Peu de données officielles sur Hay Hlel figurent sur le site de l’Institut National des Statistiques (INS). Mais nous avons trouvé dans un mémoire de recherche de l’Ecole Nationale d’Architecture Urbaine (ENAU) datant de 2016 des chiffres recensés à partir d’une enquête de terrain et d’entretiens avec les habitants. Hay Hlel s’étale sur 360.000 m2 où habitent 10.000 personnes. Les premières constructions remontent aux années 50 dans un contexte d’ « urbanisation accélérée »[1] suite à l’arrivée de tribus provenant de l’ouest du pays. Il s’agit par exemple des Frachich, Awled Ayar et Guerrich qui ont choisi de s’installer aux périphéries de la capitale. En 2016, 140 nouvelles constructions se sont implantées sur une superficie de 35.000 m2  réparties sur 3 zones : Guerich, Hay Dar Chabeb et Kandahar[2].

Un exode inter-quartier

Kandahar se situe en haut de la colline qui sépare Hay Hlel de Saida Manoubia. Cette colline représente un obstacle naturel qui a empêché l’extension des bâtiments. Elle surplombe une agglomération de constructions anarchiques installées depuis la fin de 2010 jusqu’au début de 2011. Ici, nous avons rencontré Samira, 58 ans, en train de laver son linge à la main devant sa façade non enduite, en profitant de la journée ensoleillée. « Je me suis appropriée un terrain en 2011. J’étais locataire à Hay Hlel mais j’ai préféré m’installer sur cette colline parce que je ne peux plus payer les frais de location au propriétaire de la maison où j’habitais », nous confie-t-elle, en esquissant un sourire timide.

A deux mètres du domicile de Samira, nous avons croisé sa voisine Sonia, 38 ans, femme au foyer et mère de deux enfants. « J’emmène mon fils de 11 ans chaque jour à l’école primaire de la rue du Sahel à Montfleury, un peu loin de notre habitation. Je ne veux pas qu’il fréquente cet endroit », soupire-t-elle. Pour sa part, Sonia a squatté un terrain sur la colline en 2011 après avoir quitté Hay Hlel. A force de subir les charges de location et les factures d’eau et d’électricité, elle a favorisé sa « liberté », tout comme sa voisine Samira, aux dépens des services de base. « On n’a pas accès à l’eau potable ni à l’électricité. J’ai pu raccorder un câble électrique à partir du quartier voisin, Gbar Loussif », déplore-t-elle. Et d’ajouter : « A chaque période de campagne électorale, les politiciens viennent massivement pour présenter leurs programmes et nous offrir des solutions. Mais rien n’a changé. Certains d’entre eux nous ont payé 20 dinars pour voter en leur faveur. Personnellement, j’ai mes propres convictions et personne ne pourra m’acheter ».

Intervention limitée de l’autorité locale

L’Assemblée des Représentants du Peuple a adopté en 2015 une loi qui prévoit des dispositions dérogatoires pour la régularisation de la situation des constructions édifiées en violation du permis de bâtir. Dans ce contexte, Lassaad Khedher, rapporteur de la commission des affaires juridiques et foncières et des domaines de l’Etat à la commune de Tunis et président de l’arrondissement municipal de Sijoumi, affirme à Nawaat que l’autorité locale cherche toujours des compromis avec les habitants. « Aucune décision de démolition ne sera appliquée. On cherche toujours à régulariser la situation des constructions illégales », se veut-il rassurant. Cette procédure concerne aussi bien les travaux d’extension des logements déjà bâtis ou les constructions édifiées sans permis de bâtir. « La seule restriction au droit à la régularisation est la construction dans des zones vertes ou archéologiques. Heureusement qu’à Hay Hlel il n’y en a pas », enchaîne Khedher.

A Kandahar, il n’y a quasiment pas d’infrastructure. Les eaux usées coulent sur les voies étroites et dégagent des odeurs infectes. « Nous vivons dans la merde littéralement ! A chaque fois que la pluie tombe, les égouts évacuent les déchets », clame une habitante. En effet, les réseaux de canalisation des eaux usées ont été installés de manière anarchique, ce qui a aggravé la situation écologique à Kandahar. « Nous avons entamé l’aménagement des réseaux d’assainissement en collaboration avec l’Office National de l’Assainissement (ONAS) et le conseil régional pour limiter le ruissellement des eaux. Le problème s’est accentué à cause des constructions anarchiques qui ne sont pas conformes aux normes », explique le conseiller municipal.

Notes

  1. Ines LABIADH, « La Tunisie à l’épreuve de la territorialisation : réalités et perspectives du modèle de développement territorial », Université Grenoble Alpes, 2017, p.42
  2. Hatem SRIH, « Hay Hlel, le droit à la réforme », mémoire d’architecture, novembre 2016, p.35