintroduit en commission. Protestation organisée par le syndicat national des forces de sécurité pour demander le vote de la loi.
  • Août 2017

    Arrestation d’un proche du député du Front Populaire, Ammar Amroussia, ayant agressé la police et qui aurait été libéré après intervention du député. Le syndicat régional des forces armées de Sousse demande l’accélération du vote de la loi.
  • Novembre 2017

    Deux policiers ont été poignardés devant l’ARP, l’un d’eux succombe à ses blessures. Le projet de loi devient « une urgence », selon les syndicats policiers qui ont fait pression pour faire avancer le processus de son adoption. Il est en ce moment même à l’ordre du jour de la commission de la législation générale à l’ARP.

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3Comments

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  1. 1
    mandhouj

    Le législateur doit avoir tout son mental dans sa tête quand il va légiférer… Il s’agit de mettre dans la tête le modèle de société qu’on veut avoir ou qu’on veut confirmer… Nous sommes par moment de changement, donc nous avons besoin des nouvelles lois qui confirment cette volonté de changement par la révolution de la liberté et de la dignité… Sans donner des leçons à personne, toute nouvelle loi qui ne correspond pas à ce cadre morale liberté dignité, devient caduque par l’ordre révolutionnaire, par le texte et l’esprit de la constitution du 27 janvier 2014… La sécurité de chacun citoyen et fonctionnaires est inscrite dans cet ordre révolutionnaire et constitutionnel. C’est au législateur de trouver la bonne équation.

    Ainsi on gagne tous et ensemble, sans pression aucune.

  2. 2
    Houcine

    Une loi ne peut avoir de légitimité si elle apparaît répondre aux intérêts d’un groupe, un clan… encore moins si elle est votée et promulguée dans l’urgence. Or, il devient de plus en plus fréquent, y compris dans des pays à tradition libérale, de s’empresser de légiférer en l’absence de la latitude et la sérénité requises sur des faits sociaux ou politiques sans atteindre les résultats escomptés… d’où l’empilement des textes
    qui ne réussissent qu’à grossir les Codes et autres traités spécialisés.
    La Police et autres services ou institutions de l’Etat disposent de moyens pour se protéger, et c’est le citoyen qui aurait motif à craindre, par les temps présents, pour sa protection et même sa sécurité.

  3. 3
    mandhouj

    En Tunisie il y a un délire qui s’est installé autour du mot sécurité … tout le monde en veut, tout le monde a peur ! Dans ce cas personne ne pourra légiférer. harcèlement, spéculation, instrumentalisation, pression, où vous avez vu un législateur travaillait dans ces conditions ? Dans les pays fascistes ou dans les républiques bananières ou chaque secteur de l’action publique comme du privé (les investisseurs), font leurs lois, et le parlement devient une chambre d’enregistrement non pas pour un gouvernement qui porte un projet démocratique, de développement, mais pour des lobbies et des clans… En Tunisie sommes-nous dans ces réalités, pouvoir fasciste, république bananière ? Si tous les corps souverains (police, garde nationale, douane), sont dans l’impunité, même le pouvoir de l’argent ne sera plus à la banque centrales ni au ministère des finances, il déménagera un peu partout… ça sera peut-être , les réserves en or à la douane, les réserves en devises étrangères chez la garde nationale, et la monnaie nationale sera dans les coffre forts des commissariats de police.

    Moi je pense qu’il ne faut pas penser liquide dans la tête, il faut penser solide en tenant compte de tous les angles et les parois de la choses sécurité, qui ne signifie que sécurité pour la société, pour tous , citoyens et fonctionnaires. Je me trompe ?

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