Selon la fiche de l’exposé des motifs de cette mesure, la CPG n’aurait pas déclaré ses redevances minières depuis la création de cette taxe en 1953. La recette des finances lui a imposé de payer le cumul des redevances pour la période 1998-2007, soit environ 30 million de dinars. La compagnie a déposé un recours auprès du tribunal de première instance, puis à la cour d’appel pour arrêter cette décision. Dans les deux degrés de juridiction, des décisions en faveur de la compagnie ont été émises. Mais en pourvoi de cassation, l’Etat s’est trouvé débiteur auprès la CPG qui devrait lui payer des créances à titre de redevances minières qui ont grimpé à 700 millions de dinars en 2018.

La révision du fardeau budgétaire sur la CPG

La CPG est régie par le décret du 1er janvier 1953 sur les mines. Son article 87 prévoit que « tout concessionnaire est tenu de verser à l’Etat une redevance égale à 10% du bénéfice de son exploitation ». Le projet de loi de finance 2021 dispose dans son article 140 l’exemption des gisements de phosphates de payer 10% et de réduire cette contribution à seulement 1% à partir de janvier 2021.

Une source de la CPG confie à Nawaat que depuis 1989, le statut de la compagnie a changé. Initialement déclarée Société Anonyme (SA), la CPG est devenue une Entreprise Totalement Exportatrice (ETE). Par conséquent, elle bénéficie d’avantages fiscaux prévus par l’article 12 du Code des incitations aux investissements de 2008, qui l’exonère de  certains types de taxes. « Tout ce qui relève des impôts sur les bénéfices, des taxes douanières et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) ne concerne pas les entreprises totalement exportatrices », explique la source. Et d’ajouter : « La recette des finances a alourdi la charge fiscale de la CPG en lui imposant de verser 10% de la redevance minière au profit de l’Etat. La compagnie a déposé un état de liquidation contre cette décision auprès de la cour de première instance et de la cour d’appel ».

Comme la recette des finances -relevant du ministère des Finances- a recouru devant le tribunal de cassation et a gagné le procès, la compagnie s’est retrouvée dans l’obligation de payer ses dettes à l’Etat. L’administration financière de la CPG a donc contacté l’administration fiscale du ministère des finances pour alléger le pourcentage de la taxe imposée, compte tenu des difficultés financières de la compagnie nationale. De ce fait, le ministère des finances a prévu dans le projet de loi de finance une révision de la redevance minière qui est passée de 10% à 1%.

Cependant, en consultant le Registre National des Entreprises auquel sont inscrites les différentes entreprises, il s’avère que de par son statut juridique, la CPG constitue une Société Anonyme et non pas une Entreprise Totalement Exportatrice.

Une compagnie nationale au bord de la faillite

Entre 1998 et 2010, la production annuelle du phosphate dépassait les 8 million de tonnes. Elle représentait 4% du Produit Intérieur Brut (PIB) et 10% des exportations du pays. Depuis janvier 2011, ce chiffre a décliné pour arriver à 2.5 millions de tonnes. La production a été en effet freinée suite aux mouvements sociaux revendiquant l’emploi et la répartition équitable des richesses dans les villes du bassin minier, où se trouvent les gisements de phosphate. Ainsi, à part les interruptions de la production, la charge salariale s’est alourdit. Le nombre d’employés de la compagnie estimé à 4989 en 2010 a atteint les 6448 en 2017.

Selon une étude élaborée par la CPG avec l’assistance technique du Natural Resource Governance Institute, « les exportations des minerais y compris le phosphate et les dérivés chimiques phosphatés sont en baisse continue, et ce en passant de 5,1% du total des exportations en 2014 à 3% en 2015 suite à la perte d’importants marchés à l’échelle mondiale ».

De plus, « le coût de production d’une tonne de phosphate marchand en 2010 était de 46,8$ alors que le prix de vente unitaire a été estimé à 75$. En 2014, le coût de production d’une tonne de phosphate a plus que doublé en dépassant les 100$ à cause, entre autres, du manque de nouveaux investissements, du sureffectif et du financement des déficits des filiales nouvellement créées ». Les pertes de la CPG ont ainsi augmenté, passant de 109.8 millions dinars en 2015 à 209.4 en 2017, selon l’ancien ministre de l’énergie et des mines, auditionné au parlement en 2017.