Après la mise en détention provisoire de Nabil Karoui à quelques jours de l’enjeu électoral, son épouse Saloua Smaoui a pris la relève et a entamé la campagne de son mari depuis Gafsa, sa ville d’origine. Incarnant l’image de la famille solidaire et de la femme loyale, Smaoui s’est engagée à défendre son époux et à réclamer sa libération. Objectif : poursuivre la campagne présidentielle, pour laquelle Karoui a investi depuis des années sa chaîne Nessma TV, son association Khalil Tounes et autres ressources.

Avant de briguer un éventuel destin de première dame, Saloua Smaoui est ingénieure en génie industriel. Elle a dirigé la filiale Microsoft Tunisie pendant cinq ans de 2004 à 2009. En septembre 2011, Smaoui a été nommée directrice générale régionale Advertising & Online de Microsoft pour l’Afrique et le Moyen-Orient, poste qu’elle occupe à ce jour.

La façade de l’accord Microsoft : Booster l’emploi en Tunisie

Saloua Smaoui a été citée dans une dépêche datant du 22 septembre 2006, comme l’atteste les documents fuités sur la plateforme Wikileaks en septembre 2011.

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La dépêche révèle la signature d’un accord entre Microsoft et le gouvernement tunisien en marge du forum des gouvernements  africains de la multinationale. En vertu de cette collaboration, Microsoft s’engage à investir dans la formation, la recherche et développement en Tunisie. En contrepartie, le gouvernement tunisien s’engage à utiliser exclusivement les licences des logiciels développés par ladite société. D’après le document, la directrice de Microsoft Tunisie Saloua Smaoui indique qu’il s’agit d’un accord gagnant- gagnant. Selon elle, l’accord est conforme aux priorités de l’Etat tunisien et devrait favoriser  l’intégration professionnelle des jeunes diplômés.

Le contrat bilatéral prévoit également une formation en télécommunications au profit des personnes ayant un handicap en vue de les insérer dans le marché de l’emploi. La dépêche rappelle que Leila Ben Ali, l’ancienne première dame, présidait une association spécialisée dans la promotion des personnes ayant un handicap. L’accord prévoit aussi une collaboration entre la Tunisie et Microsoft en e-gouvernement, en cyber sécurité, en protection de la propriété intellectuelle et le renforcement des capacités des programmes de technologies de l’information.

Toutefois, il s’avère que l’accord élude des plans visant à censurer et contrôler Internet, en imposant de nouvelles procédures de navigation pour des raisons sécuritaires.

Institutionnaliser la censure

La dépêche fait état d’un programme de formation des cadres des ministères de la Justice et de l’Intérieur dans le cadre de la « lutte contre la cybercriminalité ». Selon la même source, Microsoft a fourni en sus le code source.

Le gouvernement tunisien a acheté 12 mille licences pour mettre à jour le système informatique du gouvernement pour un coût de 7,8 millions dinars en 2009. La directrice de Microsoft Tunisie Saloua Smaoui précise d’après la dépêche de l’ambassade américaine que les logiciels sont destinés aux fonctionnaires des ministères susmentionnés et non pas à un usage public.

Un choix pour le moins controversé, à l’heure où des Etats mieux nantis optent pour des technologies nettement moins coûteuse. Ainsi, la commissaire européenne en charge du Numérique Neelie Kroes a estimé en 2010 que le coût d’installation des logiciels propriétaires représente « un gaspillage d’argent public », alors que la tendance mondiale s’oriente vers l’usage des logiciels libres, même aux Etats Unis. Or, Smaoui précise que l’accord conclu avec les autorités tunisiennes est le fruit de cinq ans de négociations. A noter que les pourparlers ont été entamés dans le sillage du Sommet Mondial de la Société d’Information (SMSI) tenu en Tunisie fin 2005.

Cependant, l’intention du gouvernement tunisien ne se limitait pas à la lutte contre la cybercriminalité ou la promotion de l’emploi dans le domaine des Technologies de l’Information. L’enjeu sous-jacent est en effet de mettre la main sur Internet et de bannir certains sites, à l’instar de Youtube.

Steve Ballmer de Microsoft reçu par Ben Ali, octobre 2007

Il n’empêche. Ben Ali a reçu en 2007, des mains du directeur exécutif de la multinationale Microsoft, Steve Ballmer, un trophée pour son « leadership mondial en technologies de l’information et de la communication, en reconnaissance de son rôle avant-gardiste dans la promotion des technologies de la communication sur la scène internationale ». Pour le moins paradoxal quand on sait le sort réservé aux cyberdissidents, à l’ère de Ben Ali.