Comme leur nom l’indique, les soirées TBP s’inspirent des block parties (fête de quartier) qui avaient lieu à New York dans les années 1970 et ont largement contribué à dynamiser à la culture hip hop. Ce n’est pas une mince affaire que cette figure légendaire du rap américain, né à Brooklyn en 1973, partage la scène avec une pléiade des artistes parmi les plus en vue de la scène hip hop tunisienne : Vipa, Massi, Tiga et Pazza. Egalement au programme, Dj Youstaaz, Gamra, Baba Ben et Supaflava ainsi que des battles de danse et des performances de graffiti.
Yasiin Bey débute sa carrière de rappeur au milieu des années 90 avant de faire équipe avec le rappeur Talib Kweli pour former le duo Black Star en 1997. Il sort son premier album solo, Black on Both Sides en 1999, tout en continuant à enregistrer, écrire et collaborer avec d’autres grands calibres de la scène afin de sortir les grands classiques de la prochaine décennie. Des titres profonds, expressifs et engagés tels que « Mathematics », « Auditorium » et « History ». Hormis son long et fructueux parcours musical, Yasiin Bey s’est également distingué dans des rôles sur petit et grand écran. Notamment dans The Italian Job (2003), Something the Lord Made (2004) pour lequel il reçoit des nominations aux Emmy et aux Golden-Globe, et aussi deux nominations pour Cadillac Records (2008). Au-delà de sa carrière musicale et cinématographique, Mos Def s’est positionné comme une voix puissante contre la violence policière, le racisme et l’inégalité. Il a fait des vagues en 2013 après s’être subi une opération d’alimentation forcée en vu d’attirer l’attention sur le mauvais traitement des détenus au camp de Guantánamo, et encore en 2016 suite à son arrestation au Cap en Afrique du Sud pour avoir tenté de voyager, non pas avec un passeport américain mais celui d’un « citoyen du monde ».
Ouvrir la voie à d’autres artistes américains
Pour la génération née dans les années 80, la participation du rappeur à TBP annonce une nouvelle page dans l’histoire de l’événementiel hip hop en Tunisie. « C’est la première fois qu’on reçoit une icône du hip-hop américain en Tunisie », relève Trappa, fondateur du collectif hip hop Debo. Après 12 ans passés entre les Etats-Unis et la France, ce dernier est revenu en Tunisie en 2012 pour se consacrer à développer l’activité de son collectif. « Quand tu fais quelque chose de cette envergure pour la première fois en Tunisie, tu te retrouves sans précédents en se disant quand on a eu Jay-Z voilà ce qui s’est passé, quand on a eu Method man, ça s’est passé comme ça…». Avec la visite de Yasiin Bey, de nouvelles voies pourraient s’ouvrir pour inviter d’autres artistes du même calibre. C’est une manière de dire que la Tunisie aura de la place dans la tête des organisateurs des tournées d’artistes, et de la même manière, les artistes tunisiens auront aussi plus de visibilité à l’échelle internationale. Trappa remarque dans ce sens que « TBP est plus qu’un spectacle. C’est une journée pour le hip hop qui rassemblera plusieurs artistes, toutes disciplines confondues». Ancrés dans la communauté des DJs, Bboys et rappeurs, les collectifs initiateurs de TBP, Frd & Friends, Upper Underground et Debo, ont conscience de la responsabilité qu’implique l’ambition de présenter un évènement de qualité et plus encore, de fournir un endroit sûr pour les artistes.
Combler le fossé générationnel
Pour Hamza Ben Youssef, vétéran de la danse hip hop en Tunisie et membre d’Upper Underground Crew, le hip hop a cette capacité d’évoluer et de s’adapter aux différentes configurations, et c’est directement lié au fait que cette culture n’est pas délimitée par des règles précises comme. « A l’origine, le hip hop, c’est du freestyle. Chacun ramène sa propre touche, ses influences, ses inspirations. Chacun s’approprie cette expression artistique et la façonne à sa guise. C’est pour cette raison que la touche est si différente d’un pays à un autre », explique-t-il. Hamza Ben Youssef, alias Cranky, reconnait les grands pas franchis par le mouvement hip hop en Tunisie durant la dernière décennie mais pas sans amertume. « Malheureusement, la plupart des danseurs, rappeurs et DJs sont arrivés à un point ou il ne pouvait pas vivre de leurs passions, ils étaient donc obligés de faire autre chose pour gagner leurs vies. La majorité a abandonné. C’est ce qui a créé ce fossé entre les deux générations. Il n’y a pas eu de transfert de ce savoir. Il fallait donc tout reprendre dès le début. Aujourd’hui, on voit de nouveaux visages sur scène, qui sont même meilleurs que nous. Mais si ça continu comme ça, on n’ira pas très loin », nous confie ce Bboy. C’est précisément le schéma qu’Upper Underground, Debo et FRD essayent de révolutionner.
Après TBP 1 et 2 qui ont respectivement attiré 2000 et 2500 personnes, les attentes sont au plus haut point pour le rendez-vous du 10 Mai. La visite de Mos Def y est pour beaucoup. Comme le constate Ben Youssef : « Yasiin Bey est resté dans le vrai. Il ne se la joue pas. Il est sollicité par le mainstream. Pourtant, il arrive à conserver ses racines dans le vrai hip hop. Il fait des choses un peu folles pour changer le monde, et c’est ce genre d’influence dont on a besoin ici. Le hip hop n’est pas juste un moyen de divertissement. Il porte un message authentique. C’est comme ça que ça a commencé, à travers des gens qui voulait s’exprimer sur leur problèmes, sur la maltraitance, la pauvreté. En ce qui nous concerne, ce n’est que le commencement. Les gens ont beaucoup de choses à dire ici et on veut leur donner la possibilité de le faire et surtout d’avoir une visibilité. Des choses qu’on n’avait pas ».
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